Jorge Semprun

Jorge Semprun
Jorge Semprun

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain espagnol d'expression castillane et française (Madrid 1923-Paris 2011).

1. Jeunesse et exil

Jorge Semprun est né le 10 décembre 1923 dans une famille engagée politiquement (son grand-père fut ministre d'Alphonse XIII, et son oncle, ministre de la IIe République). Son père, José Maria, est avocat. Il perd sa mère, Susana, emportée par une septicémie en 1932.

Au déclenchement de la guerre civile en juillet 1936, la famille quitte l’Espagne pour la Suisse, puis les Pays-Bas. Cet exil mène Jorge Semprun en France en 1939 où il fait ses études en interne au lycée Henri-IV à Paris.

Jeune homme, il s’enthousiasme pour Jean-Paul Sartre (le Mur), André Gide (Paludes) ou Louis Guilloux (le Sang noir). En 1941, il entame des études de philosophie à la Sorbonne.

2. Engagement politique et déportation

En 1942, il milite au parti communiste espagnol (P.C.E.) et fraternise avec les « Rouges espagnols » de la MOI (main d’œuvre ouvrière immigrée). Il rejoint aussi la Résistance et intègre le réseau Jean-Marie Action.

Arrêté par la Gestapo, Jorge Semprun est déporté en 1943 à Buchenwald. La douleur de cet événement marquera l’ensemble de son œuvre. Le camp est libéré le 11 avril 1945.

De retour à Paris, après avoir été traducteur pour l'Unesco, il s'engage dans la résistance contre Franco avec le parti communiste espagnol clandestin, sous le pseudonyme de Federico Sanchez, un nom dont il se servira en littérature. Plusieurs missions le ramèneront secrètement à Madrid, la ville de son enfance. Exclu en 1964 du P.C.E., il se consacre alors à l'écriture.

3. Carrière littéraire, politique et cinématographique

Son premier roman, rédigé en français, est autobiographique : le Grand Voyage (1963) livre un premier témoignage douloureux sur les conditions de la déportation. Le succès est immédiat. Il aborde ensuite la Guerre civile espagnole avec la Deuxième Mort de Ramón Mercader (1969) pour lequel il reçoit le prix Femina. Semprun poursuit son travail de mémoire avec Autobiographie de Federico Sánchez (1978), sur le parti communiste espagnol, l'Algarabie (1981) ou encore la Montagne blanche (1986).

En 1988, il est nommé ministre de la Culture du gouvernement socialiste espagnol de Felipe Gonzáles (jusqu'en 1991). Un moment candidat à l’Académie française, il est finalement élu à l’Académie des Goncourt en 1996.

Au cinéma, Jorge Semprun est l’auteur de nombreux scénarios pour Pierre Schoendorffer, Alain Resnais, Yves Boisset ou encore Joseph Losey. Mais sa collaboration avec Costa-Gavras, réalisateur engagé, reste la plus marquante avec les films Z, en 1968, et l'Aveu, en 1969. De sa rencontre avec Montand, il tire Montand, la vie continue (1983).

4. La question du témoignage

Il tire de son expérience des camps une œuvre autobiographique (Quel beau dimanche ?, 1980 ; l'Écriture ou la vie, 1994, sans doute son livre le plus connu) qui pose la question du témoignage : « Un doute me vient sur la possibilité de raconter (...) ; seul l'artifice d'un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage (...). Mais peut-on tout entendre, tout imaginer ? »

À la suite de Primo Levi, il s'engage dans une réflexion sur les rapports entre l'homme et l'Histoire (Se taire est impossible, avec Elie Wiesel, et Mal et Modernité, 1995) qui participe de cet effort de la mémoire que poursuivent Adieu, vive clarté (1998) et le Mort qu'il me faut (2001).

En 2010, il publie Une tombe au creux des nuages, un essai sur l’Europe d’hier et d’aujourd’hui, toujours marqué par l’expérience des camps.