physique
(latin physica, du grec phusikê)
Science qui étudie par l'expérimentation et l'élaboration de concepts les propriétés fondamentales de la matière et de l'espace-temps.
Introduction
On peut dire que la physique est la science, ou la partie de la science, qui vise à la connaissance des aspects les plus généraux de la nature. La chimie ne s'occupe que de certaines transformations : celles dans lesquelles les agencements d'atomes, molécules et cristaux, subissent des remaniements. Mais elle ne s'occupe pas des réactions nucléaires. Quant à la biologie, elle prend pour objet une certaine catégorie de corps seulement : les corps vivants. La physique est plus générale, puisque ses lois s'appliquent aussi bien en chimie qu'en biologie. On peut même la dire universelle en ce que, en outre, ses lois sont tenues pour valables en toute région de l'Univers. Une définition de ce genre, comme on va le voir, ne doit toutefois pas être prise trop à la lettre. Elle est faite pour donner une première idée d'ensemble et non pour fixer un concept rigoureux.
Dire quels sont les objets que la physique étudie est plus délicat. Ils ont évolué au fur et à mesure du développement de cette science et, dans son état actuel, les notions qui devraient être les plus simples ne le sont pas vraiment. Quelques traits touchant à la méthode, au moins, offrent une certaine constance au cours des siècles.
Une science expérimentale
La physique fait partie des sciences expérimentales. À ce titre, toutes ses lois, pour être acceptées, doivent être conformes aux résultats d'expériences, même si ce n'est que de façon indirecte. Il se peut qu'aucune expérience ne permette d'établir une loi, par exemple le principe d'inertie, mais qu'il y en ait qui soient en accord avec des conséquences de cette loi. Du principe d'inertie, combiné avec la loi de la chute des corps, il découle qu'une balle de tennis, dans le vide, doit suivre une trajectoire parabolique, et cela peut se vérifier expérimentalement.
Une science théorique
La physique est également une science théorique, en ce sens que ses diverses lois peuvent s'organiser de manière déductive, c'est-à-dire que les unes peuvent être déduites des autres. Les prémisses des théories sont volontiers appelées des « principes ». Il s'agit bien entendu de lois soumises, tout autant que les autres, au verdict de l'expérience. La physique ne prend toutefois pas la forme d'une théorie unique. Elle a toujours été constituée de grands domaines. Il ne faut pas confondre ces principes avec ceux qui président à la méthode scientifique, par exemple qu'une expérience doit pouvoir être refaite.
Certaines lois sont qualitatives : des corps chargés de la même électricité se repoussent. Mais la plupart sont quantitatives. Elles ne portent pas directement sur les objets naturels (les corps) mais sur des grandeurs qui leur sont attachées : le volume, la masse, la charge électrique. D'autres grandeurs, comme la durée, concernent la nature de manière plus globale.
Les théories, comme dans toutes les sciences, ne sont pas faites que de formules et de lois. Elles portent sur des objets, à travers des concepts. Les plus importants d'entre eux sont ceux d'énergie, de matière, d'espace, etc.
Historique
L'histoire de la physique offre le spectacle d'un foisonnement qui prend tant bien que mal le chemin de l'unité. Diverses branches naissent, en effet, entre 1600 et 1900, et l'on observe qu'elles se rassemblent en deux grandes mouvances au cours du xixe s. : celle de la mécanique et celle de l'électromagnétisme. Aux environs de 1900, relativité et quanta viennent secouer les idées de base mais sans remettre en cause cet aspect d'ensemble.
L'Antiquité
Dès l'Antiquité on voit posées les bases d'une étude à la fois mathématique et expérimentale de la nature. Quoique nous ne classions pas l' astronomie dans la physique et bien que pour les Grecs elle fît partie des mathématiques, elle combinait déjà l'observation systématique, les mesures et la recherche d'une description d'ensemble du cosmos qui tînt compte des lois ainsi établies.
D'autres études portèrent sur des objets plus proches : les phénomènes du son et de la vision donnèrent l'occasion de procéder à des observations, voire à quelques expérimentations. Les résultats prirent une forme arithmétique dans le cas de l'acoustique avec Pythagore (vie s. avant J.-C.), et géométrique dans le cas de l'optique avec Euclide (iiie s. avant J.-C.).
La science dont on peut le mieux dire qu'elle présente tous les caractères de ce que l'on appelle maintenant la physique, est sans conteste la statique, étude des équilibres. Ceux des corps pesants, en particulier, dans un système tel que la balance, mais également cet équilibre qu'est le flottement. Archimède (287-212 avant J.-C.) a laissé dans ces domaines des notions et des résultats que l'on peut qualifier de « scientifiques ».
