Tantale

Tantale condamné à une faim et à une soif perpétuelles.
Tantale condamné à une faim et à une soif perpétuelles.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

1. Roi de Lydie ou en Phrygie (Paphlagonie), puni aux Enfers par le supplice de l'insatisfaction.

Fils richissime de Zeus, ou de Tmolos, et de la nymphe Ploutô fille d'Himas, ou Plotis, Tantale est marié à une femme différente selon les versions : tantôt il s'agit de Dioné (fille d'Atlas), tantôt d'Euryanassa (fille de Pactole) ; ou bien encore de la Pléiade Taygète ou de la nymphe Clytia fille d'Amphidamas, ou de Stéropé. Il est le père de Niobé et de Pélops. Heureux, riche grâce aux mines de Phrygie et du mont Sipyle, Tantale jouit d'une condition supérieure à celle du commun des mortels. Il est l'hôte des dieux qui le fréquentent presque comme un pair.

Tantale est connu surtout pour le châtiment que lui inflige Zeus, et dont l'expression, « le supplice de Tantale », est proverbiale déjà dans l'Antiquité. Jeté dans l'Éridan ou au Tartare, il est là, souffrant la soif et ne pouvant boire. En effet, toutes les fois qu'il se penche, dans son désir de boire, l'eau décroît, absorbée, et la terre noire apparaît autour de ses pieds, et un dieu la dessèche. Et des arbres élevés laissent pendre leurs fruits sur sa tête – des poires, des grenades, des oranges, des figues douces et des olives vertes. Et toutes les fois que Tantale veut les saisir de ses mains, le vent les soulève jusqu'aux nuées sombres.

Ce ne sont pas les motifs de cette punition qui manquent. Selon la plus communément admise, Tantale, afin d'éprouver la clairvoyance des dieux, tue son fils Pélops, le découpe en morceaux et les sert en nourriture à ses hôtes divins. Le crime – auquel ne peut croire Iphigénie – est éventé, Pélops ressuscité par Hermès et le perfide châtié à la mesure de son acte. Mais de sa race va sortir une suite d'hommes coupables qui surpasseront les crimes de leurs pères, le feront paraître innocent, et se souilleront d'attentats inouïs. Toutes les places vacantes dans le séjour des impies, sa famille les remplira. Tant qu'il restera des Pélopides, Minos, juge aux Enfers, n'aura point de relâche.

Tantale jouit d'une certaine vénération en Lydie, autour du mont Sipyle où il fonde la cité du même nom. Un lac porte également son nom.

Variantes : Le supplice infligé à Tantale

I. Zeus place un rocher au-dessus de la tête de Tantale, qui menace de tomber. Cette peine supplémentaire a été un ajout des poètes posthomériques influencés par les initiés orphiques d'Éleusis.

II. Châtié pour avoir voulu vivre comme les dieux, Tantale est condamné à vivre parmi les immortels, assistant à leur festin mais sans jamais pouvoir toucher à la merveilleuse nourriture, sous peine de faire tomber le rocher placé au-dessus de sa tête.

Variantes : Les causes du supplice

I. Tantale vole le nectar et l'ambroisie, aliments exclusivement divins, pour en faire profiter ses amis mortels.

II. Tantale ravit Ganymède, l'échanson chéri de Zeus et divulgue certains secrets des immortels.

III. Tantale dissimule le chien d'or d'Héra, envoyé comme espion auprès de son époux.

Voir aussi : Pandaréos

2. Descendant du précédent et fils d'Aéropé et de Thyeste lui-même fils de Pélops, ou bien encore enfant de Brothéos.

Son oncle Atrée le tue et le donne à manger à son père, à moins que son assassin n'ait été Agamemnon : ce dernier le supprime, avec son enfant, avant d'épouser sa femme, Clytemnestre.

3. Un des enfants de Niobé et d'Amphion.

La malédiction de Tantale

tantale. Qui m'arrache au triste séjour des enfers où mes lèvres avides cherchent à saisir l'aliment qui me fuit ? Quel dieu ramène, malgré lui, Tantale parmi les vivants ? Aurait-on inventé quelque supplice plus affreux que cette soif brûlante au milieu des eaux, et que cette faim toujours dévorante ? Mes épaules doivent-elles porter le rocher roulant de Sisyphe ? Va-t-on m'étendre sur la roue dont le tournoiement rapide meurtrit les membres d'Ixion ? Me faut-il subir le châtiment de Tityus qui, couché dans une vaste caverne, repaît de ses entrailles des vautours affreux, et qui, réparant chaque nuit les pertes du jour, offre une proie sans cesse renaissante à l'insatiable avidité de ces oiseaux de carnage ? À quel nouveau tourment dois-je passer ? Ô qui que tu sois, juge impitoyable des morts, chargé d'imaginer des supplices pour les âmes coupables, s'il est possible d'ajouter à ceux que je viens de nommer, tâche d'en trouver un qui épouvante le gardien même du sombre empire, qui fasse trembler le noir Achéron, qui me glace moi-même de terreur. Il va sortir de ma race une suite d'hommes coupables qui surpasseront les crimes de leurs pères, me feront paraître innocent, et se souilleront d'attentats inouïs. Toutes les places vacantes dans le séjour des impies, ma famille les remplira. Tant qu'il restera des Pélopides, Minos n'aura point de relâche.

