Vestales

Vestales à l'autel de Vesta.
Vestales à l'autel de Vesta.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Prêtresses vierges de Vesta.

La fonction principale des vestales est de maintenir vivantes les flammes du feu sacré qui matérialise la déesse ; elles prient pour le salut de Rome et de l'Empire ; elles veillent à l'entretien du temple, sur le phallus sacré, préparent les animaux pour les sacrifices, confectionnent le gâteau du sacrifice, mola salsa, assistent et participent à nombre de célébrations religieuses (Fordicidia, Parentalia, Parilia...) ; elles veillent également sur quelques sources. La première vestale se serait appelée Amata.

Les antécédents

De deux à l'origine, le nombre ces vestales est porté à quatre par le roi Numa Pompilius (Gegania et Verania, Canuleia et Tarpeia), puis à six par Tarquin l'Ancien. D'abord choisies par le roi, les futures vestales le sont ensuite par le grand pontife, au sein de familles au passé irréprochable. Tous les auteurs qui parlent des cérémonies observées à la consécration des vestales, rapporte Aulu-Gelle, disent que, pour entrer dans cet ordre, il est nécessaire que la jeune personne ait atteint l'âge de six ans, et qu'elle n'ait pas dépassé celui de dix ; qu'elle ait encore son père et sa mère ; qu'elle n'éprouve aucune infirmité ni du côté de la parole, ni du côté de l'ouïe, et qu'elle ne soit affligée d'aucune tare dans toutes les autres parties du corps. Il faut que son père, ou elle-même, n'ait point été émancipés, quand bien même, du vivant de son père, elle serait au pouvoir de son aïeul. La servitude, l'affranchissement et l'exercice d'une profession déshonorante chez son père et sa mère, ou seulement chez l'un des deux, l'excluent pour jamais de la dignité de vestale. Celle dont la sœur a été admise au nombre des vestales ne peut aspirer à ce sacerdoce. La fille d'un pontife, d'un augure, d'un quindécemvir préposé à la garde et à l'ouverture des livres divins, ou d'un septemvir, chargé du soin des festins sacrés, ou d'un salien, est exclue du temple de Vesta. On exclut également l'épouse d'un prêtre, ou la fille d'un musicien des sacrifices. On ne peut choisir une jeune personne dont le père n'a aucun domicile en Italie, ou dont le père a trois enfants.

Le grand pontife a, en ce domaine, grande latitude, jusqu'à ce que la loi Papia ne vienne tempérer, quelque peu, son autorité : les vestales sont tirées au sort parmi vingt enfants choisies par le grand pontife.

Le statut

Les élues habitent dans l'atrium de Vesta, tout près du sanctuaire de la déesse et leur sacerdoce dure trente ans. Trente années qui se découpent ainsi : dix ans de noviciat, dix ans d'exercice, dix ans où elles enseignent leur métier aux nouvelles venues. Elles obéissent à la grande vestale (virgo vestalis maxima), la plus âgée d'entre elles, et au grand pontife qui les surveille et les dirige, et dont la demeure officielle est la Regia.

Payée par l'État depuis Numa Pompilius, la vestale jouit de privilèges. Outre celui d'être grandement honorée et respectée lors de ses déplacements, elle peut gracier un condamné à mort, pour peu qu'elle l'ait croisé par hasard. Sous l'empereur Auguste, elles ont au théâtre leur loge particulière, en face du tribunal du préteur. La vestale Claudia monte dans le char de son frère, qui triomphe contre la volonté du peuple, afin que personne ne puisse l'empêcher d'atteindre le Capitole. (Chez Valère Maxime il s'agit non du frère mais du père de la vestale Claudia, qu'un tribun a poussé hors du char pour prendre sa place.)

Après ces trente années passées au service de Vesta, les prêtresses peuvent retourner dans leur famille et choisir un mari, droit qui, selon Denys d'Halicarnasse, est rarement exercé. Et Plutarque précise : « Mais il en est très peu, à ce qu'on assure, qui profitent de cette liberté ; et celles qui l'ont fait, loin d'avoir eu lieu de s'en applaudir, ont passé dans la tristesse et le repentir le reste de leur vie. Leur exemple a inspiré aux autres une crainte religieuse, et elles ont préféré au mariage une virginité perpétuelle. » Tacite mentionne la vestale Occia qui, cinquante-sept ans durant, a servi le culte de Vesta de façon irréprochable.

Si ce sacerdoce est hautement considéré, toujours moins nombreuses au cours des âges sont les familles romaines disposées à y abandonner leurs filles. Suétone rapporte à propos d'Auguste qu'il accroît le prestige des prêtres, des vestales en particulier. Comme, après la mort de l'une d'elles, il faut une remplaçante et que les citoyens font tout pour soustraire leurs filles au tirage au sort, il déclare que si ses propres petites filles (Julie et Agrippine) n'étaient pas si jeunes, il les proposerait pour devenir prêtresses.