Il est vrai que, hormis l'astronomie, tout cela était encore peu de chose, et le monde arabe n'y ajouta pas beaucoup.
La période classique
Après la Renaissance, l'Europe s'est mise à cultiver avec ardeur la « philosophie naturelle ». Par ses succès, elle a rendu l'humanité, en trois siècles, maîtresse de la nature.
L'optique, devenue science de la lumière, hésita sur l'explication à donner à cette dernière. Après avoir été tenté d'y voir un mouvement de corpuscules, on finit par se rendre à l'idée qu'il s'agissait d'ondes. Le mystère le plus entier persista néanmoins sur la nature du milieu qui ondule. Le son, en revanche, a été ramené aux vibrations des milieux comme l'air qui peuvent être le siège de petites ondulations très rapides.
Ces deux cas témoignent de l'importance prise par la mécanique. La physique mécaniste, espoir cartésien de pouvoir tout expliquer par des mouvements, des rencontres et des poussées de corps entre eux, fut un échec : aucun mécanisme de ce genre n'a réussi à rendre compte des caractéristiques des forces qui, telle la pesanteur, s'observent dans la nature. La mécanique rationnelle, science générale du mouvement et des forces, a été le premier pilier de la physique classique. En éludant la question de la nature des actions et en s'appliquant à établir des relations mathématiques fines, elle a permis de découvrir les grandes forces à l'œuvre dans la nature et, surtout, leurs caractéristiques.
Créée par le Britannique Isaac Newton (1642-1727), la mécanique intégra d'emblée la statique. Mais Newton s'en servit avant tout pour établir la théorie de l'attraction universelle et pour en tirer les premières conséquences : théorie de la Lune, théorie des marées, etc. La mécanique céleste ne fit ensuite qu'aller de succès en succès.
Cent ans plus tard, ce fut au tour de la science du magnétisme et, surtout, à celle de l'électricité de prendre leur essor. Elles bénéficièrent elles aussi des lois de la mécanique rationnelle et tentèrent de ressembler à la théorie de l'attraction universelle. Cette attente-là fut déçue : leurs lois prirent d'autres formes que celle de la gravitation. Il apparut en outre qu'il ne s'agissait pas de deux sciences indépendantes, mais que l'électricité et le magnétisme sont des phénomènes intimement liés. Ainsi se constitua l'électromagnétisme, dont le Britannique James Maxwell (1831-1879) réduisit les principes à quelques formules, et ce qu'elles disaient de la propagation du champ électromagnétique conduisit à la conclusion que la lumière n'est qu'un cas particulier de rayonnement électromagnétique : l'optique se trouva ainsi intégrée au nouveau domaine. On n'en découvrit pas plus pour autant l'« éther », cet hypothétique milieu imperceptible dont les vibrations auraient expliqué la nature de ce rayonnement.
À la même époque, après que les concepts de température et de chaleur eurent été soigneusement définis, ces deux phénomènes donnèrent lieu à une nouvelle science, la thermodynamique. Son nom est justifié par les liens intimes que le phénomène de la chaleur entretient avec ceux qui, comme la pression des gaz, relèvent de la mécanique. C'est de la thermodynamique qu'est venu l'intérêt pour l'idée d'énergie, notion qui allait envahir la physique. Une fois bien établi que le travail des forces peut devenir chaleur, et inversement, il suffisait d'inventer cette grandeur censée se manifester sous différentes formes mais qui, tout comme la masse, se conserve au cours des transformations des systèmes.
Alors même que l'existence des atomes relevait encore de la simple hypothèse, il apparut que les lois de la thermodynamique pouvaient s'expliquer en termes mécaniques. Toutefois, en considérant qu'un gaz est constitué de particules en mouvement, il ne saurait être question de décrire son état par le menu. Seule une approche d'ensemble est envisageable, ce qui relève de la mécanique statistique, créée à cette occasion par l'Autrichien Ludwig Boltzmann (1844-1906).
Quelques grands traits de cette période ont été relevés en passant : rôle majeur de la notion de force, concurrencée ensuite par celles de champ et d'énergie ; importance des phénomènes ondulatoires également, le succès des théories mathématiques pouvant s'accompagner de l'échec des tentatives mécanistes d'explication.
