maqâm

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Nom générique principal des modes musicaux arabo-irano-turcs et assimilés, définissant une structure modale susceptible de déterminer un modèle ou un style mélodique et une atmosphère (→ ABBASSIDE, ARABE, DASTGÂH, IRAQ, IRAN, TURQUIE). Les échelles, les intervalles, les genres et les modes essentiels des musiques développées au sein de l'Islam ont été principalement définis du viiie au xiiie siècle à l'époque abbasside sur la touche du luth ûd par des artistes et des savants de l'Islam à son apogée et répertoriés dans les traités médiévaux ou plus récents. De cette époque à nos jours, des milliers de modes ont été conçus et des centaines ont été décrits. Cependant, la pratique actuelle se limite à quelques dizaines de modes simples ou composés et à une centaine de modes si l'on tient compte des transpositions courantes. Le nom générique des modes est variable en fonction de l'époque et du pays, soit au Moyen Âge : lahn, tarîqa, dawr, chuba, tarkîb, et de nos jours maqâm, nagham, naghma, tab, sana dans les pays arabes, âvâz, dastgâh ou naghmè en Iran, makam en Turquie, mugam en Azerbaïdjan, et makom en Asie centrale.

L'unité élémentaire de structure modale définie sur le ûd est le genre tricorde, tétracorde ou pentacorde (bahr, jins, iqd, dörtlü-besli), déterminé par un choix de « doigtés-degrés » sur l'échelle fondamentale des sons et définissant ainsi une série d'intervalles consécutifs dont les valeurs sont comprises entre le limma (4 commas) et le trihémiton (12-14 commas), soit entre un petit demi-ton et une grande seconde augmentée. On peut dénombrer de douze à trente genres fondamentaux. Un mode simple diatonique et heptatonique est constitué par l'adjonction du grave à l'aigu de deux genres formant alors un « système-gamme » d'octave (diwân al-asâsî, sullam, dizi) comportant une tonique-finale (asâs, mayè, durak), un pivot témoin ou pseudo-dominante (ghammaz, châhed, güçlü) situé normalement à la jonction des deux genres, et des degrés privilégiés ou mobiles.

Un maqâm n'a pas de hauteur absolue universelle, mais il s'insère de préférence sur certains doigtés-degrés de l'échelle fondamentale des sons ou certaines positions du ûd, ce qui confère au maqâm donné une hauteur relative par rapport à d'autres maqâm-s conçus dans le même système ou selon le même diapason de référence. Chaque genre ou mode est susceptible d'exprimer un sentiment modal (« ethos », rûh) induit probablement par les intervalles, la marche mélodico-rythmique, les ornements, les formules et les cadences liés à chaque structure modale. Autrefois, l'heure, les circonstances ou l'humeur déterminaient le choix d'un mode tandis que, de nos jours, le mode, joué plus fréquemment à l'heure du récital ou du concert public, doit recréer un cortège de sensations spécifiques ou de conventions musicologiques. Ainsi le Râst est-il classique ou académique, le Segâh est-il profond ou mystique, le Bayâtî est-il vivant et populaire, et le Sabâ, avec sa quarte diminuée, doit-il exprimer la lassitude de la fin de la nuit. Le Ajám-Achîrân est un majeur et le Nihâwend est toujours un mineur.

Au-delà de ces modes essentiels simples et de leurs formes transposées déterminant une octave modale, les musiques de l'Islam arabo-irano-turc sont ouvertes à l'élaboration de structures modales plus complexes par l'association de genres dans l'espace ou dans le temps. Verticalement du grave à l'aigu, l'adjonction de plus de deux genres définit des maqâm-s, dont l'ambitus dépasse l'octave et même la double octave. Horizontalement et dans le déroulement de l'improvisation, le renouvellement de genres sur un même registre ou le passage d'un maqâm à un nouveau maqâm compatible avec le précédent est régi par les lois complexes de la modulation (talwîn, geçki) arabo-turque tandis que les usages du répertoire (radîf) persan impliquent l'enchaînement de modèles mélodiques stéréotypés (gûché-s) sans modification des intervalles. Dans toutes ces musiques, la pratique traditionnelle suppose que l'on commence et termine une longue improvisation sur le même maqâm. Par ailleurs, certains musiciens ne dissocient pas le maqâm de sa forme mélodique la plus fréquente.

Les musiques des minoritaires vivant au sein de l'Islam arabo-irano-turc (Arméniens, Assyriens, Berbères, « Byzantins », Chaldéens, Coptes, Kurdes, Maronites, Nestoriens, Syriaques, etc.) perpétuent des modes musicaux en général analogues aux maqâms-s tout en leur accordant souvent des noms différents et des formes différenciées.