Hermès

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Dieu des voyageurs, des marchands et des voleurs, et messager des dieux.
Un disque de plomb noir à tracer des lignes, une règle qui en garantit la rectitude, des vases de liqueur noire pour écrire, des calames fendus à leur pointe et bien taillés, la pierre rude qui aiguise le roseau et lui rend sa finesse quand il s'émousse, le fer qui le façonne avec sa pointe et sa lame, tous ces outils de son métier, Ménédème te les consacre, ô Hermès, parce que l'âge a jeté sur ses yeux un nuage ; et toi, dieu secourable, ne laisse pas mourir de faim ton ouvrier.
Hermès naît des amours secrètes de Zeus et de la plus jeune des Pléiades, Maia, fille d'Atlas, dans une caverne du mont Cyllène, en Arcadie. Dès le jour de sa naissance, il se débarrasse de ses langes et gagne, avec une rapidité incroyable, la Piérie où il dérobe cinquante bœufs aux cornes d'or qui appartiennent à Apollon, en les faisant progresser à reculons et en chaussant lui-même ses sandales de tamaris à l'envers de manière à brouiller les pistes ; mais cette ruse est si extraordinaire qu'Apollon se doute qu'elle ne peut être que l'œuvre d'un dieu. Hermès sacrifie deux bêtes, peut-être quatre, pour en humer le fumet, autrement dit sans goûter à leur chair. Il cache le reste du troupeau dans une grotte voisine de l'Alphée. Lorsqu'il retourne dans la caverne qui l'a vu naître, la tortue, qu'il aperçoit sur le seuil, lui donne une idée : il s'empare de la carapace et, avec les nerfs des animaux sacrifiés, tendus d'un bord à l'autre, il fabrique la première lyre. (Plutarque fait remarquer que la musique est la « propriété » d'Apollon, même si une autre tradition, rapportée par le même auteur, fait d'Hermès l'inventeur de cet art.)
D'après Pausanias, Hermès trouve la tortue au pied du Chélydoréa, une montagne proche du Cyllène.
L'habileté du voleur et du médiateur
Toutefois Apollon, informé du vol et de son auteur soit grâce à ses pouvoirs divinatoires, soit parce qu'un vieillard, témoin du crime, le prévient, se rend immédiatement auprès du berceau et somme l'enfant de lui rendre ses troupeaux, en en appelant même à Zeus afin qu'il rende justice. Quoique ayant reconnu Hermès coupable de vol, le maître des dieux suggère un accord à l'amiable entre les deux frères – accord qui n'est pas long à trouver, tant Apollon est charmé par les accents de la lyre ; aussi un échange a-t-il lieu : Apollon garde l'instrument et Hermès les bœufs. Apollon lui fait don également de sa houlette de berger laquelle, métamorphosée, devient le caducée ; sur sa demande, Apollon lui enseigne la mantique. De plus, profitant de la confusion qui règne pendant le jugement, Hermès subtilise l'arc et les flèches d'Apollon. Cette anecdote explique qu'entre autres Hermès soit considéré comme le prince des voleurs et le dieu des bergers. On connaît d'autres larcins dont il se rend coupable : le trident de Poséidon, la ceinture d'Aphrodite, l'épée d'Arès, les tenailles d'Héphaïstos.
Zeus est séduit par l'audace et l'habileté de son fils. Il fait de lui son messager personnel ; cependant, il reste le héraut de nombreuses divinités, protégeant lui-même les messagers. Peut-être pour cette raison, alors que la tradition ne lui attribue aucune épouse, Nonnos lui donne Péitho (« Persuasion ») pour femme.
Médiateur, guide, passeur... Nombreuses sont les légendes qui confèrent à Hermès ce rôle protecteur entre les dieux, entre les mortels. Voici quelques-unes de ses missions :
il indique à Persée le chemin des trois Grées et l'arme d'une faucille ;
il est l'un des guides d'Héraclès descendant aux Enfers ;
il détourne le troupeau royal dont s'occupe Europe, afin que Zeus puisse la séduire ;
il est chargé par Zeus de demander à Calypso de libérer Ulysse et il fait présent au héros d'Ithaque d'une herbe magique (moly) qui le préserve des sortilèges de Circé ;
il tue Argos aux cent yeux, gardien d'Io ;
il libère Hadès lorsque Sisyphe, condamné par Zeus à mourir, réussit à l'enchaîner ;
c'est à lui qu'est confiée la véritable Hélène, tandis que Pâris emmène avec lui un fantôme ;
il accompagne Priam, à travers le camp achéen, jusqu'à la tente d'Achille, quand le souverain de Troie vient acheter le corps de son fils ;
il conduit Athéna, Héra et Aphrodite vers Pâris qui doit élire la plus belle ;
il se rend auprès de Prométhée enchaîné afin de lui arracher son secret si important aux yeux de Zeus ;
sur l'ordre de Jupiter, Mercure (Hermès), après avoir inspiré des sentiments généreux aux Carthaginois envers les Troyens, rappelle à Énée ses devoirs ;
il enlève Alcmène et la dépose aux îles des Bienheureux afin qu'elle devienne l'épouse de Rhadamanthe.