Un autre trait dominant de la physique classique est l'affirmation du déterminisme : si l'on connaît des lois qui s'appliquent à un système, ainsi que sa situation exacte à un instant donné, on peut prévoir son évolution avec toute la précision voulue ; ceci sous la double réserve de pouvoir résoudre les équations qui se présenteraient et d'avoir la patience d'effectuer les calculs. En d'autres termes, rien ne peut venir modifier le cours nécessaire des choses. Un dernier aspect qui mérite d'être relevé est l'unité attribuée au cosmos. Quoique la science sache se passer de l'hypothèse de l'existence d'une divinité législatrice, elle admet que la nature est soumise à des lois universellement valides. C'est un grand changement par rapport à ce qui avait prévalu jusqu'à la Renaissance. Dans la tradition aristotélicienne, ce qui se passe sur la Terre et dans tout le monde sublunaire est à peu près insaisissable, à l'opposé du monde mathématisable qui est celui des astres. C'est à Galilée et à Descartes que l'on doit d'avoir promu, au début du xviie s., la nouvelle conception du monde.
Les révolutions modernes
Au début du xxe s., un premier bouleversement a résulté de l'élaboration des théories de la relativité par Albert Einstein (1879-1955). La relativité restreinte est une nouvelle mécanique, à laquelle l'électromagnétisme fournit une partie de ses bases. Elle a débouché sur la maîtrise de l'énergie nucléaire et elle s'est révélée indispensable dans les expériences où les particules n'ont pas une vitesse négligeable par rapport à celle de la lumière. La relativité générale se présente, quant à elle, comme une nouvelle conception des rapports entre espace et matière.
Une seconde révolution, non moins importante, est venue à la suite de la découverte des atomes et de leurs constituants. Elle a emprunté deux voies, qui se sont rapidement rejointes, la mécanique ondulatoire et la mécanique quantique, cette dernière imposant son nom. Il est apparu que la description des édifices atomiques et de leurs interactions avec les ondes électromagnétiques exigeait une mécanique toute nouvelle, dans laquelle la grandeur qui prime est celle d'énergie. Cette dernière, surtout, ne peut plus varier continûment, mais seulement par quantités bien déterminées. Ces quanta purent être mis en relation avec différents aspects des atomes. Ils livrèrent notamment la clef des spectres d'émission des corps et de leur caractère discret.
D'autre part, Einstein ayant établi que le rayonnement électromagnétique n'est pas seulement une onde, mais qu'il possède aussi un aspect corpusculaire, Louis de Broglie (1892-1987) appliqua l'idée à la matière en l'inversant : à toute particule il fallait désormais associer une onde. Cette mécanique ondulatoire une fois confirmée expérimentalement, tout – matière et rayonnement – était à la fois onde et corpuscule, apparaissant sous l'une ou l'autre des deux formes selon l'expérience effectuée.
Le physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976) montra que cette nouvelle mécanique comportait un aspect indéterministe : la position et le mouvement d'une particule ne peuvent être connus ensemble avec toute la précision voulue. Cet aspect disparaît au niveau macroscopique, celui de nos perceptions, où les objets sont composés d'un nombre très grand de particules. La mécanique quantique est appropriée au microscopique, c'est-à-dire à l'atome et aux particules qui le constituent.
Les particules ont été, tout au long du xxe s., l'objet privilégié de la physique : elle les a classées et elle a souvent prévu leur existence avant de la vérifier expérimentalement.
La physique actuelle
Compte tenu des diverses réorganisations qui ont touché la physique, voici le tableau que l'on peut brosser de l'état actuel de cette science.
Principales branches
La mécanique utilisée est, selon les situations étudiées, rationnelle (ou newtonienne), statistique, relativiste (en deux sens différents) ou encore quantique. De cette dernière relève la science des atomes et des particules subatomiques, mais aussi, un peu, le rayonnement électromagnétique. On sait que l'acoustique et la statique ne sont plus que de toutes petites branches dans cet ensemble, alors que la thermodynamique peut être vue comme un prolongement de quelque importance.
L'électromagnétisme, de son côté, reste la science des phénomènes qui lui ont donné son nom. L'intégration de l'optique en a fait une branche de grand poids, une sorte de rivale de la mécanique, capable d'imposer à l'occasion la prééminence de ses lois.
La physique atomique étudie la structure de l'édifice atomique, des molécules et des cristaux. Le cortège électronique, responsable des liaisons entre atomes, en constitue donc un domaine de choix. La physique nucléaire se consacre à la constitution des noyaux, et donc au proton et au neutron, qui sont ses deux constituants principaux ; la radioactivité en relève puisqu'elle consiste en des transformations de noyaux. À un autre échelon, la physique des particules étudie les constituants des nucléons, les six quarks principalement. Elle porte aussi sur des particules qui ne sont pas des constituants mais qui accompagnent systématiquement les phénomènes d'interaction qui se produisent entre les autres nucléons.
