Asile

(Variantes : Asyle)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Lieu de refuge.

Chez les Grecs, le droit d'asile est considéré comme sacré : c'est la possibilité offerte à un criminel de se réfugier dans un temple, ou dans l'espace qui lui est consacré, et de se mettre sous la protection du dieu. Quiconque tente de l'en faire sortir en employant la force commet un sacrilège. Il semble cependant que la tradition n'ait pas été rigoureusement respectée.

Ce privilège concerne également l'esclave, qui désire se soustraire aux brutalités de son maître. Seul le condamné à mort ne peut pénétrer dans le temple asile, car sa présence souillerait le lieu, et les prêtres se font fort de l'écarter de l'enceinte sacrée.

À l'origine, tous les temples bénéficient de ce droit d'asile. Mais on comprend qu'une telle inviolabilité, même momentanée, intéresse un nombre grandissant de crapules et de criminels. C'est d'ailleurs contre ce droit que Ion, personnage d'Euripide, s'insurge. Afin que la loi ne souffre plus autant de ce privilège, on restreint le droit d'asile à quelques temples : le Parthénon à Athènes ; le temple d'Artémis à Mounichie (Mounychie) ; le temple d'Héra à Argos ; d'Asclépios à Épidaure ; de Poséidon à Calaurie ; d'Apollon à Délos... À l'époque romaine, dans son souci de tranquillité publique, Tibère abolit complètement le droit d'asile.

Asile à Rome

En fondant sa nouvelle ville, sur la foi d'un oracle d'Apollon, Romulus bâtit pour les fugitifs un lieu de refuge, qu'il appelle le temple du dieu Asyle. Tout le monde y est reçu sans distinction ; on ne rend ni l'esclave à son maître, ni le débiteur à son créancier, ni le meurtrier à son juge. Le temple se trouve au centre du Capitole, entre deux bois touffus. Denys d'Halicarnasse, selon qui le droit d'asile est réservé aux seuls vaincus et aux esclaves affranchis, ignore qui est ce dieu Asyle.

D'après Ovide, il s'agit de Veiovis, c'est-à-dire Jupiter Enfant, le dieu de la protection.

La notion d'asile s'étend à la ville : les étrangers, tout spécialement les proxènes, sont dans ces territoires à l'abri de toute poursuite. La ville de Téos (Ionie), par exemple, est une ville asile. En retour, les Téiens, où qu'ils se rendent, sont libres et inviolables.

Voir aussi : Veiovis, hospitalité

L'asile sous Tibère

Cependant Tibère, continuant d'affermir les ressorts de son autorité, laissait au sénat une ombre de son ancien pouvoir, en lui renvoyant les requêtes des provinces. De jour en jour la licence et l'impunité des asyles se multipliaient dans les villes de la Grèce. Les temples se remplissaient d'esclaves pervers ; les débiteurs s'y dérobaient à leurs créanciers ; les grands coupables à la justice ; et nulle autorité ne pouvait arrêter les mouvements du peuple, qui croyait défendre ses dieux en protégeant des scélérats. Les villes eurent ordre d'envoyer leurs titres d'asyle et des députés. Quelques-unes renoncèrent d'elles-mêmes à des usurpations manifestes ; mais plusieurs se fondaient sur des traditions anciennes, ou sur des services rendus au peuple romain. Ce fut un jour bien glorieux que celui où les bienfaits de nos aïeux, les traités des alliés, les décrets des rois qui avaient précédé la puissance romaine, et jusqu'au culte rendu aux dieux, furent soumis à l'examen du sénat, libre, comme autrefois, de confirmer ou d'abolir.

Les Éphésiens parurent les premiers. Ils représentèrent que Diane et Apollon n'étaient point nés à Délos, comme on le croyait communément ; que c'était chez eux, sur les bords du Cenchrius, dans le bois d'Ortygie, que Latone avait mis au monde ces deux divinités ; qu'on voyait encore l'olivier contre lequel la déesse s'était appuyée dans son travail, et que le bois avait été consacré par l'ordre des dieux ; qu'Apollon lui-même, après le meurtre des Cyclopes, y avait trouvé un asyle contre la colère de Jupiter ; que, depuis, Bacchus, vainqueur des Amazones, avait épargné toutes celles qui s'étaient réfugiées au pied de l'autel ; qu'Hercule, maître de la Lydie, avait donné au temple de nouveaux privilèges, respectés par les Perses, maintenus par les Macédoniens et par nous.

