Ku Klux Klan

Nathan Bedford Forrest
Nathan Bedford Forrest

Société secrète américaine, fondée par des vétérans sudistes après la guerre de Sécession (1867).

1. Le Ku Klux Klan (1865-1868) : une organisation née de la défaite sudiste

1.1. Naissance et étymologie

L'histoire du Ku Klux Klan (KKK) se divise en deux périodes nettement distinces. Le premier Klan naît en 1865, quelques mois après la fin de la guerre de Sécession. Des jeunes gens qui s'ennuient se déguisent dans une petite ville du Tennessee et font peur aux Noirs que venait d'émanciper, cette même année, le 13e ammendement à la Constitution. Puis ils contribent à fonder « l'Invisible Empire du Sud » ou Ku Klux Klan (les deux premiers mots viennent du grec kyklos, « cercle » ; le troisième évoque les ancêtres écossais des fondateurs, par allitération).

1.2. Organisation et objectif

Très vite, le Klan s'organise, et la convention de 1867 porte à sa tête le général Nathan Bedford Forrest, qui a servi dans l'armée confédérée. L'Empire, commandé par le Grand Sorcier, se divise en royaumes, en dominions, en provinces et en « tanières ». Des cyclopes, des géants, des titans, des dragons, des génies, des hydres, des furies, des sentinelles, des Turcs, etc. , encadrent le mouvement, qui, bien entendu, est clandestin.

Le Klan recrute surtout dans le Tennessee, l'Alabama et la Caroline du Nord. En Louisiane se sont créés les Chevaliers du Camélia blanc, au Texas les Chevaliers du Soleil levant, ailleurs les Visages pâles, la Fraternité blanche, la Ligue blanche, etc.

Toutes ces organisations ont le même but : défendre la suprématie des Blancs dans le Sud, que les Noirs menacent par leurs supposés appétits sexuels, leur présence dans les milices locales et leur participation à la vie politique. Dans toutes les classes de la société blanche du Sud, le succès est immédiat : le Klan, comme les autres organisations fournit l'occasion de refuser les conséquences de la défaite des armées fédérées ; à partir de 1867, c'est une forme de résistance violente à la violence des radicaux du Nord, qui s'emploient à « reconstruire » le Sud.

1.3. Le recours à la violence

Pour le klansman, le Noir n'est pas le seul ennemi, car tout aussi dangereux sont ses alliés blancs du Bureau des affranchis, de l'Union League, les scalawags (sudistes partisans des idées du Nord) et les carpets-baggers (aventuriers du Nord venus s'installer dans le Sud). Vêtu de sa robe blanche, dissimulé sous sa cagoule, le klansman lynche, tue, pille, fouette, mutile ou noie, intimide ; il est certain de son bon droit et de la justice de sa cause, puisque les leaders de l'opinion sudiste l'encouragent et souvent participent aux mêmes « exploits » que lui.

1.3. Répression et dissolution

Mais la violence du Klan ne connaît bientôt plus de limites, et l'anonymat permet à de simples malfaiteurs d'accomplir leurs forfaits. Aussi le Tennessee réagit-il en 1868 en votant une loi « pour maintenir la paix publique ». L'Alabama, l'Arkansas, la Caroline du Nord et du Sud, le Mississipi suivront en 1872-1871. Dès 1869, le général Forrest annonce la dissolution du Klan, dont les agissements se poursuivent néanmoins.

Le 31 mai 1870, le Congrès adopte une première mesure de répression, qui est renforcée par deux fois en 1871. Ces lois, ou Force Acts, dénoncent la « rébellion contre le gouvernement des États-Unis », accordent au président le droit de suspendre l'habeas corpus et de proclamer la loi martiale, punissent les coupables, leurs complices et ceux qui auraient refuser de les dénoncer. Dans plusieurs cas, le président Ulysses Simpson Grant manifesta son autorité.

Mais si le Ku Klux Klan disparaît réellement, c'est en raison de l'évolution politique. De 1870 à 1872, les grands planteurs reprennent, sous une forme différente, le pouvoir. Pour « remettre les Noirs à leur place », il n'est plus nécessaire de recourir à la violence ; les assemblées législatives s'en chargeront. L'activité du Klan, toutefois, a contribué à annihiler les effets de la Reconstruction.

2. Le second Ku Klux Klan

2.1. Renaissance et développement

Le Klan renaît en 1915. William Joseph Simmons, un ancien prédicateur laïque, l'exhume de l'oubli à Atlanta (Géorgie) en se servant du succès prodigieux rencontré par le film de David Wark Griffith, The Birth of a Nation (Naissance d'une nation) d'après le roman The Clansman (1905) du révérend Thomas Dixon. Pourtant le mouvement ne se développe pas ; il décline même à la fin de la Première Guerre mondiale.

