Pâris

Le jugement de Pâris.
Le jugement de Pâris.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Fils d'Hécube et du roi de Troie, Priam.

Peu avant que Pâris ne naisse, sa mère, la reine Hécube, rêve qu'elle met au monde un brandon enflammé, une « Érinye incendiaire », d'où jaillissent des serpents, et qui détruit la cité. Elle en parle aussitôt à Priam qui consulte les devins, ou Apollon lui-même : Troie périra par le feu.

Lorsqu'on apprend que le bébé entraînera Ilion à sa perte, Hécube (ou Priam) le confie à un berger, nommé Agélaos, avec pour mission de l'abandonner sur l'Ida. Agélaos s'acquitte de sa tâche ; quelques jours plus tard, cependant, pris de remords, il retourne à l'endroit où il a déposé l'enfant. De le revoir encore en vie, materné par une ourse, le conforte dans sa décision qu'il faut le sauver. Il emmène le petit avec lui et l'appelle Pâris.

Pâris et le jugement des déesses

Pâris grandit donc, sur le mont Ida, parmi les bergers et les troupeaux ; des loups, des prédateurs de toutes sortes, il défend les uns et les autres avec un tel courage qu'il est surnommé Alexandre, « Défenseur des hommes ». Il épouse la nymphe Œnone, fille du dieu-fleuve Cébren, qui a reçu d'Apollon, autrefois son amant, des dons de guérisseuse.

Un jour, Zeus dépêche Hermès auprès de Pâris parce qu'il a besoin de son jugement. Aux noces de Thétis et de Pélée, tous les dieux sont invités, Éris (la Discorde) exceptée, qui en conçoit une vive colère. Pour se venger, elle jette sur la table du festin une pomme qui porte l'inscription : « À la plus belle. » Évidemment, Héra, Athéna et Aphrodite croient chacune que le fruit leur est destiné. Les trois déesses sont donc ensuite invitées à se rendre au sommet de l'Ida et à s'en remettre au choix que fera le berger désigné par Zeus. Il incombe ainsi à Pâris de choisir celle qui dégage le plus de charme.

Pâris ne comprend pas qu'on le choisisse, lui, un montagnard, un rustre, pour départager les trois déesses. Hermès lui répond qu'il est beau et qu'il s'y connaît en amour ; il précise que c'est un ordre de Zeus, donc qu'il faut l'exécuter.

Pour les déesses, il importe de gagner la sympathie de l'arbitre. Héra lui promet, s'il la désigne, la souveraineté sur l'Asie et l'Europe ; Athéna le couvrira de gloire sur les champs de bataille en Grèce ; Aphrodite lui fera épouser la plus belle femme du monde. Aux dons des deux premières, Pâris se montre parfaitement indifférent : bouvier comme il l'est, il n'a que faire de la guerre, ajoutant par ailleurs que l'acheter ne sert de rien : il se montrera impartial. Mais, quand Aphrodite lui a tenu ce discours où miroite la beauté d'Hélène, son intégrité commence à vaciller. Pâris offre la pomme de Discorde à Aphrodite ; on dit également que Pâris a été séduit à l'idée d'avoir Zeus pour beau-père, honneur contre lequel ne peut rivaliser un royaume d'Asie. Mais peut-être, ce jugement, Pâris l'a-t-il rêvé ?

Ce choix a ses conséquences lors du siège de Troie : par jalousie, Héra et Athéna se font les alliées déterminées des Grecs, tandis que le Troyen Pâris devient le protégé d'Aphrodite.

Pâris et l'enlèvement d'Hélène

Quelque temps plus tard, le berger Pâris apprend que son taureau favori a été capturé par les sujets du roi Priam et qu'il sera donné en récompense à celui qui remportera les épreuves organisées lors des jeux funéraires. Décidé à récupérer son bien, Pâris se présente aux compétitions et sort vainqueur. Cassandre, sa sœur, le reconnaît bientôt et Pâris retrouve sa famille royale, à la grande joie de Priam qui a toujours cru que son fils était mort (cet événement précède peut-être le jugement).

Pâris est envoyé à Sparte afin de racheter sa tante Hésioné, qu'Héraclès a obligée à se marier avec Télamon. C'est à la cour du roi Ménélas qu'il aperçoit la « plus belle femme du monde », Hélène. Se rappelant la promesse d'Aphrodite, il prie celle-ci d'intervenir : la déesse, par le biais d'un philtre, rend Hélène consentante. Profitant de l'absence du roi Ménélas, Pâris n'a aucun mal à enlever Hélène. Sur le chemin du retour, Nérée le met pourtant en garde : cette femme porte malheur.

Hérodote rapporte que, selon les Perses, Pâris a la conviction de commettre là un acte sans conséquence puisque, par le passé, deux rapts ont été commis en toute impunité : celui d'Io et celui de Médée ; de fait, lorsque les Grecs réclament Hélène et demandent réparation, on leur rappelle l'enlèvement gratuit de la magicienne. Œnone supplie son époux, Pâris, de ne pas l'abandonner, ajoutant qu'il court à sa perte s'il épouse Hélène. Rien n'y fait. Les noces de Pâris et d'Hélène sont célébrées en grande pompe et tous les convives se réjouissent de cette union, hormis Cassandre, la prophétesse, qui entrevoit trop bien quel désastre se prépare. Pendant ce temps, Ménélas réunit tous les princes des plus puissantes familles, qui ont été autrefois les prétendants de son épouse, résolu à monter une expédition punitive contre le ravisseur. La guerre de Troie commence. Enfin, la beauté d'Hélène mérite bien que les rois s'arment pour elle.

