Cheval de Troie

Le Cheval de Troie
Le Cheval de Troie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Cheval gigantesque en bois, destiné à ouvrir Troie aux Grecs.

L'épisode du Cheval dit « de Troie » marque la dernière année d'une longue guerre qui oppose les Grecs et les Troyens. Longue, parce qu'elle a duré vingt années : après l'enlèvement d'Hélène par Paris, deux ans sont nécessaires aux Grecs pour préparer leur armée ; puis, après une première expédition manquée en Mysie, huit années s'écoulent avant que les Grecs ne soient rentrés à Argos et qu'ils se réunissent à nouveau à Aulis. Quant au siège lui-même de la citadelle, il s'éternise dix ans. (On situe l'expédition de Troie vers 1192 et la prise de la ville vers 1183 av. J.-C., suivant le calcul d'Ératosthène.)

Une ruse d'Ulysse

Puisque les Destins, aux dires de Calchas, ont décidé que seule la ruse ouvrira aux Achéens les portes de Troie, Ulysse a l'idée d'introduire dans la citadelle un cheval de bois, dans le ventre duquel prendra place l'élite des guerriers grecs. Le reste de l'armée mettra le feu aux tentes et s'embarquera pour Ténédos, mystifiant ainsi l'ennemi qui relâchera sa vigilance. Qu'un Grec, cependant, inconnu des Troyens, se tienne près du Cheval ; habile à simuler, il répandra le bruit que les Achéens, préoccupés de leur retour, ont offert des sacrifices, témoin ce Cheval de bois, présent à Pallas Athéna irritée contre les ennemis de son peuple ; à bien mentir, cet homme persuadera les Troyens d'introduire l'animal entre leurs murs. La nuit venue, il montera sur les remparts et allumera des flambeaux : les Grecs, postés non loin, sauront qu'ils pourront intervenir. Les Troyens seront massacrés dans leur sommeil. Cette suggestion d'Ulysse n'est pas du goût de Néoptolème, qui considère la feinte comme un procédé de lâche, ni de Philoctète qui, ayant rejoint les rangs achéens tardivement, brûle du désir de se signaler par quelque exploit.

On s'en remet finalement à la suggestion d'Ulysse. Rompus par un siège qui dure depuis dix ans, les chefs des Danaens, suivant les plans de Pallas Athéna, décident de construire un cheval aussi haut qu'une montagne, en bois de sapin mais aussi en cornouiller, bois que l'on trouve dans un enclos consacré à Apollon, d'où sa colère qu'il faut apaiser par des sacrifices.

Épéios le constructeur

Suivant les volontés d'Athéna, Épéios construit donc un cheval gigantesque, avec des bois venus de l'Ida (l'entreprise a aussi pour but de dédommager la déesse du vol du Palladion). Épéios commence par les flancs ; il veut un ventre large, semblable à l'intérieur d'une nef. Suivent le cou et la crinière sur laquelle il répand une poudre d'or. Pour les yeux, il se sert de deux pierres précieuses. Les dents éclatent de blancheur. Derrière elles, invisibles, Épéios ouvre des voies d'aération pour permettre aux guerriers de respirer. Le mors est incrusté d'ivoire et de bronze aux reflets argentés. L'architecte plaque ensuite des oreilles, bien droites, adapte un dos, puis une queue, longue jusqu'aux sabots, qui semble flotter dans le vent. Les sabots sont faits de bronze et d'écaillé brillante. Dans un flanc du cheval, Épéios aménage habilement une porte, ainsi qu'une échelle, qui permettront aux Achéens de sortir et de descendre le moment venu, sans que les Troyens se soient doutés de rien. Quand l'animal est terminé, Épéios place sous chaque sabot une roue, solide et qui tourne bien, afin que sans effort on puisse tirer le Cheval jusque dans Troie. On le dissimule derrière une haute palissade de crainte que la ruse ne parvienne aux oreilles des ennemis. Enfin, on y plante un écriteau : « Les Grecs consacrent ce don à Athéna pour leur retour à la maison. »

Des guerriers d'élite, tirés au sort, s'enferment tout armés dans les flancs de l'animal de bois : Achille, Ménélas, Ulysse, Sthénélos, Diomède, Philoctète, Ménesthée, Thoas, Polypétès, Ajax, Eurypilos, Thrasymède, Mérion, Idoménée, Eurymaque, Posalirios, Teucer, Ialménos, Antiloque, Thalpios, Léontès, Eumélos, Euryale, Démophoon, Agapénor, Amphimaque, Acamas, Mégès et plusieurs autres (la liste des guerriers change suivant les auteurs). Épéios y entre le dernier, car il est le seul à connaître le mécanisme d'ouverture et de fermeture.

