Clytemnestre

Oreste poursuivi par les remords et les Érinyes après le meurtre de Clytemnestre.
Oreste poursuivi par les remords et les Érinyes après le meurtre de Clytemnestre.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Femme et meurtrière d'Agamemnon, mère d'Oreste, Iphigénie, Électre, Chrysothémis.

Les principaux auteurs grecs se sont intéressés à Clytemnestre : Eschyle, Sophocle, Euripide, Stésichore. On la trouve également chez le latin Sénèque, qui lui fait tenir des propos que ne renierait pas Médée : « C'est par le crime seulement qu'on peut s'affermir dans le crime. » ; « Il [me] faut de plus grands crimes. » Le discours entre Clytemnestre et sa nourrice évoque d'ailleurs celui de la magicienne et de sa nourrice.

Fille de Tyndare et de Léda, demi-sœur des Dioscures et d'Hélène par sa mère qui s'est unie à Zeus, Clytemnestre épouse tout d'abord Tantale, le fils de Thyeste. Mais Agamemnon tue Tantale et enlève Clytemnestre, qu'il épouse.

Après qu'Agamemnon a décidé de sacrifier leur fille Iphigénie à la déesse Artémis, afin d'obtenir des vents favorables pour la flotte grecque, l'amour marital de Clytemnestre se transforme en rancœur. Rancœur d'autant plus terrible que le roi est tombé amoureux de son esclave, Chryséis, et de bien d'autres.

Clytemnestre prend alors pour amant Égisthe. Ensemble, ils décident de supprimer Agamemnon ; lorsque celui-ci revient de Troie, malgré les mises en garde de sa nouvelle compagne, la prophétesse Cassandre, il est effectivement assassiné.

Après son crime, Clytemnestre raconte comment, de longue date, elle a préparé son crime, dont elle reste fière. Elle a tout préparé, dans les moindres détails, pour que sa victime ne puisse échapper au sort qui l'attend. Elle le frappe deux fois puis, quand il est tombé à terre, elle lui porte un troisième coup d'épée. Le sang, qui jaillit de la blessure et se répand sur le sol, emplit de joie le cœur de la meurtrière. Agamemnon ne reçoit que ce qu'il mérite, destin voulu par les dieux : n'a-t-il pas attiré le malheur sur la maison des Pélopides ?

Devant les accusations de sa fille Électre, Clytemnestre se défend : Agamemnon n'est pas un si bon père puisqu'il n'a pas hésité à sacrifier sa propre enfant Iphigénie. Électre répond qu'il n'a pas immolé Iphigénie par plaisir : il ne pouvait agir autrement pour sauver les Grecs, dont la flotte avait été immobilisée par Artémis. La mère et la fille s'accusent de tous les péchés.

Sept années plus tard, Clytemnestre se retrouve face à son fils, Oreste, décidé à venger son père ; après avoir demandé une hache, elle s'abandonne aux supplications : comment un enfant pourrait-il enfoncer le fer dans une poitrine où tant de fois il a posé la tête ? Ébranlé un instant, Oreste finit par tuer sa mère.

Voir aussi : Oreste

Clytemnestre supplie Achille

Agamemnon – afin de la sacrifier aux dieux — a fait venir Iphigénie sous le prétexte de la marier à Achille, lequel n'en sait rien. Clytemnestre salue en lui le futur époux de sa fille, mais comme Achille ignore de quoi il retourne, Clytemnestre apprend alors l'horrible vérité et Clytemnestre voit en Achille un allié. Elle implore son secours.

achille. J'entends combien tu es malheureuse. Quant à ce qui me concerne, je ne le supporterai point avec indifférence.

clytemnestre. Ils égorgeront ma fille, et ton hymen aura servi de prétexte pour nous abuser.

achille. Et moi aussi, je me plains de ton époux : je ne supporterai pas ainsi la chose.

