Bel-Ami

Guy de Maupassant,  Bel-Ami
Guy de Maupassant, Bel-Ami

Roman de Guy de Maupassant, publié en feuilleton dans le Gil-Blas (1885).

Employé aux chemins de fer, Georges Duroy, plus tard « du Roy », enfin « du Roy de Cantel », devient, après deux mariages et quelques liaisons, directeur d'un grand journal parisien. Cette position privilégiée le met au cœur des scandales qui agitent la France des premières années de la Troisième République, sous la triple influence des hommes politiques, des financiers et des femmes : un Rastignac de la deuxième génération.

En faisant d’un homme ambitieux et opportuniste la figure principale de son livre, Maupassant joue sur les sentiments ambigus du lecteur. Georges Duroy est tour à tour le jouet et l’acteur d’un système corrompu, et il en est pour finir l’observateur – à l’instar de l’auteur avec lequel il partage plusieurs traits, parmi lesquels un grand pouvoir de séduction. La situation de l’ouvrage à l’époque contemporaine en accentue le caractère réaliste, même si le principal thème développé, celui de l’ambition personnelle et de l’élévation sociale, souligne l’empreinte de Balzac.

Morceaux choisis

« Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. »
Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :
« C'est encore par elles qu'on arrive le plus vite. »

(Première partie, chapitre Ier).

En arrivant au second étage, il aperçut une autre glace et il ralentit sa marche pour se regarder passer. Sa tournure lui parut vraiment élégante. Il marchait bien. Et une confiance immodérée en lui-même emplit son âme.

(Première partie, chapitre II).

Georges et Madeleine rentrèrent fort tard. […]
En arrivant sur le palier du premier étage, la flamme subite [de la bougie] fit surgir dans la glace leurs deux figures illuminées au milieu des ténèbres de l'escalier.
[…] Du Roy leva la main pour bien éclairer leurs images, et il dit, avec un air de triomphe :
« Voilà des millionnaires qui passent. »

(Deuxième partie, chapitre VI).

Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église. Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne, il ne pensait qu'à lui. Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait. Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon. Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il ne les voyait point; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

(Deuxième partie, chapitre X [fin du roman]).