mégère. Ombre abominable, va, souffle sur ton palais criminel la rage des Furies. Que tes descendants luttent de forfaits, et s'entr'égorgent avec le fer. Point de trêve à leur colère, point de remords qui l'arrête. Qu'une aveugle fureur égare leurs esprits. Que la rage des pères se prolonge, et que leurs crimes se transmettent à leurs fils. Qu'aucun d'eux n'ait le temps de se repentir d'un attentat, mais qu'il en commette chaque jour de nouveaux, et que la vengeance d'un forfait soit un forfait plus grand. Que ces frères orgueilleux tombent du trône pour y remonter de l'exil. Que le destin de cette famille cruelle flotte indécis entre deux rois. Que le malheur succède à la puissance, la puissance au malheur, et que leur royaume soit en proie à de continuelles révolutions. Que chassés de leur pays pour leurs crimes, ils n'y reviennent, à l'aide des dieux, que pour rentrer dans le crime, et qu'ils soient aussi odieux à tout le monde qu'à eux-mêmes. Que leur fureur se croie tout permis. Que le frère tremble devant le frère, le père devant le fils, le fils devant le père. Que la mort des enfants soit affreuse, mais surtout leur naissance. Que la femme attente aux jours de son mari. Qu'ils portent la guerre au-delà des mers. Que leur sang arrose tous les pays, et que la passion triomphante les porte à insulter les plus illustres chefs. Que l'adultère ne soit que la moindre tache de cette famille barbare. Périssent la confiance, l'amour, tous les droits de la fraternité !

Que le ciel même soit troublé par vos crimes. Pourquoi ces étoiles qui brillent à sa voûte, et ces flambeaux dont la lumière doit éclairer le monde ? Qu'une nuit affreuse les remplace, et que le jour s'éteigne. Bouleverse ton palais, évoque la haine, le meurtre, les funérailles ; que le génie de Tantale remplisse toute sa maison. Qu'elle soit parée comme pour un jour de fête ; que le seuil soit orné de lauriers verts ; qu'on y allume un feu splendide pour célébrer dignement ton arrivée. Qu'on y renouvelle, mais avec plus de victimes, l'attentat de la Thrace. Pourquoi la main de cet oncle est-elle oisive ? Pourquoi Thyeste ne pleure-t-il pas déjà ses enfants ? Quand va-t-on les retirer de la chaudière écumante ? Que leurs membres soient mis en pièces ; que le foyer paternel soit souillé de leur sang. Qu'on dresse la table : tu iras prendre part à ce festin du crime ; il n'est pas nouveau pour toi. Je te donne un jour tout entier : pour ce repas, je permets à ta faim de se satisfaire. Sous tes yeux, on boira le sang mêlé avec le vin... J'ai imaginé un repas à te faire fuir toi-même. Arrête : où cours-tu ainsi ?

tantale. À mes étangs, à mes fleuves, à mes eaux perfides, à ces fruits qui se jouent de mes lèvres. Laisse-moi rentrer dans ma hideuse prison ; ou, si tu ne me trouves pas assez malheureux, laisse-moi changer de fleuve. Plonge-moi dans les eaux du Phlégéthon, entoure-moi de ses vagues de feu. Vous tous que la loi du Destin soumet aux tourments ; vous qui, cachés sous une voûte rongée par le temps, craignez la chute d'une montagne prête à vous écraser ; vous qu'épouvantent la gueule affamée des lions et les affreuses Furies qui vous assiègent ; vous qui, à demi consumés, cherchez à repousser leurs torches brûlantes, écoutez la voix de Tantale qui se hâte de vous rejoindre. Croyez-en mon expérience, et félicitez-vous de votre part de douleurs. Quand me sera-t-il permis de fuir les vivants ?

mégère. Quand tu auras porté le trouble dans ta maison, allumé la guerre, inspiré la rage des combats à ces deux rois, et rempli leurs coeurs féroces de transports furieux.

tantale. C'est à moi de subir des peines, mais non d'en infliger. Je monte donc sur la terre comme une vapeur funeste exhalée de ses entrailles, ou comme un fléau qui doit jeter partout des semences de mort. Il me faut pousser mes petits-fils à des crimes épouvantables, moi leur aïeul ! Souverain père des dieux et le mien, dusses-tu en rougir, malgré les châtiments terribles encourus par ma langue indiscrète, je parlerai. Ô mes enfants, ne souillez pas vos mains par des meurtres sacrilèges ; que votre fureur n'ensanglante pas les autels. Je serai là, j'empêcherai les crimes... Impitoyable Furie, pourquoi m'épouvanter de ton fouet et me menacer de tes serpents ? Pourquoi enfoncer l'aiguillon de la faim jusqu'à la moelle de mes os ? Mon gosier s'embrase de soif, et le feu s'échappe de mes entrailles brûlantes. Je te suis.

mégère. Cette fureur qui te possède, répands-la sur tous les membres de ta famille. Qu'ils cèdent aux mêmes transports, et que leur haine les altère mutuellement de leur sang... Ce palais s'est ressenti déjà de ton entrée : il s'est ému tout entier de ton exécrable présence. Il suffit. Retourne aux gouffres de l'enfer, au fleuve que tu connais. Déjà la terre attristée souffre sous tes pas criminels. Regarde : l'eau des fontaines rentre sous le sol, les fleuves se tarissent, et un vent de feu chasse à peine devant lui quelques nuages. Les arbres pâlissent, leur fruit se détache et la branche reste nue. L'isthme qui retentit du bruit de deux mers qu'il divise par une terre étroite, s'est agrandi et n'entend plus que de loin le murmure des flots. Le marais de Lerne est desséché, l'Inachus a disparu, l'Alphée cache ses ondes sacrées, les sommets du Cithéron ne sont plus blanchis de neige, et le noble peuple d'Argos craint le retour de l'antique sécheresse. Le Soleil lui-même ne sait s'il doit poursuivre sa course, et guider encore la marche du jour prêt à s'éteindre.

Sénèque

Tantale condamné à une faim et à une soif perpétuelles.
Tantale condamné à une faim et à une soif perpétuelles.