enseignement
Action, manière d'enseigner, de transmettre des connaissances.
L'HISTOIRE DE L'ENSEIGNEMENT
L'enseignement occupe une place essentielle dans l'histoire des civilisations. C'est seulement par l'existence d'institutions éducatives, plus ou moins structurées, que les hommes ont pu se transmettre les connaissances indispensables au développement et à l'organisation de la vie en société. Enseigner est donc un acte fondamental qui relie les individus dans le temps et dans l'espace : il apparaît ainsi comme la condition même de tout progrès technique, économique et social.
Les systèmes éducatifs, les conditions de leur apparition et leur évolution ont pu varier selon les pays et les époques ; à ce titre, leur histoire est inséparable de celle de l'évolution des civilisations et des sociétés.
Les sociétés primitives et l'Antiquité
Dans les sociétés archaïques, l'enseignement se résume à une formation spontanée, purement pratique. Il s'agit, pour l'enfant ou l'adolescent, de trouver progressivement sa place dans le groupe. Cette insertion sociale est dictée par deux principes. L'imitation, d'abord, pousse l'enfant à faire les gestes et accomplir les actes quotidiens des adultes du clan : les garçons apprennent par exemple à chasser et les filles à vaquer aux travaux ménagers. Ensuite, l'initiation est liée à un ensemble de rites et de cérémonies magiques, religieuses ou techniques au terme desquelles se produit l'accession complète et définitive à la vie sociale du groupe : c'est le passage à l'âge d'homme. La participation constante aux tâches courantes, la conformité aux croyances et la soumission aux coutumes sont donc les principes de base de l'éducation dans les sociétés archaïques. Cet apprentissage n'a qu'un seul but : l'admission des jeunes dans le groupe, condition même de la survie individuelle et collective. Comparé à nos systèmes actuels, ce type de formation dépourvu d'institutions véritablement structurées a l'avantage d'être en rapport étroit et permanent avec la réalité concrète et pratique ; mais il tend à faire de l'homme un être entièrement dépendant du milieu clos dans lequel il vit.
Les premiers systèmes d’éducation (Inde, Chine, Égypte)
Ces aspects primitifs se retrouvent dans les vieilles civilisations de la Chine, de l'Égypte ou de l'Inde, où ils sont cependant tempérés par l'évolution de la culture. Outre l'insertion sociale, on admet peu à peu le principe d'une instruction proprement dite, dispensée par des prêtres chez les Égyptiens et par de véritables maîtres chez les Chinois. Ceux-ci disposeront, peu avant l'ère chrétienne, de structures pédagogiques rigides et très élaborées. À un enseignement spontané se substituent progressivement des rites et des usages. L'étude de la langue écrite, de la philosophie et de l'histoire se développe. Confucius (vers 551-479 avant J.-C.), qui prônait la vertu comme fin suprême, eut une profonde influence sur l'enseignement chinois qui, pendant des siècles, reposa essentiellement sur le respect des traditions et des préceptes du maître ; en outre, le régime du mandarinat, fondé sur un complexe système de concours, ne favorisait guère les innovations, mais contribuait, au contraire, à perpétuer une culture livresque réservée à des privilégiés.
L'Égypte ancienne s'apparente aux sociétés les plus archaïques. Pour les classes humbles, l'enseignement est purement pratique. En revanche, tous ceux qui se transmettent les responsabilités (prêtres, scribes ou savants) bénéficient d'un enseignement où s'enchevêtrent religion, astronomie, mathématiques et médecine.
En Inde, les systèmes d'éducation sont à peu près semblables à ceux des Égyptiens. Régi par un ordre social strict, l'enseignement, en grande partie réservé aux brahmanes – c'est-à-dire aux membres de la caste sacerdotale –, comprend les mêmes matières, complétées d'éléments littéraires ; son but principal est l'élévation de l'âme. Les méthodes pédagogiques sont fondées sur la mémoire et la discipline.
Dans ce type de société, aucune éducation n'est prévue pour les filles, dont les activités sortent rarement du cadre familial. En fait, dans l'Antiquité, les Hébreux sont les seuls à prévoir une éducation semblable pour les deux sexes ; d'autres innovations en font d'ailleurs de véritables précurseurs des méthodes modernes d'enseignement : création d'écoles élémentaires distinctes, place importante attribuée à la connaissance et surtout scolarité gratuite pour tous.
La formation de l’individu et du citoyen dans le monde gréco-romain
Les Grecs et les Romains vont réaliser une synthèse de tous ces types d'enseignement : marqués par une organisation sociale rigide, ils n'en subissent pas moins l'influence hébraïque, plus libérale et, dans un sens, plus moderne. Ils perpétuent des principes déjà anciens (dévouement à l'État, soumission à la religion), mais apportent à cette éducation un élément nouveau : le développement des facultés physiques parallèlement à celui des fonctions intellectuelles et morales.
Dans la Grèce antique, c'est sur des initiatives privées que des écoles furent créées, avec l'ambition non seulement d'instruire, mais aussi de former l'homme et le citoyen : ainsi celle de Thalès de Milet ou celle de Pythagore de Samos. Les systèmes d'éducation diffèrent selon les époques et surtout selon les cités. C'est ainsi que l'on oppose traditionnellement les deux villes rivales, Sparte et Athènes.