clytemnestre. Je ne rougis point, simple mortelle, de tomber à tes genoux, fils d'une déesse ; car pourquoi serais-je fière ? pour qui dois-je faire tous mes efforts, si ce n'est pour ma fille ? Ô fils d'une divinité, secours-moi dans ma détresse ! secours celle qui a été nommée ton épouse ; c'est sans fondement, il est vrai ; et néanmoins secours-la. Je te l'amenais ici pour être ta compagne, c'est pour toi que je l'avais couronnée. Et il se trouve maintenant que je l'ai amenée pour être égorgée. La honte en sera pour toi, qui ne l'auras pas défendue ; car si tu ne fus point unie à elle par le mariage, du moins tu as été appelé l'époux de cette fille infortunée. Par ce menton, par cette main droite, par ta mère, je te supplie car c'est ton nom qui m'a perdue, et il est juste qu'il me sauve. Je n'ai point d'autre autel pour m'y réfugier que tes genoux, point d'amis autour de moi. Tu entends le cruel et audacieux projet d'Agamemnon ; et j'arrive, comme tu le vois, faible femme, au milieu d'une armée navale, d'hommes sans frein, hardis au mal, et pourtant capables de bien lorsqu'ils le veulent. Si tu oses étendre sur moi ta main protectrice, nous sommes sauvées ; sinon il n'est point de salut.

le chœur. Chose étrange, que la maternité, ce philtre puissant, qui, commun à toutes les femmes, leur fait tout souffrir pour leurs enfants !

achille. Un généreux sentiment élève mon cœur. Il sait compatir au malheur et se réjouir modérément de la prospérité ; car c'est le moyen que la réflexion enseigne aux mortels pour régler leur vie conformément aux lois de la raison et de la sagesse. Il est des occasions où l'on aime à ne pas trop écouter la prudence, mais il en est aussi où il faut l'écouter. Pour moi, élevé dans la demeure de Chiron, le plus pieux des hommes, j'ai appris à avoir des manières franches ; prêt à obéir aux Atrides, quand leurs ordres seront justes, non, quand ils ne le seront pas ; ici comme à Troie montrant un caractère indépendant ; ma lance, du reste, autant qu'il sera en moi, fera honneur à Mars. Mais, ô toi, que les proches traitent si cruellement, dans la commisération que tu m'inspires, tout ce que peut un jeune homme, je le ferai pour te consoler, et jamais ta fille ne sera immolée par son père, après avoir eu le titre de ma fiancée. Je n'entends point prêter ainsi ma personne aux trames de ton époux ; car mon nom, sans que j'eusse levé le glaive, serait le meurtrier de ta fille. C'est ton époux qui la tue ; mais mon nom n'est plus sans tache, si, à cause de moi, et sous prétexte de mon hymen, elle périt victime d'un attentat affreux. Je suis étrangement et indignement outragé, comme si j'étais né non de Pélée, mais d'un génie malfaisant. Je serais donc le plus lâche des Grecs, un homme sans valeur, et Ménélas compterait parmi les gens de cœur, si mon nom devenait homicide, pour servir ton époux. Non, j'en jure par celui qui habite les ondes, Nérée, qui a donné le jour à Thétis, ma mère, le roi Agamemnon ne touchera pas ta fille, pas même son vêtement du bout du doigt ; ou bien Sipyle, cette bourgade barbare, d'où ces chefs de l'armée tirent leur origine, sera une puissante cité, et Phthie et moi nous serons sans gloire. C'est pour son malheur que le devin Calchas va offrir les prémices et les libations. Qu'est-ce qu'un devin ? Un homme qui, s'il rencontre bien, dit quelques vérités parmi beaucoup de mensonges ; rencontre-t-il mal, la chose passe, et l'on n'en tient compte. Ce n'est point pour cet hymen que je parle ainsi ; mille jeunes filles recherchent mon alliance. Mais le roi Agamemnon s'est conduit envers moi d'une manière outrageuse. Il eût dû me demander mon nom à moi-même, avant de s'en servir pour attirer sa fille, si j'eusse été celui auquel Clytemnestre devait consentir le plus volontiers à la donner en mariage. J'aurais certes prêté aux Grecs mon nom, si le départ pour Ilion eût dépendu de cela : je n'aurais point refusé ce service à la cause commune de mes compagnons d'armes. Mais il paraît que je compte pour rien dans l'esprit de nos généraux, et qu'il leur est indifférent de me traiter bien ou mal. C'est ce que ce fer éclaircira bientôt, et avant que je parte pour la Phrygie, il se teindra de sang, si quelqu'un essaie de m'enlever ta fille. Mais sois tranquille. Tu m'as imploré comme un dieu puissant ; je ne le suis point ; pourtant je le deviendrai pour toi.

le chœur. Tu as parlé, ô fils de Pélée, d'une manière digne de toi et de la déesse marine, divinité auguste.

Euripide

Oreste poursuivi par les remords et les Érinyes après le meurtre de Clytemnestre.
Oreste poursuivi par les remords et les Érinyes après le meurtre de Clytemnestre.