On peut remarquer que l'astronomie a gagné son autonomie. Elle est l'application de la physique à l'univers céleste, avec tout ce que celui-ci a de singulier, alors que la physique se veut science du général. Pour ce qui est de la cosmologie, c'est une tentative pour se faire une idée de l'Univers dans sa globalité, y compris son évolution.
La chimie s'occupe quant à elle, au delà des apparences sensibles (ou macroscopiques), des arrangements d'atomes. Dans une réaction chimique, les molécules et autres modes de groupements des atomes sont transformés : les uns disparaissent, d'autres apparaissent. Les atomes, en revanche, sont conservés. Tout au plus gagnent-ils ou perdent-ils des électrons. Ainsi la chimie se présente-t-elle, dans une visée toute théorique, comme un prolongement de la physique atomique. Elle n'est pas la science du plus petit puisque c'est la physique nucléaire qui est en charge de la transformation des noyaux, et que l'on trouve, en dessous de celle-ci, le niveau des particules dites « élémentaires ».
Principaux objets d'étude
La physique prend pour objets d'étude des corps, immenses ou minuscules. Dans ce dernier cas, elle les appelle corpuscules, ou particules. Mais elle ne peut pas les appréhender comme des corps qui seraient seulement très petits. Non seulement les propriétés ne se retrouvent pas toutes, mais il faut les aborder à l'aide de théories différentes : mécanique quantique et non plus newtonienne. Outre cela, il faut associer des aspects dont on ne sait pas vraiment comment les intégrer : les corpuscules semblent être aussi des ondes. Inversement, des objets d'étude tels que la lumière, à l'aspect ondulatoire incontestable, en sont venus à se présenter aussi comme des particules. Sous ce rapport les ondes ont pris une importance imprévue, et l'unité de la physique en a été mise à mal.
Les physiciens étudient aussi les interactions, c'est-à-dire les forces que l'on rencontre universellement : la gravité entre les masses ; l'interaction électromagnétique, entre les charges ; l'interaction forte entre les quarks et entre les nucléons ; l'interaction faible entre des particules légères. Chacune suit ses lois, mais on a commencé d'unifier ce domaine. Les physiciens ont bon espoir de parvenir à une théorie unique des interactions. Le champ, objet apparu au xixe s., est corrélatif de l'interaction puisque c'est une région de l'espace, éventuellement vide de matière, où une particule subit une force lorsqu'on l'y place.
La liste des objets principaux de la physique ne serait pas complète sans cette grandeur singulièrement protéiforme qu'est l'énergie. Les corps en possèdent, de divers types ; les ondes aussi. Mais elle n'est plus tout à fait cette grandeur qui se conserve en toutes circonstances puisque la masse peut disparaître en donnant de l'énergie, et inversement.
La physique, les autres sciences et les techniques
La physique a toujours entretenu une relation d'échange avec les mathématiques. Celles-ci, par leurs développements, l'aident à avancer et, dans l'autre sens, la physique est source de problèmes à résoudre. Certains, comme le problème des trois corps, résistent encore : dans le cas général, on ne sait toujours pas trouver les équations exactes des trajectoires de trois corps interagissant par l'attraction universelle.
Avec les sciences de la nature, la physique est plutôt donneuse. Si l'astronomie a apporté une contribution décisive à la conception de la Nature, puis à la découverte de l'attraction universelle, elle profite grandement depuis des progrès de la physique. À toutes les sciences, la physique apporte d'abord ses lois, auxquelles elles doivent se plier mais sur lesquelles elles peuvent aussi s'appuyer. C'est elle également qui est en charge désormais de la métrologie, science des mesures. Le mètre et la seconde se définissent maintenant par l'atome et par le rayonnement.
Quant aux applications d'ordre technique, nous les voyons déferler – à l'échelle de l'histoire de l'humanité, le mot n'est pas trop fort – dans tous les aspects matériels qui conditionnent nos vies : maîtrise de l'énergie et des transports, télécommunications, électronique, etc., sont des retombées directes des découvertes réalisées par les physiciens. Les techniques, à leur tour, fournissent des outils nouveaux à la physique expérimentale : instruments de mesure, machines, véhicules spatiaux. Le cas le plus remarquable actuellement est sans doute celui des accélérateurs, installations vastes et complexes nécessaires pour briser les particules. Les pays industrialisés n'ont guère lésiné, ces dernières décennies, pour les réaliser.