Le communicateur et l'amoureux
Il est aussi Hermès Psychopompe, celui qui mène les âmes des morts vers les Enfers, à l'aide de son caducée. Et gare si un homme refuse d'indiquer à un étranger le chemin qu'il cherche : il encourt alors la colère du dieu.
Médiateur auprès des dieux, proxène des hommes, cette fonction exigeant beaucoup d'habileté, de diplomatie, de ruse et d'ingéniosité, d'éloquence, on attribue à Hermès de nombreuses inventions : outre la lyre, il aurait inventé les routes et les sentiers, l'alphabet, l'astronomie, les mathématiques, le système des poids et mesures, mis au point la syntaxe des phrases, donné des noms à des choses qui n'en avaient pas (il est le patron des orateurs), enseigné aux hommes la gymnastique et la danse, favorisé les relations commerciales, fait jaillir la première flamme de deux morceaux de bois frottés l'un contre l'autre. Il est le « protecteur de la vraie science des dieux ».
Hermès est un dieu ambigu. Bienfaiteur de l'humanité, il est néanmoins celui qui délivre Hadès de ses chaînes, et les hommes recommencent à mourir. Protecteur des voyageurs, « prince des brigands », il est aussi le dieu des voleurs – ceux-là mêmes qui menacent les gens du voyage. Dieu des bergers et des animaux, il invente les sacrifices. Associé à Aphrodite, Hermès aide la jeune fille à quitter ses parents (famille brisée) et à se marier (famille construite)... d'où ses représentations picturales, une moitié du visage dans l'ombre, l'autre dans la clarté.
Frère jumeau d'Aphrodite, Hermès, uni à sa sœur, serait père d'Éros ou, selon une autre version plus répandue, d'Hermaphrodite. Pan naît de ses amours avec Dryopé, peut-être avec Pénélope. De Chioné il a Autolycos, célèbre voleur qui ne peut jamais être pris en flagrant délit. On lui connaît d'autres aventures avec Eupolémie, fille de Myrmidon, mère ensuite d'Éthalide ; Antianire, la mère d'Échion et d'Érytos ; la nymphe Lara qui le rend père des Lares ; avec Hersé, Perséphone...
Culte et attributs
Hermès est probablement déjà connu dès le xive siècle av. J.-C., honoré par les Pélasges, c'est-à-dire par une population préhellène : ce sont en effet des Pélasges, établis auprès des Athéniens, que les Grecs ont appris à sculpter les statues ithyphalliques du dieu. Son culte, d'Arcadie, se répand dans toute la Grèce et principalement en Achaïe, en Laconie, à Éleusis et à Délos, et en Crète. Des veaux, des agneaux et des coqs lui sont sacrifiés. L'union Hermès-Aphrodite est vénérée à Argos et en Étrurie. Les rois de Thrace, précise Hérodote, vénèrent Hermès, ne jurent que par lui et prétendent descendre de ce dieu.
Hermès est représenté soit sous les traits d'un homme jeune, plutôt bien fait de sa personne, soit sous ceux d'un vieillard affublé d'une longue barbe. Il porte un chapeau (pétase) ailé ; il tient à la main sa baguette magique (caducée) et une bourse. Ses talonnières sont d'or.
Mais hermès est également un nom commun désignant une pierre, ou un tas de pierres, quadrangulaires, le plus souvent ithyphalliques et surmontées d'un buste du dieu. L'hermès est placé le long des chemins, aux croisements, devant les portes, aux limites des propriétés. Sa fonction majeure est de servir de repère au voyageur, de lui indiquer la bonne route, d'où l'idée de protection attachée à l'hermès.
Mercure est son équivalent romain.
Voir aussi : Mercure