Protée

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Un ou deux Protée ? il n'est pas aisé de trancher. Sans doute les auteurs évoquent-ils le même personnage, mais les variantes sont telles qu'on peut en distinguer deux.

1. Divinité marine, fils d'Océan et de Téthys.

Protée a de Psamathée cinq garçons, tous brigands tués par Héraclès. Il vit soit sur l'île de Pharos, en Égypte, soit sur l'île de Carpathos, entre la Crète et Rhodes.

Contraint de se réfugier en Égypte, il reçoit l'aide de Poséidon dont il devient le sujet, chargé de garder ses troupeaux de phoques. En récompense des services ainsi rendus, Poséidon le dote du pouvoir de prophétie mais également de celui de prendre toutes les formes possibles. Le Vieux de la Mer est avare de ses secrets et il faut jouer de ruse et de force pour l'obliger à se livrer. Aussi sa fille, la nymphe Idothée, conseille-t-elle à Ménélas, désespérément bloqué en Égypte par le calme plat, d'attendre que son père s'endorme ; puis de le maintenir fermement, en restant indifférent à toutes les métamorphoses que le devin pourra prendre. Ensuite seulement Protée daignera répondre à ses interrogations ; Ménélas suit scrupuleusement le conseil et apprend ainsi que son séjour forcé lui vient de Zeus auquel il a négligé de rendre les honneurs lors de son départ de Troie.

Le berger Aristée a également recours aux pouvoirs de Protée, lorsque les dryades, par vengeance, ont tué toutes ses abeilles. Sa mère, Cyrène, met son fils en garde, car Protée n'est pas un devin comme tous les autres.

Voir aussi : Idothée

2. Roi d'Égypte, à Memphis.

Protée a succédé à Phéros, le fils du pharaon Sésostris. S'il chasse Pâris de son territoire, où les vents ont poussé sa flotte, il garde Hélène et lui fait élever un sanctuaire.

Variantes

I. Protée, qui ne peut supporter la tyrannie du roi Busiris, préfère s'exiler. Il se joint aux fils de Phénix, alors à la recherche d'Europe, leur sœur qui a disparu. Il s'établit à Pallène, en Chalcidique, où il épouse Chrysonoé, la fille du roi Clitos. Il vainc les Bisaltes, un peuple barbare et règne sur leur pays. Il a deux fils, Polygonos et Télégonos.

Voir aussi : Télégonos (Variante 3)

II. Protée, fils de Poséidon, vit à Pallène, avec sa femme Toroné, jusqu'au jour où, ne pouvant supporter l'attitude de ses enfants bagarreurs, Télégonos et Polygonos, il entreprend avec son épouse un voyage souterrain qui les mène jusqu'en Égypte. Malgré la haine qu'il éprouve à l'égard de ses enfants, il perd le sourire et plus généralement le sentiment de la joie et de la douleur, quand il apprend qu'ils ont été tués par Héraclès qu'ils ont défié.

Voir aussi : Télégonos (Variante 3)

III. Protée est roi de Pharos, près de l'embouchure du Nil. Les dieux lui confient la véritable Hélène. Après sa mort, son fils Théoclymène veut épouser la jeune femme. Avec l'aide de Théonoé, la fille de Protée, Hélène réussit à prendre la fuite en compagnie de Ménélas que les vents ont poussé sur les côtes d'Egypte.

Protée

Protée, ô mon cher fils ! peut seul finir tes maux.

C'est lui que nous voyons, sur ces mers qu'il habite,

Atteler à son char les monstres d'Amphitrite.

Pallène est sa patrie ; et, dans ce même jour,

Vers ces bords fortunés il hâte son retour.

Les nymphes, les tritons, tous, jusqu'au vieux Nérée,

Respectent de ce dieu la science sacrée ;

Ses regards pénétrants, son vaste souvenir,

Embrassent le présent, le passé, l'avenir ;

Précieuse faveur du dieu puissant des ondes,

Dont il paît les troupeaux dans les plaines profondes.

Par lui tu connaîtras d'où naissent tes revers ;

Mais il faut qu'on l'y force en le chargeant de fers.

On a beau l'implorer ; son cœur, sourd à la plainte,

Résiste à la prière, et cède à la contrainte.

Moi-même, quand Phébus, partageant l'horizon,

De ses feux dévorants jaunira le gazon,

À l'heure où les troupeaux goûtent le frais de l'ombre,

Je guiderai tes pas vers une grotte sombre,

Où sommeille ce dieu, sorti du sein des flots.

Là tu le surprendras dans les bras du repos.

Mais à peine on l'attaque, il fuit, il prend la forme

D'un tigre furieux, d'un sanglier énorme ;

Serpent, il s'entrelace ; et lion, il rugit ;

C'est un feu qui pétille, un torrent qui mugit.

Mais plus il t'éblouit par mille formes vaines,

Plus il faut resserrer l'étreinte de ses chaînes,

Redoubler tes assauts, épuiser ses secrets,

Et forcer ton captif à reprendre ses traits. »

Virgile