L’éducation spartiate et athénienne
Du ixe au ive s. avant J.-C., Sparte possède un système pédagogique sévère. Soumis à une véritable discipline militaire, les jeunes Spartiates, filles et garçons, reçoivent de sept à vingt ans une instruction communautaire, axée sur l'éducation physique et civique – celle-ci ne laissant qu'une place très réduite au calcul, à l'écriture et à la lecture, ainsi qu'à des rudiments de musique et de danse.
En grande partie influencé par l'œuvre de Solon (vers 640-vers 558 avant J.-C.), l'enseignement athénien paraît beaucoup plus équilibré. Jusqu'à l'âge de sept ans, les enfants sont élevés au sein de leur famille. Les garçons vont ensuite à l'école ; un vieil esclave, le pédagogue, leur sert de répétiteur : ils apprennent alors à lire, à écrire, à compter, à déclamer et à chanter sous la férule de maîtres déjà spécialisés. L’enseignement des filles se limite à l'étude du chant et des travaux ménagers. Le grammairien et le cithariste s'occupent de l'élève jusqu'à treize ans, et font surtout appel à la répétition et à la mémoire ; en outre, dans des établissements publics (palestres) le « pédotribe » enseigne la gymnastique. Dans les familles aisées, ce sont des précepteurs qui dispensent le savoir : les sophistes donnent des leçons de mathématiques, de politique, d'éthique et de métaphysique, même si une bonne part de l'enseignement reste consacrée à la rhétorique. L'illustre philosophe athénien Socrate n'exige aucun honoraire pour son enseignement, qui, fait nouveau, prend la forme de dialogues avec les étudiants. L'Académie de Platon, fondée vers 387 avant J.-C., est considérée comme la première université, si l'on définit ce terme comme un lieu où des spécialistes effectuent, avec leurs étudiants, des recherches rigoureuses. Le Lycée, créé par Aristote en 335, correspond également à cette définition.
Le type d'éducation reçu alors par les Athéniens, qui vise à l'harmonie du corps et de l'esprit, fournit les bases d'un véritable humanisme. Le but de l’enseignement prôné par Socrate, par son disciple Platon, puis par Aristote doit être la recherche du Bien, du Vrai et du Beau. C'est dans le gymnase que les plus riches peuvent compléter leur formation générale, enrichie de principes moraux et civiques. Le programme conçu par Aristote (philosophie, littérature, mathématiques, musique, éducation physique, formation militaire, physique et sciences naturelles) est appliqué à l'époque hellénistique (ive-iiie s. avant J.-C.) dans de nombreuses écoles primaires contrôlées par les cités ; il est ensuite poursuivi dans des écoles secondaires privées, réservées aux riches, puis dans les gymnases et les écoles supérieures de philosophie. Le but de cet enseignement est de réaliser l'homme complet, « l'homme beau et bon », selon la célèbre formule grecque. Au-delà d'une formation élémentaire commune, il est toutefois réservé aux aristocrates ; les autres citoyens doivent rapidement exercer un métier.
Les Romains
Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, le monde romain hérite des acquisitions helléniques vers la fin du iiie s. avant J.-C. Auparavant, dans les limites de la cellule familiale, l'accent était mis sur la formation virile, pratique et morale pour les garçons et, pour les filles, sur l'apprentissage ménager auquel s'ajoutaient la lecture, l'écriture et l'arithmétique. Les méthodes étaient axées principalement sur l'éducation de la mémoire et les châtiments corporels. Après l'âge de seize ans, les garçons recevaient une formation physique, militaire et civique pour le service de l'État. À partir du Iiiie s. se multiplient les écoles élémentaires, dirigées par un magister, tandis que l'aristocratie fait appel à des précepteurs grecs qui enseignent leur propre langue, les matières littéraires et la rhétorique.
Sous l'Empire (à partir de 27 avant J.-C.), la culture de base devient proprement latine ; seul, l'enseignement supérieur demeure grec. Certains empereurs mettent sur pied une véritable politique scolaire, dont l'application est à la charge des municipalités : rémunération des enseignants et création de chaires (Vespasien), bourses pour les élèves pauvres (Sévère Alexandre) ; enfin, au ve s., à Constantinople, Théodose II crée la première université. En dépit de toutes ces initiatives, l'enseignement présente encore, dans le monde romain, de nombreuses lacunes. Tout d'abord, l'instruction élémentaire est faite dans des conditions peu favorables : écoles rudimentaires, maîtres mal rétribués, méthodes déséquilibrées par la trop grande place que l'on fait à la mémoire. En outre, les études sont souvent incomplètes ou superficielles, en particulier pour les sciences et les mathématiques. En revanche, on accorde une très large place à la culture littéraire, verbale et formelle.
Tout au long de l'Antiquité, même si l’école est très majoritairement privée, payante et réservée aux fils de notables, l'évolution de l'enseignement présente des aspects déterminants : purement utilitaires à leurs débuts, les systèmes éducatifs sont dotés de structures de plus en plus élaborées qui annoncent déjà la répartition moderne en trois degrés (élémentaire, secondaire, supérieur).