Les Magnésiens vinrent après. Ils s'appuyaient sur des constitutions de Scipion et de Sylla, qui, vainqueurs, l'un d'Antiochus, l'autre de Mithridate, pour honorer le courage et la fidélité des Magnésiens, avaient déclaré leur temple de Diane Leucophryenne, un asyle inviolable. Aphrodisée et Stratonice rapportèrent un ancien décret du dictateur César, qui attestait les services rendus à son parti ; et un plus récent d'Auguste, où l'on exaltait leur attachement pour le peuple romain, dans une irruption des Parthes. Aphrodisée soutenait les droits de Vénus, Stratonice, ceux de Jupiter et d'Hécate. Hiérocésarée remontait plus haut. Elle exposa que son temple de Diane Persique avait été fondé par Cyrus ; elle cita Perpenna, Isauricus, et plusieurs autres généraux, qui, non contents de reconnaître la sainteté de son asyle, l'avaient étendu à deux mille pas. Chypre défendait trois de ses temples, ceux de Vénus à Paphos et à Amathonte, et celui de Jupiter à Salamine : le premier, qui était le plus ancien, avait été fondé par Aërias, le second par son fils Amathus, et le troisième par Teucer, dans le temps qu'il fuyait la colère de son père Télamon.

On entendit aussi les députés de plusieurs autres villes. Enfin les pères, fatigués de tant de discussions et des vifs débats qu'elles occasionnaient, chargèrent les consuls d'examiner les titres, de démêler toutes les fraudes, et de renvoyer de nouveau l'affaire au sénat sans la juger. Les consuls rapportèrent que, outre les asyles dont je viens de parler, celui d'Esculape à Pergame ne pouvait se contester ; mais que d'autres ne s'appuyaient que sur de vieilles et obscures traditions ; qu'en effet, les Smyrnéens et les Téniens n'alléguaient qu'un oracle d'Apollon, qui avait autorisé les uns à bâtir un temple à Vénus Stratonicide, et les autres à consacrer une statue et une chapelle à Neptune ; Sardes et Milet, qui toutes deux adoraient Diane et Apollon, produisaient des titres plus récents ; les premiers, une donation d'Alexandre, après sa victoire ; et les autres, des concessions du roi Darius ; qu'enfin les Crétois demandaient le droit d'asyle pour une statue d'Auguste. On rendit plusieurs sénatus-consultes qui, en honorant ces pieux établissements, ne laissèrent pas de les restreindre, et l'on ordonna qu'on suspendrait, dans les temples mêmes, les tables d'airain de ces nouveaux règlements, pour en consacrer la mémoire, et prévenir les usurpations dont la religion fournissait le prétexte.

Tacite

De l'inviolabilité de Téos, décret des Arcadiens

Décret des cosmes et de la ville des Arcadiens. Considérant que les Téiens, nos amis et nos parents dévoués de père en fils, nous ont envoyé un décret et des ambassadeurs, Hérodotos, fils de Ménodotos, et Ménéclès, fils de Dionysos, qui, venus dans la réunion commune des Arcadiens, nous ont remis le décret et nous ont parlé avec toute sorte de zèle et d'émulation, pour nous faire savoir le dévouement du peuple de Téos à l'égard des Arcadiens et des autres Crétois, la piété que vous avez envers tous les dieux et surtout envers Dionysos, le chef de votre race, auquel votre ville et votre territoire sont consacrés ; [considérant] qu'ils ont aussi traité de nos intérêts respectifs d'une manière tout à fait digne des deux villes, et qu'ils nous ont engagés à inscrire (c'est-à-dire à publier officiellement) dans le temple que nous voudrons le décret précédemment porté sur vos droits à l'inviolabilité ; il a été résolu de répondre aux ambassadeurs et à la ville de Téos que la commune des Arcadiens n'a, dans le passé, négligé aucun des intérêts du peuple de Téos, et à cause de Dionysos, le chef suprême de la ville, et à cause des autres dieux ; et, vos ambassadeurs nous ayant déclaré votre affection et votre parenté et nous ayant montré le dévouement que vous avez toujours pour les Crétois et pour la commune des Arcadiens ; voulant, nous aussi, ne pas être en reste de bonne grâce envers des amis dévoués, nous inscrirons, selon le désir exprimé dans votre décret, notre première résolution en votre faveur, sur l'inviolabilité et la consécration de votre ville et de son territoire, dans le temple d'Asclépios, et nous vous conserverons tous les bons offices qui vous furent alors accordés. Vos ambassadeurs nous engageant à vous accorder le droit de combourgeoisie, le droit de posséder chez nous des terres et des maisons, avec immunité des charges, nous vous accordons ces privilèges ; si quelqu'un vous fait tort et attente au territoire sacré de Dionysos, et vous attaque sur terre ou sur mer, nous vous porterons secours de toutes nos forces. Les Téiens auront droit chez nous aux bons offices auxquels ont droit les Arcadiens [à Téos]. De plus nous remercions les ambassadeurs Hérodotos et Ménéclès pour le zèle ardent qu'ils ont déployé au service de leur patrie, et pour s'être montrés dignes des deux villes dans le séjour qu'ils ont fait chez nous ; les frais d'hospitalité leur seront fournis selon les règlements, et de plus Hérodotos, fils de Ménodotos, et Ménéclès, fils de Dionysos, seront proxènes de notre ville. Portez-vous bien.

E. Egger