Pâris à Troie

Lors du siège, alors que les deux armées avancent l'une vers l'autre, Ménélas aperçoit Pâris allant fièrement à grandes enjambées ; la joie l'étreint à l'idée de punir le coupable. Pâris, le voyant marcher vers lui, perd de sa superbe : pâle, il bat en retraite.

Mais les durs reproches que lui adresse Hector le contraignent à reprendre le combat. Il ne doit qu'à l'intervention d'Aphrodite, qui le fait disparaître derrière une nuée et le dépose dans sa chambre auprès d'Hélène, de ne pas être transpercé par la pique de son rival. Pourtant, même si, parfois, Hector adresse de sévères reproches à Pâris, il est l'un des rares, sinon le seul, à penser que son frère ne mérite pas sa réputation de lâche.

Chez Ovide, Pâris, qui ne s'attaque qu'à des guerriers de second ordre, ne paraît pas non plus très sympathique. Apollon intervient alors et exhorte Pâris à diriger son arc vers Achille. La flèche, guidée par le dieu, se plante dans le talon du fils de Pelée. Pâris, « le maudit Pâris, le terrible Pâris, calamité pour la Grèce nourrice de guerriers » doit connaître un sort semblable. Philoctète l'atteint au flanc avec l'une (ou trois) des flèches que lui a remises Héraclès, dont la pointe est empoisonnée. Le Troyen demande qu'on aille chercher Œnone, seule capable de le guérir.

La mort de Pâris

Pâris, souffrant, se confondant en regrets, supplie Œnone de le secourir. Mais, se rappelant les mépris qu'elle a endurés, la nymphe lui refuse son aide et Pâris meurt. La mort de Pâris, sur le mont Ida, réjouit Héra au plus haut point. Quelques nymphes et bergers se lamentent, en se rappelant les doux moments passés en la compagnie du prince. Mais lorsque Œnone se jette ensuite dans les flammes, les nymphes, étonnées, comprennent combien Pâris a été insensé de quitter une épouse chaste pour s'attacher à une impudique.

Les cendres de Pâris et d'Œnone sont déposées dans une urne d'or ; on leur érige un tombeau flanqué de deux colonnes.

Variante : L'enlèvement d'Hélène

Après l'échec d'Anténor, venu prier les principaux chefs Grecs qu'Hésioné soit rendue à Priam, Pâris ressemble une armée et se dirige vers les côtes ennemies, bien décidé à venger l'affront subi. Il aborde à Cythère, l'île de Ménélas. Il y a là un temple où une foule nombreuse est rassemblée, occupée à faire des sacrifices aux dieux. Pâris et ses guerriers prennent le temple d'assaut ; ils tuent tous les hommes, volent l'or et l'argent. C'est à cette occasion qu'il enlève Hélène (et quelques autres femmes), qui n'oppose qu'une résistance de principe, tant ce qui lui arrive ne semble pas trop lui déplaire.

Variantes : La mort de Pâris

Soit Pâris est tué par Ajax Télamon, après quoi les Grecs découpent son cadavre en maints morceaux. Soit Pâris est vaincu puis tué par Achille et Patrocle sur les bords du fleuve Sperchios (cette version est qualifiée d'aberrante par Plutarque).

Voir aussi : Œnone

Les conseils de Nérée à Pâris

C'est sous de mauvais auspices que tu emportes chez toi cette femme : la Grèce armera mille guerriers pour aller la reprendre ; elle se liguera pour briser cette union et l'antique royaume de Priam. Hélas ! quels ruisseaux de sueur couleront sur les chevaux et sur les soldats ! que de morts tu réserves à la race de Dardanus ! Déjà Pallas prépare son casque, son bouclier, son char, ses fureurs ! En vain, tout fier de l'aide de Vénus, tu peigneras tes beaux cheveux, tu moduleras, sur ta lyre pacifique, des chants qu'aiment les femmes ; en vain, blotti dans ta chambre à coucher, tu chercheras à éviter les lourds javelots, les flèches faites en roseaux de Cnosse, le bruit de la lutte, et Ajax, si rapide dans la poursuite ; malgré tout, mais bien tard, hélas ! tes cheveux adultères seront traînés dans la poussière. Ne vois-tu donc pas, là, en arrière, le fils de Laërte, fléau de ta race, et Nestor de Pylos ? Ils te pressent, sans rien craindre, le Salaminien Teucer, et Sthénélus, habile au combat ou, s'il faut maîtriser les chevaux, cocher ardent ; tu connaîtras aussi Mérion ; enfin, mettant toute sa fureur à te découvrir, Diomède, plus brave encore que son père Tydée. Toi, comme un cerf qui a vu un loup sur l'autre versant de la vallée et ne songe plus à brouter l'herbe, tu fuiras, lâchement, sans pouvoir reprendre ton souffle. Ce n'est pas là ce que tu avais promis à ta maîtresse. La colère d'Achille et de sa flotte retarderont la mort d'Ilion et des femmes phrygiennes ; mais après un nombre déterminé d'années, le feu allumé par les Achéens embrasera les maisons de Pergame !

Horace