Le Moyen Âge et l’apparition des premières universités
L’éducation dans le giron de l’église
À partir du ive s., le christianisme se substitue peu à peu à l'esprit classique, tant dans le système scolaire officiel que dans les monastères où sont créées des écoles. Lorsque les invasions barbares provoquent la chute de l'Empire romain d'Occident, en 476 après J.-C., l'Église, achevant de lutter contre le paganisme, s'efforce de mettre sur pied un enseignement d'esprit fondamentalement religieux. Ce dernier doit être dispensé dans trois types d'établissements : les écoles presbytérales ou paroissiales (primaires), les écoles épiscopales ou cathédrales (secondaires) et les écoles monastiques (ou claustrales) destinées aux novices. Ces institutions doivent former des moines et des clercs, instruments et propagateurs de la nouvelle foi chrétienne. Pendant tout le Moyen Âge, dans les cultures fondées sur une religion telle qu'elle est enseignée par la Bible ou le Coran, l'enseignement devient l'affaire des clercs et, longtemps, les plus instruits seront les religieux. Les pays bouddhistes perpétuent encore, en partie, ce modèle.
Après les invasions, un renouveau des études littéraires se fait jour dans divers pays européens dont la France, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande et l'Angleterre. L'apogée de cette évolution se situe sous le règne de Charlemagne (768-814), avec la fondation de l'école du palais d’Aix-la-Chapelle, dirigée par le moine anglais Alcuin. Son programme, inspiré de l’héritage gréco-romain, comprend l'étude des « sept arts libéraux », répartis en trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) et en quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique). L'écolâtre est le directeur de ces études classiques et religieuses destinées surtout à une élite.
La renaissance scolastique des xiie et xiiie s.
Une nouvelle renaissance, dite scolastique, a lieu aux xiie et xiiie s. : la culture s'enrichit d'apports arabes ; la philosophie et la théologie se développent sous l'action de maîtres illustres tels Abélard et saint Thomas d'Aquin. Clef de voûte de cet enseignement, l'Université prend son essor au xiiie s. et constitue, au sens étymologique du mot, une « association de maîtres et d'élèves ». Les études mènent aux carrières ecclésiastiques, juridiques, médicales ou administratives. À Paris (avec la fondation de la Sorbonne en 1215), Oxford, Bologne, Cambridge, Montpellier, Coimbra, et dans nombre de villes européennes, sont alors fondées de grandes universités qui obtiennent des privilèges financiers et juridiques. Les maîtres acquièrent le droit d'élire un chef, le recteur ; quant aux écoliers, ils sont accueillis dans des hospitia, maisons d'hébergement et d'enseignement qui deviendront par la suite les collèges secondaires. Jusqu'à treize ans, l'élève poursuit des études élémentaires ; il entre ensuite à la faculté des arts qui, de treize à vingt ans, le prépare au baccalauréat dont le programme comprend la grammaire, la rhétorique, la dialectique et des rudiments scientifiques. Le baccalauréat est obtenu à la suite de la « déterminance », qui consiste en une discussion publique (la « dispute ») ; l'écolier peut alors poursuivre de hautes études qui lui permettent d'obtenir la licentia docendi (licence d'enseignement), qui sera enfin couronnée par le doctorat.
Examens et grades jalonnent un système d'enseignement autoritaire reposant essentiellement sur des exercices verbaux et livresques qui font appel à la mémoire et requièrent une entière soumission aux dogmes philosophiques et religieux. Ce type d'enseignement scolastique aboutira au formalisme et au conservatisme, dont la Sorbonne sera le symbole et le bastion pendant plusieurs siècles. Toutefois, le manque de renouvellement de l'enseignement scolastique entraîne le déclin des universités à la fin du xive s.
La Sorbonne servira de modèle à la plupart des pays européens : ainsi, dans les îles Britanniques, outre les écoles cathédrales, collégiales et claustrales, existent aussi des fondations et des établissements laïques (grammar schools) qui préparent à l'Université les prêtres et les légistes ; ils seront plus de trois cents à la fin du Moyen Âge. Les universités anglaises sont caractérisées par la grande autonomie dont elles jouissent, alors qu'en France on assiste, à cet égard, à un accroissement de l'autorité royale. Tandis que les public schools accueillent surtout les fils des riches classes rurales et urbaines, les grammar schools, créées à la fin du xive s., dispensent le même enseignement à ceux qui sont issus des classes pauvres.
Le tournant de la Renaissance
La Renaissance et la Réforme vont transformer sensiblement toutes ces structures et jouer un rôle prépondérant dans l'évolution de la pédagogie en Europe.
