Polynice

Les funérailles d'Étéocle et de Polynice.
Les funérailles d'Étéocle et de Polynice.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Fils d'Œdipe et de Jocaste.

Polynice, « Aux nombreuses querelles », né de l'union incestueuse d'Œdipe et de Jocaste, est, de même que son frère Étéocle, maudit par son père. Lorsque celui-ci quitte Thèbes, après s'être crevé les yeux, il s'agit de savoir qui des deux frères montera sur le trône. Il est décidé que le pouvoir reviendra tantôt à l'un, tantôt à l'autre, au bout d'une année. Mais, au terme échu, Étéocle refuse de partir et bannit son frère.

Polynice se réfugie alors auprès d'Adraste, le roi d'Argos, qui, sur un oracle d'Apollon, lui donne sa fille Argia en mariage. Il l'aide également à monter une expédition d'Argiens contre Thèbes, afin qu'il puisse reconquérir le sceptre paternel et sa part de territoire. Ayant appris par un oracle que la victoire sera accordée au camp rejoint par Œdipe, Polynice tente d'obtenir les faveurs de son père. En vain.

Tourmenté par Mégère, il décide de prendre les armes avec, cette fois, une seule idée en tête : massacrer son frère.

Malgré les efforts de Jocaste pour les réconcilier (elle leur propose de se partager le royaume), les deux frères finissent par se mesurer en combat singulier ; ils se tuent mutuellement. Créon, qui prend le pouvoir, accorde les honneurs funèbres à Étéocle tombé en pleine gloire, mais les refuse à Polynice, jugé traître à la patrie et dont le cadavre sera jeté en pâture aux oiseaux : Créon interdit officiellement, sous peine de mort, de lui accorder ni chant ni tombeau. Seule Antigone, la sœur de Polynice, a le courage d'enterrer dignement son frère. Créon la condamne alors à périr de faim, emmurée dans le tombeau des Labdacides. Antigone préfère se pendre.

Incapables de désigner un vainqueur, les deux armées reprennent le combat. Les Thébains sortent victorieux.

Voir aussi : Antigone, Créon, Étéocle, Œdipe

Polynice et les malédictions d'Œdipe

Polynice répond à Antigone qui l'invite à exposer ce qui l'amené ; peut-être, en s'expliquant, tirera-t-il Œdipe de son silence.

polynice. Eh bien, je parlerai donc ; oui, ton conseil est bon. Et d'abord, je me placerai sous la protection du dieu dont je viens de quitter l'autel, sur la foi du roi de ce pays, qui m'a permis de venir ici parler et écouter, avec la promesse que je m'en irais sain et sauf. C'est à vous, étrangers, c'est à mes sœurs, c'est à mon père qu'il appartient de faire qu'il en soit ainsi.

Le motif de mon voyage, je veux maintenant te le faire connaître, mon père. J'ai été chassé de ma patrie, exilé, parce que je prétendais m'asseoir sur ton trône antique, étant l'aîné ; Étéocle, bien que plus jeune, m'a banni de notre terre, non qu'il m'ait vaincu par de bonnes raisons, ni qu'il l'ait emporté sur moi par la force ou par quelque action d'éclat, mais il a su persuader les Thébains. Ce malheur, ce sont tes imprécations qui en sont la cause, je le dis bien haut : d'ailleurs, les devins me l'ont confirmé.