Deux excellents organisateurs, Edward Y. Clarke et Elizabeth Tyler, prennent alors l'affaire en main. Ils portent la cotisation à 10 dollars et vont, de maison en maison, recueillir les adhésions. Depuis 1922, H. W. Evans, un dentiste du Texas, est Sorcier impérial. C'est en même temps un businessman avisé et dynamique ; il sait qu'un mouvement puissant enrichit ses dirigeants. Le Klan compte 100 000 membres en 1920 et plus de 5 millions en 1925. Si son domaine d'élection demeure le Sud, il s'implante aussi dans le Midwest, notamment en Ohio, en Indiana, en Californie, en Oregon.

2.2. Racisme et xénophobie, puritanisme, anticatholicisme, antisémitisme et ultranationalisme

C'est que le Klan des années 1920 poursuit des objectifs plus larges, plus nationaux que son prédécesseur. Certes, il continue de chercher à intimider les Noirs et se livre à des attentats, dont le plus retentissant est la torture de deux Africains-Américains à Mer Rouge (Louisiane, 1922). Les Noirs ne reviennent-ils pas du front avec la fierté ou l'arrogance, comme disent les sudistes, que confère l'uniforme ? N'ont-ils pas entrepris d'envahir les grandes villes industrielles du Nord ?

Mais, au moment où le fondamentalisme triomphe dans le Bible Belt (littéralement « ceinture de la Bible »), le Klan fait la chasse aux papistes : en Oregon, il s'efforce de confier le monopole de l'enseignement à l'école publique, grâce à laquelle on supprime les écoles paroissiales ; dans le Nord-Est, il stigmatise les « wet » (humides), c'est-à-dire les partisans de la vente libre des boissons alcoolisées, nombreux parmi les Italiens et les Irlandais.

Défenseur de l'« américanisme à 100 pour 100 », il déteste les étrangers et les Juifs, tous suppôts, d'après lui, de la révolution bolchevique. Sa clientèle vient surtout de la petite bourgeoisie, rurale et citadine, qui ne profite guère des années de prospérité. Le rituel plus ou moins magique, le mystère, les amitiés viriles, les tendances au sadisme se donnent libre cours au niveau des militants de base, qui se libèrent, dans l'anonymat, de leurs angoisses et de leurs frustrations. Les points communs ne manquent pas avec les mouvements fascistes d'Europe.

2.3. L'apogée de l'« Invisible Empire »

Sur l'attitude à adopter à l'égard du Klan, les partis traditionnels sont divisés. C'est ainsi qu'à la Convention nationale de 1924 les démocrates ne parviennent à choisir leur candidat à la présidence qu'après 103 tours de scrutin. Pendant quelque temps, le Klan parvient à dominer les assemblées législatives du Texas, de l'Oklahoma, de l'Arkansas, de la Californie, de l'Oregon, de l'Indiana, de l'Ohio. En 1923, le gouverneur de l'Oklahoma, qui a manifesté son hostilité au Klan, est visé par une procédure d'impeachment, c'est-à-dire suspendu par la législature de l'État.

2.4. Vers le déclin

À partir de 1926, le Klan décline. Sans doute les dirigeants avaient-ils un goût trop prononcé pour les affaires. Mais il ne faut pas sous-estimer la force des adversaires du Klan : journalistes, politiciens, hommes d'Église, enseignants ont été nombreux à prendre le risque de lutter, sans défaillances, contre l'« Invisible Empire » ; en faisant appel à la tolérance, à la justice au libéralisme, qui sont autant des traditions américaines que l'intolérance et la violence, ils ont peu à peu, convaincu leurs compatriotes.

3. Un groupuscule d'extrême droite

Dans les années 1960, les difficultés auxquelles se heurte la politique d'intégration raciale des États-Unis provoquent une recrudescence de l'activité du Ku Klux Klan, qui comprend en 1967 entre 10 000 et 30 000 membres actifs. Le Ku Klux Klan est à l'origine de nombreux actes terroristes dirigés contre les Noirs dans les États du Mississippi et de l'Alabama depuis la fin de 1964 et dans ceux de la Louisiane et de la Géorgie depuis avril 1965. La condamnation du « sorcier impérial », Robert Shelton, pour outrages au Congrès (14 octobre 1966), et l'offensive dirigée par le président Johnson contre cette organisation ont eu pour but de mettre fin à l'impunité des crimes racistes dans le sud des États-Unis. L'influence du Klan, devenu un groupuscule d'extrême droite, reste limitée.

Pour en savoir plus, voir l'article Histoire des États-Unis,