Un enseignement humaniste
La diffusion de la lecture augmente après l'apparition de l'imprimerie, au milieu du xve s., tandis que la renaissance de la littérature et des arts conduit à l'affirmation d'un humanisme qui modifie les conceptions de l'enseignement. De nombreux écrits plaident pour l'adoption de formes d'enseignement qui tiennent compte de toutes les connaissances intervenant dans le développement de l'individu, et remettent en cause la scolastique médiévale, comme le formule au xve s. le pédagogue hollandais Rudolf Agricola : « Une école ressemble à une prison… Les Grecs l'ont appelée skholê, loisir, récréation, et les Latins ludus litterarum, jeu littéraire. Mais il n'y a rien de plus éloigné de la récréation et du jeu. »
En Italie, en France et en Angleterre sont créées des écoles inspirées du modèle humaniste, destinées aux enfants de l'aristocratie. L'Allemagne introduit le système du Gymnase (école secondaire). Des écoles pour les enfants provenant de familles non aristocratiques voient le jour également. L'enseignement va subir, du moins dans sa forme, toute une série de transformations. On y maintient une culture ancienne, transmise selon les méthodes à peine améliorées du formalisme médiéval. En revanche, une véritable prise de conscience pédagogique se fait jour à travers les efforts des maîtres de l'époque, qui perçoivent la nécessité de l'observation objective, de l'expérimentation, de la liberté individuelle et de la diffusion des connaissances. Ce mouvement s'étend à toute l'Europe, et plus particulièrement dans les pays que gagne la Réforme protestante.
Les apports de la Réforme
L'œuvre de Luther (1483-1546) est prépondérante en Allemagne ; voulant favoriser les progrès de la religion, il souhaite que l'école soit publique et obligatoire, et, dans ce sens, il adressera de nombreux appels aux seigneurs allemands. Appuyée par d'autres pédagogues tels que Melanchthon, Valentin Frotzendorf et Johannes Sturm, son action aboutira à la création d'écoles populaires placées sous l'autorité des princes, et où l'on dispense une éducation libérale et diversifiée. De semblables réformes sont proposées dans d'autres pays, en particulier par l'Écossais John Knox, qui conçoit un véritable système d'éducation populaire, et par l'humaniste hollandais Érasme.
Enseignement théorique contre enseignement pratique
En réaction à la Réforme, les catholiques mènent une politique active en faveur de l’éducation. En particulier, la Compagnie de Jésus (créée en 1540 par Ignace de Loyola) fondent des collèges gratuits destinés surtout aux élèves de la bourgeoisie, alors en pleine ascension : en 1556, il y a trente-six collèges jésuites en Europe ; en 1580, ils seront cent cinquante-cinq. Les jésuites transforment au début du xviie s. les collèges en établissements secondaires. Le collège de Clermont, aujourd'hui le lycée Louis-le-Grand, à Paris, succède en 1667 à un collège médiéval. Les matières enseignées sont les humanités gréco-latines, la rhétorique, la philosophie et la théologie ; les exercices pratiqués sont l'explication de textes, la répétition, la discussion. La discipline est sévère, mais on observe cependant la participation active et l'émulation des élèves. Le goût de l'abstraction y prédomine. À partir de cette époque, deux conceptions de l'enseignement vont du reste diviser l'Europe. Alors que les pays protestants mettent l'accent sur une éducation morale et pratique, les pays catholiques continuent d'accorder leur préférence à une culture plus théorique.
En France, François Ier crée toutefois en 1530 un collège de lecteurs (aujourd'hui le Collège de France) qui devient le bastion des théories nouvelles face au conservatisme qui est en vigueur à l'Université. Rabelais, Montaigne attaquent la scolastique. Le premier décrit dans Gargantua l'idéal d'un épanouissement total de la personnalité ; le second évoque dans ses Essais une instruction individuelle, pratique et libérale, où le jugement et l'intelligence prennent le pas sur la mémoire.
L’introduction timide des sciences au xviie s.
Depuis Luther, c'est le nationalisme qui pousse les Allemands à s'intéresser de très près à l'éducation, qu'ils souhaitent naturelle et pratique. Les deux grands pédagogues Wolfgang Ratichius et Comenius prônent l'étude des langues vivantes et une démarche intellectuelle fondée sur l'expérience et l'observation. En Angleterre, le philosophe John Locke (1632-1704) publie ses Pensées sur l'éducation : selon lui, celle-ci doit être active, agréable, utilitaire et harmonieuse.
Le xviie s. voit ainsi commencer une réflexion théorique sur l'éducation, dont les conséquences se feront sentir durablement sur l'organisation de l'enseignement. Les découvertes scientifiques, nombreuses à cette époque – celles de Galilée, de Kepler et de Newton –, influencent l'enseignement des sciences expérimentales. De nombreuses académies scientifiques sont créées (telles que l’Académie des sciences à Paris par Colbert), ainsi que des écoles militaires destinées à former des techniciens et à combattre le conservatisme universitaire. À côté des jésuites, qui proposent osent un humanisme essentiellement littéraire et assez conservateur, les oratoriens orientent leur enseignement vers l'étude de la langue maternelle et des sciences. Il faut signaler aussi la brève expérience, interrompue par les persécutions, des écoles jansénistes où l'on recherche un équilibre entre l'enseignement des lettres classiques et l'initiation aux techniques – ces approches font cependant encore figure d’exception, et les humanités classiques continuent d’être privilégiées à l’université.
Enfin, on commence aussi à s'intéresser à l'éducation féminine, comme le montrent en France le Traité de l'éducation des filles (1687) de Fénelon et la maison de Saint-Cyr fondée en 1686 à l'instigation de Mme de Maintenon.