Le châtiment

En cas de manquement de la vestale à ses devoirs, le châtiment encouru est à la hauteur de la considération dont elle jouit : si elle laisse le feu s'éteindre, elle est flagellée par le grand pontife, au travers d'un voile ; elles ont ensuite la coutume de frotter un morceau de bois de favorable augure, jusqu'à ce que l'une d'elles puisse porter dans le temple, sur un crible de bronze, le feu produit par ce frottement ; si elle viole son vœu de chasteté, elle est, depuis Tarquin l'Ancien, emmurée vivante dans le campus sceleratus, avec un nécessaire d'éclairage et un peu de nourriture (du pain, du lait et de l'eau) : tel est le destin de Cornelia, vestale sous Domitien. Quant à son compagnon, il subit également l'épreuve du fouet, sur le Forum, jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Une autre Claudia, Claudia Quinta, est soupçonnée d'avoir manqué au vœu de chasteté ; elle prouve son innocence en dégageant, par ses seules prières (et ses faibles forces), le bateau enlisé dans les sables du Tibre, qui porte la statue de Cybèle. Ce prodige a été également rapporté par Ovide. La vestale Postumia est jugée un peu trop « libre » dans ses propos et dans sa tenue vestimentaire ; acquittée, elle doit cependant faire preuve de plus de sobriété dans son comportement. La vestale Minucia, dont l'élégance déplacée éveille des soupçons, est également enterrée vivante. Comme le feu s'est éteint et qu'elle encourt la flagellation, une jeune vestale, inspirée par Vesta, jette son voile sur les braises ; le feu reprend et elle échappe ainsi à la punition. Tuccia est accusée d'inceste : sûre de sa vertu, et confiante en la divinité, elle se saisit d'un crible et s'adresse à Vesta : « Puissante divinité, si j'ai toujours approché de tes autels avec des mains pures, accorde-moi de remplir ce crible de l'eau du Tibre, et de le porter jusque dans ton temple. » Et la jeune prêtresse est ainsi... lavée de tout soupçon. Crassus entretient des relations avec la vestale Licinia, et s'approprie ainsi les biens qu'elle possède...

Vestale et virginité ?

Dion Cassius suggère que, tout compte fait, les vestales ne sont pas si pures qu'on veut bien le croire, comme en témoigne sa relation d'événements datant de 640 av. J.-C. :

C'est principalement sur les vestales elles-mêmes que retombent la peine et le déshonneur de leur crime ; mais elles causent aussi de grands maux à beaucoup de citoyens et portent le trouble dans l'État tout entier. Les Romains, considérant que ces fautes sont une profanation d'un vœu placé sous la sauvegarde des lois, consacré par la religion et que la crainte des châtiments doit rendre inviolable, supposent que les attentats les plus honteux et les plus impurs seront désormais possibles. Pleins d'indignation pour ce qui vient d'arriver, ils punissent non seulement ceux dont la culpabilité a été démontrée, mais encore tous les accusés. Aussi tout ce qui se fait contre les vestales paraît-il inspiré moins par la faute de quelques femmes, que par une sorte de colère divine.

Trois vestales violent en même temps le vœu de chasteté. Marcia, l'une d'elles, entretient séparément, avec un seul chevalier, un commerce qui serait ignoré, si l'enquête, dirigée contre les autres, ne s'était élargie et étendue jusqu'à elle. Au contraire, Emilia et Licinia comptent de nombreux adorateurs, auxquels elles s'abandonnent tour à tour. Dans le principe, chacune, de son côté, a des liaisons secrètes avec quelques hommes qui semblent n'exister qu'avec un seul : plus tard, pour réduire d'avance au silence quiconque pourrait se douter de leur inconduite et la dévoiler, elles accordent leurs faveurs comme prix de la discrétion. Ceux qui les ont obtenues auparavant, témoins de ces désordres, les supportent sans se plaindre : ils craignent de se trahir par leur indignation. Ainsi, tantôt à part l'une de l'autre, et tantôt en commun, elles se livrent quelquefois à un seul homme et quelquefois à plusieurs : Licinia a pour amant le frère d'Aemilia, et celle-ci le frère de Licinia. Ces infamies restent inconnues pendant bien longtemps. Beaucoup d'hommes, beaucoup de femmes, de citoyens libres et d'esclaves y sont associés : néanmoins rien ne transpire, jusqu'au jour ou un certain Manius, qui le premier en a été l'instrument et le complice, les démasque pour se venger de n'avoir obtenu ni la liberté, ni rien de ce qu'il avait espéré. Ce Manius n'a pas moins d'habileté pour solliciter au vice, que pour semer la calomnie et la discorde.

Voir aussi : Helvia, Religion des Romains

Vestales à l'autel de Vesta.
Vestales à l'autel de Vesta.