Le dénouement : la prise de Troie

Répandant la rumeur qu'ils font route vers Mycènes, les Grecs abandonnent le cheval devant les portes d'Ilion et vont se cacher sur une île proche de Ténédos, ou à Sigée. Chez les Troyens règne la plus grande indétermination. Les avis sont partagés. Capys est de ceux qui veulent précipiter l'animal de bois à la mer, ou bien le brûler ; la prophétesse Cassandre, condamnée par Apollon à n'être jamais crue, met les Troyens en garde contre les offrandes des Grecs ; le prêtre Laocoon assure que le Cheval dissimule un piège. Du haut de la citadelle, il lui décoche un javelot ; mais nul ne prend garde au son creux qui retentit alors, car à cet instant un homme, mains liées dans le dos, est traîné vers le roi. Cet homme s'appelle Sinon. Argien, il assure que les Grecs ont levé le siège ; il fait croire que les Grecs ont tenté de l'immoler mais qu'il est parvenu à s'enfuir ; il prétend haïr les Achéens ; il certifie que le Cheval de bois est une offrande à Athéna. Sinon gagne ainsi la confiance de ses auditeurs dont certains, toutefois, prennent en horreur ce Cheval, car il est l'œuvre de leurs ennemis, et veulent le détruire.

Mais le récit de Sinon finit par emporter d'adhésion lorsque Athéna frappe d'aveuglement le prêtre Laocoon ; ses yeux ne ressemblent plus qu'à un voile d'eau et de sang. Les Troyens, pleins de joie, abattent une partie des remparts afin de pouvoir faire entrer l'animal de bois. Et soudain deux monstres, d'une taille formidable, surgissent d'entre les flots et se dirigent vers la citadelle, répandant le désordre parmi les habitants terrorisés. Les monstres se jettent sur Laocoon et ses deux enfants, et les dévorent. Après quoi ils disparaissent dans la terre subitement entrouverte. Laocoon n'a-t-il pas ce qu'il mérite, pour avoir osé blesser un bois sacré ? C'est bien ce que pensent les Troyens. À la nuit tombée, Sinon libère les Danaens enfermés dans le ventre du Cheval. Selon les auteurs, la porte est ouverte de l'extérieur ou de l'intérieur. Troie est bientôt envahie et brûlée.

Variantes

I. Le Cheval doit être assez haut pour obliger les Troyens à détruire leurs murailles, ce qu'ils font sans qu'aucune contestation ne s'élève.

II. Le nombre des guerriers à entrer dans le Cheval est très variable. Ainsi, « le fils de Panopée construisit le cheval de bois, dans lequel prirent place cinquante Grecs, peut-être trois mille, mais, selon [l'auteur d'une scolie à Lycophron], vingt-trois ». On a également avancé le chiffre de trente, en supposant qu'ils pouvaient être davantage, peut-être cinquante.

III. Quelques Achéens parmi les plus braves, dissimulés dans le creux d'un cheval de bois, auraient abattu Ilion. Ce récit n'est qu'une fable ! En réalité, les Grecs construisent un cheval de bois dont la largeur n'excède pas l'ouverture des portes de Troie, mais dont la hauteur dépasse les remparts. Les guerriers grecs se tiennent cachés dans une vallée boisée, près d'une ville qui depuis lors est appelée « Creux de l'embuscade ». Sinon, le traître, annonce une prophétie aux Troyens : si le cheval demeure aux portes de la citadelle, la guerre continuera ; si en revanche les Troyens le font entrer dans leurs murs, les Achéens lèveront le camp et de manière définitive. Les Troyens abattent donc les murailles et introduisent l'animal de bois. Et tandis qu'ils festoient, les Grecs franchissent la brèche et mettent la ville à sac.

Voir aussi : Palladion