Les premières écoles gratuites
Parallèlement, le principe d'un enseignement obligatoire s'affirme peu à peu en Europe. En Angleterre apparaissent, au xviie s., les workhouse schools, écoles de travail obligatoire dans lesquelles on apprend le calcul et l'anglais. En 1696, l'Acte écossais contraint les propriétaires fonciers à entretenir une école et un maître dans chaque paroisse. Plus tard, les Britanniques iront encore plus loin dans le sens d'une instruction populaire, à base de lecture et d'écriture, avec la création des Sunday Schools, écoles du dimanche destinées d'abord aux adultes, puis aux enfants.
En Allemagne, les écoles populaires (Volksschulen), placées sous la responsabilité des autorités officielles, fonctionnent depuis la Réforme. En 1619, est instituée à Weimar la scolarité obligatoire pour les enfants de six à douze ans.
En France, le prêtre Charles Demia (1637-1689) ouvre une école où l'on pratique un enseignement simultané dans une classe unique divisée en plusieurs cours, et organise en 1666 des écoles populaires gratuites à Lyon. C'est aussi un enseignement populaire et simultané que répand Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719), fondateur de l'Institut des frères des écoles chrétiennes ; dans ces établissements gratuits, on apprend à lire en français dans des classes partagées en divisions de niveaux, et l'on s'efforce de relier l'instruction aux préoccupations pratiques et professionnelles. Il innove aussi en créant un centre de formation pour les professeurs.
À la fin du xviie s., cependant, les écoles payantes sont encore majoritaires. L'enseignement élémentaire est généralement laissé à l'initiative des œuvres charitables et des institutions religieuses ; il est dispensé par des maîtres mal qualifiés, aussi peu considérés que rétribués. L'intervention de l'État et la sécularisation de l'instruction ne se manifestent que progressivement ; les réformes importantes n'apparaîtront qu'au moment de la Révolution française.
L'œuvre des Lumières, de la Révolution et de l'Empire
Les théories pédagogiques de la fin du xviiie s.
La fin du xviiie s. est marquée par un certain nombre de théories pédagogiques importantes, héritées plus ou moins directement des idées de Comenius et de John Locke. Jean-Jacques Rousseau établit dans son roman l'Émile ou De l'éducation (1762) un programme de développement progressif qui fait appel aux initiatives de l'enfant plutôt qu'à la contrainte. C'est aussi la spontanéité de l'élève que souhaite le Suisse Johann Pestalozzi, pour qui l'école est une introduction à la vie en société. Des idées semblables sont émises en Allemagne par Johann Friedrich Herbart et surtout par Friedrich Fröbel, créateur des jardins d'enfants en 1837. Quant aux encyclopédistes français, ils souhaitent que l'on fasse une plus grande place aux sciences. Enfin, en 1763, le juriste français Louis René de La Chalotais énonce dans son Essai d'éducation nationale le principe de base de l'instruction publique : « Je prétends revendiquer pour la nation une éducation qui ne dépende que de l'État, parce que les enfants de l'État doivent être élevés par des membres de l'État ».
Les conquêtes de la Révolution
La Révolution va réaliser l'idée chère aux philosophes en proclamant que l'État a le devoir d'organiser l'enseignement. Les biens de l'Église sont sécularisés et la direction de l'enseignement passe sous la responsabilité de l'État, selon la Législative et la Convention (création, en 1794, de l'École polytechnique, du Conservatoire des arts et métiers, de la future École normale supérieure). L'instruction devient laïque et l'État mène une politique de combat à l'égard des congrégations religieuses.
Sans aboutir à des résultats immédiats et définitifs, les révolutionnaires français ont ouvert la voie de l'enseignement moderne en formulant un certain nombre de principes que résume cet extrait d'un décret de 1793 : « Il sera établi dans la République trois degrés progressifs d'éducation, le premier pour donner la formation nécessaire pour les artisans et les travailleurs de tous ordres, le second pour la formation des autres professions de la société, et le troisième pour l'éducation dont l'étude est difficile et ne convient pas aux capacités de tous les hommes. » Et ailleurs : « Instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes ».
Entre 1791 et 1795, une série de projets voient le jour ; élaborés par Talleyrand, Condorcet, Le Peletier de Saint-Fargeau, Lakanal et Daunou, ils prévoient, avec quelques variantes, l'école unique, gratuite, laïque et obligatoire.
Le système napoléonien
C’est Napoléon, cependant, qui réorganise l'instruction publique en mettant en place une « Université impériale » comprenant tous les degrés de l'enseignement (du primaire au supérieur) et moins réfractaire aux sciences et aux théories nouvelles. La loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) organise les écoles secondaires et les lycées, qui préparent au baccalauréat (créé en 1809). Elle reconnaît un secteur privé : les écoles secondaires communales, qui ne tardent pas à entrer dans le secteur public, et les écoles secondaires particulières. L'organisation des collèges et lycées est rigoureusement centralisée. Les matières principales sont les mathématiques et les lettres classiques. L'enseignement supérieur devient un monopole d'État. Le système napoléonien marque toutefois une régression pour l'enseignement primaire, dont le contrôle revient à l’Église catholique.
