Nestor

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Roi de Pylos, fils de Nélée et de Chloris.

Renfermé dans ce tombeau, après avoir prodigué ma vie au quatrième âge de sa durée, je suis Nestor, célèbre par la sagesse et l'éloquence. Mon fils marcha, pour me sauver, au-devant de la mort qui le frappa lui-même, et le père vécut du trépas de l'enfant. Hélas ! pourquoi la destinée qui dispose de nos jours, prit-elle ainsi plaisir à faire la vie si longue pour moi, et si courte pour Antilochus ?

Nestor échappe au massacre perpétré par Héraclès sur ses onze frères. Ayant grandi à Gérénia, ville de Messénie, il succède à son père sur le trône de Pylos. Sa mère ayant également été la seule survivante de l'extermination des Niobides, Apollon, repentant, accorde à Nestor, en guise de compensation, de vivre trois vies d'hommes. Aussi a-t-il amplement le temps de faire montre de ses qualités, morales et physiques. Nestor épouse Anaxibie, née de Cratiéos, ou Eurydice, aînée de Clyménos ; il a deux filles, Pisidicé et Polycasté, et sept garçons, Persée, Stratichos (ou Stratios), Arétos, Échéphron, Pisistrate, Trasymède et Antiloque (ce dernier se sacrifie pour lui au cours du siège de Troie).

Voir aussi : Nélée notamment (Variante 3), Antiloque

Aux noces de Pirithoos, il s'illustre aux côtés des Lapithes dans le combat contre les Centaures ; il participe à l'expédition des Argonautes ; il chasse le sanglier de Calydon ; enfin, malgré son âge avancé, il conduit une flotte de quatre-vingt-dix navires contre Troie ; il commande les contingents d'une grande partie de la Messénie. Après la guerre, il est l'un des rares guerriers à retourner sain et sauf sans sa patrie ; il ne doit son salut qu'à la magnanimité, mais aussi à l'orgueil de son adversaire Memnon, qui se refuse à porter le coup fatal à un vieil homme.

Nestor est un homme sage, juste, prudent, de bon conseil, un homme de dialogue, dirait-on aujourd'hui, symbole de la vieillesse active. Il tente, par exemple, de mettre un terme à la querelle surgie entre Agamemnon et Achille. Il ramène à la raison le malheureux Podalirios qui, après la mort de son frère Machaon, a décidé d'en finir avec la vie. C'est vers Nestor que se tourne Télémaque, démuni, en quête d'informations sur son père, Ulysse. Très nombreuses sont, dans l'Iliade, ses interventions destinées à apaiser des litiges et donner de bons avis. Il apparaît nostalgique d'un temps où la force ne lui manquait pas, au point même qu'on peut considérer les évocations de ses glorieux souvenirs comme des radotages. Cicéron, cependant, estime que, puisqu'il possède effectivement les mérites dont il se glorifie, Nestor ne peut être tenu pour un bavard vantard.

Nestor meurt à Pylos, dans la paix de l'âme, après un long règne fait de sagesse et de justice.

Les conseils de Nestor

Comme Hector vient de défier en combat singulier quelque champion achéen, que chacun hésite à se mesurer avec le fils de Priam, Nestor se lève et dit :

Plût à vous, ô Zeus, Athéna et Apollon, que je fusse plein de jeunesse, comme au temps où, près du rapide Céladon, les Pyliens combattaient les Arcadiens armés de piques, sous les murs de Phéia où viennent les eaux courantes du Dardanos. Au milieu d'eux était le divin guerrier Éreuthalion, portant sur ses épaules les armes du roi Aréithoos, du divin Aréithoos que les hommes et les femmes aux belles ceintures appelaient le porte-massue, parce qu'il ne combattait ni avec l'arc, ni avec la longue pique, mais qu'il rompait les rangs ennemis à l'aide d'une massue de fer. Lycurgue le tua par ruse, et non par force, dans une route étroite, où la massue de fer ne put écarter de lui la mort. Là, Lycurgue, le prévenant, le perça de sa pique dans le milieu du corps, et le renversa sur la terre. Et il le dépouilla des armes que lui avait données le rude Arès. Dès lors, Lycurgue les porta dans la guerre ; mais, devenu vieux dans ses demeures, il les donna à son cher compagnon Éreuthalion, qui, étant ainsi armé, provoquait les plus braves. Et tous tremblaient, pleins de crainte, et nul n'osait. Et mon cœur hardi me poussa à combattre, confiant dans mes forces, bien que le plus jeune de tous. Et je combattis, et Athéna m'accorda la victoire, et je tuai ce très robuste et très brave guerrier dont le grand corps couvrit un vaste espace. Plût aux Dieux que je fusse ainsi plein de jeunesse et que mes forces fussent intactes ! Hector au casque mouvant commencerait aussitôt le combat. Mais vous ne vous hâtez point de lutter contre Hector, vous qui êtes les plus braves des [Pan]Achéens.

Et le vieillard leur fit ces reproches, et neuf d'entre eux se levèrent. Et le premier fut le roi des hommes, Agamemnon. Puis, le brave Diomède Tydéide se leva. Et après eux se levèrent les Ajax revêtus d'une grande force, et Idoménée et le compagnon d'Idoménée, Mérion, semblable au tueur de guerriers Arès, et Eurypyle, l'illustre fils d'Évémon, et Thoas Andrémonide et le divin Ulysse. Tous voulaient combattre contre le divin Hector.

Homère