les Yeux d'Elsa
Recueil de poèmes de Louis Aragon (1942).
Composé entre décembre 1940 et février 1942, publié en Suisse mais introduit clandestinement dans la France du gouvernement de Vichy dont il sut tromper la censure, le recueil les Yeux d'Elsa présente une structure complexe : une préface et trois appendices en prose, dont « La Leçon de Ribérac », encadrent les œuvres en vers (cycle des Nuits, Plainte pour le grand Descort de France, Richard Cœur de Lion, Lancelot, les Yeux d'Elsa, Cantique à Elsa).
Un manifeste poétique
« Arma virumque cano », qui ouvre le recueil, emprunte son titre au premier vers de l'Énéide (« Je chante l'homme et ses armes … »). Aragon, qui n'hésite pas à employer le « je » et multiplier les références autobiographiques, y développe un véritable art poétique, prônant le vers régulier et la rime contre le vers libre, ce qui lui permet de défendre, auprès du lecteur qui saura traduire les allusions, l'identité culturelle de la France et la grandeur inaltérable du pays vaincu et asservi.
L'esprit de Résistance
Chronique du désespoir et du deuil national, « le cycle des Nuits », empreint de l'angoisse du néant, évoque les premiers jours de la défaite de la France. Face au désespoir, seul l'amour d'Elsa permettra d'échapper aux ténèbres. Peu à peu, le ton se fait combattant, l'appel aux armes devient pressant, les héros de la fierté nationale sont convoqués, la figure aimée rejoint toutes les dames de légende, de Guenièvre à Iseult, de Laure à Béatrice, pour incarner l'espoir.
Blason d'Elsa
Célébration de l'aimée, elle-même inscrite dans la continuité des amours mythiques de l'histoire de France, le recueil magnifie la figure d'Elsa Triolet, l'épouse du poète, dont ce dernier s'est défendu de vouloir faire un mythe littéraire. Mais, composé sur le modèle des « blasons » de la Renaissance, l'éloge transforme Elsa en figure cosmique, en même temps qu'il fait de son corps l'allégorie de la France tout entière.