La généralisation de l'instruction au xixe s.
Au xixe s., la généralisation de la formation apparaît comme une nécessité. Dans la plupart des États, des systèmes d'enseignement sont mis en place, sous des formes qui perdurent encore de nos jours. Gratuité, laïcité et obligation scolaire figurent parmi les premières préoccupations du xixe s., alors que la fin de siècle voit croître l'intérêt des psychologues et des pédagogues pour la rénovation des méthodes d'enseignement.
En France, partisans et adversaires des principes révolutionnaires vont s'opposer pendant tout le xixe s., tandis que des écoles publiques sont créées en concurrence avec celles des congrégations religieuses.
L’opposition entre laïcs et religieux
L'enseignement privé n'est pas libre. Il est soumis à la surveillance et à l'inspection du préfet. La prospérité des écoles libres et ecclésiastiques pousse Napoléon à préciser les structures de l'Université ; c'est le décret du 17 mars 1808, qui provoque la confrontation de deux partis : le parti de Fourcroy, favorable à un enseignement indépendant de l'Église, et le parti religieux, représenté notamment par le cardinal Fesch. Ce décret contribue à établir solidement l'Université en tant que corporation laïque, chargée de l'enseignement et de l'éducation publics dans tout l'Empire.
Les institutions et les pensions prospèrent cependant de 1804 à 1814. L'enseignement élémentaire retourne au système de l'Ancien Régime et les congréganistes recouvrent, pour un temps, la primauté d'autrefois.
Sous la Restauration, l'organisation de l'enseignement diffère peu. Cependant, le régime de la centralisation à outrance instauré par Napoléon est condamné. La collusion de l'État et des ecclésiastiques renforce la position de l'Église sur le plan scolaire.
Les lois scolaires et la naissance de l’école républicaine
La loi Guizot (1833) pose les bases de l'enseignement primaire public en faisant obligation aux communes de plus de cinq cents habitants d’entretenir une école élémentaire de garçons (mais l’école n'est ni gratuite – sauf pour les indigents – ni obligatoire). Considérée comme la première des lois scolaires, donnant une impulsion décisive au processus de scolarisation, la loi Guizot met également au premier plan la formation des instituteurs (chaque département doit avoir son école normale d’instituteurs).
En garantissant la liberté de l'enseignement primaire et secondaire (c’est-à-dire la liberté de l’enseignement confessionnel), la loi Falloux (1850) confirme la part prépondérante à l'Église catholique dans le système éducatif, et entretient durablement la querelle entre laïcs et religieux sur la question scolaire.
L'instruction féminine, dispensée dans des écoles privées ou religieuses, se généralise progressivement avec la loi Victor Duruy de 1867, qui prévoit une école de filles pour cinq cents habitants ; l'enseignement secondaire ne s'ouvre aux jeunes filles qu’en 1880 (loi Camille Sée).
Les lois scolaires de la IIIe République, promulguées en 1880, 1881 et 1882 par Jules Ferry et Paul Bert, instituent l'instruction élémentaire obligatoire pour tous jusqu'à l'âge de treize ans, la gratuité et la laïcité de l'enseignement public – mais elle n'interdit pas l'enseignement dit libre (c'est-à-dire l'enseignement privé), fortement défendu par l'Église. Elles instituent aussi un traitement d'État, la retraite et un statut officiel pour le personnel enseignant.
Organisation de l’enseignement
À la fin des études primaires, l’obtention du certificat d’études primaires sanctionne l’acquisition des savoirs élémentaires (lecture, écriture, calcul, notions d’histoire et de géographie) ; la plupart des enfants issus des classes populaires arrêtent là leurs études pour entrer dans la vie active.
L’enseignement secondaire est dispensé au sein des écoles primaires supérieures et des lycées ; il est sanctionné par le baccalauréat.
Les jésuites ont inventé l'organisation de la classe de niveau et défini, avec des programmes, une progression qui va des classes dites « de grammaire » (de la 6e à la 3e) à celles de lettres, avec la classe « de rhétorique » (1re), et qui se termine avec celle de philosophie. Ils ont également codifié les exercices pédagogiques d'un enseignement à dominante littéraire – en particulier l'explication de texte et la dissertation en trois parties. L'égalité de la formation scientifique est consacrée en 1902 seulement, avec un cursus différencié à partir de la seconde et le baccalauréat de mathématiques élémentaires.
Dans les autres pays
Ce n'est qu'à la fin du xixe s. que l'école élémentaire pour tous, avec ou sans obligation, devient pratique commune dans les pays développés.
Au début du xixe s., l’Angleterre ne possède pas de système d'éducation primaire et secondaire unifié. Les écoles, nombreuses, n'offrent qu'un enseignement élémentaire. La loi sur l'école primaire, promulguée en 1870, s'applique à toutes les écoles non gouvernementales du pays ; elle octroie aux autorités locales un pouvoir de décision en matière d'éducation. C'est en 1870 que l'on crée des school boards, qui doivent s'occuper des problèmes du primaire. Dix ans plus tard, l'école devient obligatoire. Les public schools (en fait, des écoles privées) offrent un enseignement classique mais à un coût élevé. À cette époque s'ouvrent des universités nationales, financées par l'État. De nombreux collèges d'enseignement général et des écoles techniques sont fondées à la fin du siècle. L'obligation scolaire est énoncée par divers Acts entre 1870 et 1880. Plus tard, un contrôle unifié de l'État est mis en place, l’Education Act de 1914 codifie l'ensemble du système. La scolarité devient obligatoire en 1918 jusqu'à 14 ans, puis, en 1934, jusqu'à 15 ans.