Arrivé dans Argos la Dorienne, et devenu le gendre d'Adraste, je m'attachai par serment tous ceux de la terre d'Apis qui étaient réputés les premiers et les plus vaillants, et, grâce à eux, je réunis contre Thèbes l'armée que tu connais, l'armée aux sept chefs, résolu à mourir en combattant ou à chasser du pays les auteurs de mon affront. Et maintenant, pourquoi suis-je ici ? Pour détourner ta colère, ô mon père, pour t'implorer en ma faveur et en faveur de mes alliés, de ceux qui, en ce moment, avec sept bataillons commandés chacun par un chef armé de la lance, investissent l'immense plaine de Thèbes. À leur tête est le belliqueux Amphiaraos, le premier pour la valeur, le premier pour l'intelligence des signes que donne le vol des oiseaux ; vient ensuite l'Étolien, fils d'Œneus, Tydée ; le troisième est Étéoclos, Argien de naissance ; le quatrième, Hippomédon, envoyé par son père Talaos ; Capanée, le cinquième, se flatte de ruiner Thèbes en la livrant aux flammes ; le sixième est l'Arcadien Parthénopée, digne rejeton d'Atalante, dont le nom rappelle la longue virginité de sa mère ; enfin moi, ton fils, ou, pour mieux dire, l'enfant d'un destin funeste, mais qui n'en suis pas moins appelé ton fils, je mène contre Thèbes l'intrépide armée d'Argos. Tels sont ceux qui, par ces enfants, par ta vie, mon père, te supplient, te conjurent tous d'éloigner de moi ton lourd ressentiment, au moment où je pars pour châtier mon frère, ce frère qui m'a chassé et privé de ma patrie. Car, s'il faut en croire les oracles, au parti que tu seconderas, doit rester la victoire. Par les sources du sol natal, par les dieux protecteurs de la famille, je te prie de m'écouter et d'apaiser ta colère. Ne suis-je pas pauvre comme toi, comme toi étranger ? L'un et l'autre, nous ne vivons qu'en flattant de plus puissants que nous ; la même destinée nous est échue en partage. Lui, cependant, il est roi dans ta demeure, hélas ! malheureux que je suis ! et de nous deux il se rit au milieu de son faste. Mais si tu es favorable à mon dessein, un faible effort l'aura bientôt réduit en poudre. Et je te ramènerai dans ton palais, je te rendrai ton rang, je reprendrai le mien, après l'avoir expulsé par la force. Voilà ce dont je puis me flatter si tu es avec moi ; sans toi, je suis impuissant à sauver même ma vie.

le coryphée. Par égard pour celui qui l'a envoyé Œdipe, ne congédie pas cet homme sans lui avoir répondu comme il convient.

Œdipe. Si Thésée lui-même, ô habitants de cette contrée, ne l'eût envoyé ici, sollicitant pour lui une réponse, jamais il n'eût entendu ma voix. Mais il partira satisfait ; seulement, ce qu'il entendra ne le réjouira pas.

C'est toi, perfide, qui, alors que tu possédais le sceptre et le trône que ton frère possède aujourd'hui dans Thèbes, as toi-même chassé ton propre père ; c'est toi qui l'as privé de patrie et l'as réduit à porter ces haillons dont la vue t'arrache des larmes, maintenant que le sort t'a jeté dans la même infortune. Mais pleurer ne sert de rien ; mon malheur n'en subsiste pas moins, toujours le même tant que je vivrai, gardant le souvenir de ton parricide. C'est toi qui, pour toujours, m'as condamné à ces souffrances ; c'est toi qui m'as banni ; c'est à toi que je dois, mendiant vagabond, de demander à d'autres ma nourriture quotidienne. Si je n'avais donné le jour à ces jeunes filles, qui me nourrissent, tu m'eusses ôté la vie, autant qu'il dépendait de toi ; grâce à elles, je respire ; elles sont mes pourvoyeuses ; ce ne sont pas des femmes, ce sont des hommes pour le courage ; vous, c'est d'un autre, ce n'est pas de moi que vous avez reçu l'être. Aussi l'œil des dieux n'est pas encore sur toi comme il y sera bientôt, si les bataillons dont tu parles s'ébranlent pour marcher contre Thèbes ; car il n'est pas en ta puissance de ruiner cette ville ; auparavant, vous roulerez ensemble, ton frère et toi, tout sanglants dans la poussière. Telles sont les imprécations que j'ai déjà lancées contre vous, et que, maintenant encore, j'appelle à mon secours pour vous apprendre à respecter ceux qui vous ont donné le jour, et à ne pas mépriser un père aveugle, fils impies que vous êtes ! Celles-ci n'ont pas suivi votre exemple.

Oui, mes imprécations seront toujours à tes côtés, où que tu sois, et jusque sur le trône, tant que l'antique Justice veillera avec Zeus sur les lois éternelles qui gouvernent le monde. Va-t'en donc, fils maudit, renié par ton père ; méchant entre les méchants, emporte avec toi ces malédictions dont je charge ta tête : puisses-tu ne jamais soumettre par la lance ta terre natale, ne jamais revoir la creuse Argos, mais périr de la main de celui qui t'a exilé en lui donnant toi-même la mort de ta main ! Voilà les tristes vœux que je forme pour toi, et j'invoque l'odieux Tartare, le ténébreux séjour de mon père, pour qu'il te donne asile ; j'invoque les déesses adorées en ce lieu, j'invoque Arès, qui a mis en vous cette haine implacable. Maintenant que tu m'as entendu, pars, et va dire à tous les Cadméens, ainsi qu'à tes fidèles alliés, l'héritage qu'Œdipe lègue à ses enfants.

Sophocle

Les funérailles d'Étéocle et de Polynice.
Les funérailles d'Étéocle et de Polynice.