Aux États-Unis, la gratuité et la laïcité de l'enseignement sont établies officiellement entre 1830 et 1850. Les enseignements primaire et secondaire, administrés à l'échelon local, varient considérablement d'un État à l'autre. Le développement sur une grande échelle de l'enseignement public débute en 1837, dans le Massachusetts, avec la création d'une commission pour l'éducation. D'autres États suivent bientôt cet exemple. De nombreuses villes créent des écoles secondaires publiques. Mais l'idée ne s'impose pas sur le plan national avant les années 1870. Jusque-là, la formation secondaire est dispensée dans des lycées privés payants. À la fin du siècle, le nombre de facultés et d'universités a considérablement augmenté.
L'Allemagne institue très tôt l'enseignement primaire gratuit et obligatoire. Trois possibilités existent alors pour l'enseignement secondaire : un enseignement classique ; un enseignement semi-classique, moins centré sur l'étude de l'Antiquité ; un autre axé sur les sciences. Les universités allemandes adaptent leurs programmes aux développements de la science : associant recherche et enseignement, elles sont des modèles pour le monde entier. Dans ce pays, comme aux États-Unis, on s'intéresse très tôt à l'enseignement technique et professionnel qui ne fera réellement son apparition en France qu'au début du xxe s.
Psychologues et pédagogues du xixe s.
À partir de la fin du xixe s., c'est surtout dans le domaine de la psychologie et de la pédagogie scientifique que sont faites les tentatives les plus intéressantes pour transformer l'enseignement, tant dans ses méthodes que dans son contenu. On part, en effet, du principe qu'il faut créer une éducation nouvelle qui tienne compte de la personnalité de chaque élève ; à ce titre, les travaux du pédagogue suisse Jean Piaget sur la psychologie de l'enfant ont eu une influence certaine. Le principe de l'école ouverte aux réalités de la vie, déjà admis en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, va être approfondi et plus largement répandu grâce aux mouvements dits des Écoles nouvelles. Ce système attache une grande importance à l'individualité de l'enfant et au développement de ses facultés d'adaptation au groupe social ; il prétend réaliser ainsi une évolution harmonieuse qui mène naturellement à la vie en société sans mutiler aucun des aspects de la personnalité. En fondant en 1899 le Bureau international des écoles nouvelles, le pédagogue suisse Adolphe Ferrière unifie les diverses tendances et énonce dans l'École active (1920) deux définitions fondamentales : « L'activité spontanée, personnelle et productive, tel est l'idéal de l'école active », et : « Il faut que l'école aille à la vie ».
L’enseignement dans la première moitié du xxe s.
La recherche en pédagogie
Le mouvement s'étend. L'Américain John Dewey, professeur de pédagogie, avait déjà fondé en 1896, à Chicago, l'école-laboratoire : il cherchait à cultiver la faculté d'adaptation au milieu et à favoriser les méthodes actives que résume la formule « apprendre en agissant ». L'Allemand Georg Keschersteiner, auteur du Maître camarade (1912), insiste sur le goût de la liberté et de la valeur formatrice du travail manuel. L'Italienne Maria Montessori se livre, à partir de la psychiatrie, à une observation de l'enfant, dont elle laisse s'épanouir la liberté et pour lequel elle invente un matériel didactique ; un livre, les Étapes de l'éducation (1936), rend compte de ses méthodes et de ses buts. C'est à partir de principes semblables que le médecin belge Ovide Decroly rédige Vers l'école nouvelle (1921) et les Intérêts de l'enfant (1925). Le Français Célestin Freinet met en pratique les méthodes actives en instituant, par exemple, le système de l'imprimerie à l'école. Les activités dirigées entrent progressivement dans les établissements scolaires à partir de 1938 en France, où est tentée, de façon limitée en 1945, l'expérience des classes nouvelles qui marquent une volonté de rénovation pédagogique.
L’extension progressive de la gratuité
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la nécessité de réorganiser l'enseignement se fait jour et deux options parallèles s'ouvrent : le primaire supérieur et le secondaire. Les écoles normales et les écoles professionnelles, commerciales et techniques se développent largement. Ce n'est qu'en 1930 que la gratuité sera étendue au second degré.
En 1936, le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay unifie les différents degrés mis en place au milieu du xixe s. pour faciliter le passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire. Mais bien que la scolarité soit alors obligatoire jusqu'à quatorze ans, on ne parvient pas à supprimer les inégalités sociales dans ce domaine. L'enseignement postscolaire se développe mais sans se généraliser, le supérieur demeurant réservé à une minorité (100 000 étudiants en 1945).
Après la Seconde Guerre mondiale, le plan Langevin-Wallon, qui ne sera cependant pas réalisé, affiche les objectifs ambitieux du système éducatif : « Ce n'est pas seulement l'éducation pour tous, c'est la possibilité pour tous de poursuivre au-delà de l'école et durant toute leur existence le développement de leur culture intellectuelle, esthétique, professionnelle, civique et morale ».
L'enseignement de masse
Le tournant des années 1950
Après un développement lent jusqu'en 1950, l'enseignement secondaire et, dix ans plus tard, l'enseignement supérieur connaissent dans tous les pays industrialisés une explosion numérique qui modifie profondément la vie des établissements, le contenu de l'enseignement et le sens des diplômes.
Les effectifs du secondaire, encore réservé à une minorité jusqu'en 1945, passe de 1 million d'élèves environ en 1950 à 3 158 000 en 1960-1961 (pour dépasser les 5 millions au début des années 1990). La progression est encore plus nette dans les universités, qui passent de 214 700 étudiants en 1960-1961 à 1 018 600 en 1989-1990. Cette évolution est provoquée à la fois par la croissance démographique (le « baby-boom » de l'après-guerre) et par les besoins de l'économie : c'est à cette époque que l'on prend pleinement conscience que la formation est un des facteurs d'augmentation de la productivité. Une adaptation des structures de l'école devient nécessaire. Elle est rendue plus urgente encore par les événements de mai 1968, qui agitent l'Université : quelle qu'ait pu être leur exploitation politique, ils mettent d'abord en cause la centralisation, la hiérarchie et une partie de la pédagogie. Les grandes réformes des années 1960 et des années 1970 – en particulier la loi Haby (1975), qui instaure notamment le collège unique – permettent d’élargir l’accès à l’enseignement secondaire et à l’enseignement supérieur. L’afflux massif d’étudiants à l’université est renforcé par l’objectif politique énoncé en 1989 de faire parvenir 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat à l’horizon 2000. Les années 1990 connaissent une série de réformes, abouties ou avortées, qui témoignent de la difficulté d’adapter le système éducatif à l’évolution de la société.
La crise de l’école en France
Le collège pour tous, le lycée pour plus de 80 % d'une classe d'âge, l'université pour plus de 40 %, un million de professeurs de tous niveaux – soit presque 5 % de la population active –, le premier budget de l'État : ce sont les données en France, où, par ailleurs, ce sont les communes qui gèrent les écoles maternelles et élémentaires, les conseils généraux qui gèrent les collèges et les Régions qui gèrent les lycées.
Dans l'enseignement secondaire, les difficultés des établissements résultent d'abord de l'inadaptation aux changements culturels, de la ségrégation sociale intra-urbaine et peut-être aussi des réformes du baccalauréat qui n'ont pas cessé de se succéder. Le lycée autoritaire d'avant-hier n'est plus de mise, et des règles nouvelles émergent dans une certaine confusion. Le chef d'établissement doit payer de sa personne. Les disparités entre villes et banlieues concentrent les difficultés dans les collèges où les enfants des milieux défavorisés arrivent avec un faible bagage et ne croient guère aux avantages de la scolarité.
Une mention spéciale doit être faite aux grandes écoles, institutions caractéristiques du système français. Il s'agit d'écoles spécialisées, créées par l'État pour faire face aux besoins de fonctionnement de l'administration (École normale supérieure, pour la formation des professeurs, fondée en 1794 ; École nationale d'administration (ENA), créée en 1945, pour la sélection des hauts fonctionnaires), ou pour répondre aux exigences de la révolution industrielle et du développement économique (École polytechnique ; École centrale des arts et manufactures). L'existence et le fonctionnement de ces grandes écoles font l'objet de nombreuses critiques. Si personne ne met en cause la qualité de leur enseignement, il leur est souvent reproché de ne concerner qu'une élite, de développer un « esprit de corps » et de former ce que l'on appelle couramment une « technocratie ».
Une chance pour tous
L'incertitude des maîtres sur les contenus à transmettre est partagée par les élèves. La culture classique n'est plus recevable que par une minorité motivée. Est-ce une raison pour la faire disparaître ? Et par quoi la remplacer ? Ces questions alimentent une querelle entre « pédagogues » et « républicains ». On a multiplié les options, en croyant servir les intérêts des élèves. Il est maintenant prouvé que toute diversification entraîne une hiérarchisation des voies.
L'enseignement démocratique est celui qui est suivi par tous ; il peut se rapprocher de l'égalité des chances, non de celle des résultats. Le sociologue D. Bell a bien exposé pourquoi une société largement fondée sur le mérite est dure à supporter par ceux qui ne réussissent pas. Vu l'importance accordée aux diplômes, et consacrée par le prestige des grandes écoles, l'Éducation nationale a la charge, démesurée, de définir le devenir professionnel et social de tous.
La revalorisation du baccalauréat professionnel est à l'ordre du jour et, dans les universités, l'orientation de certains enseignements vers une utilité professionnelle est en marche, de même que la séparation entre cursus courts et longs. Toutefois, la question de savoir si, et comment, ces développements différents peuvent coexister avec une orientation fondamentalement scientifique reste posée.
Les tendances actuelles de l'enseignement dans le monde vont dans le sens d'une unification des méthodes et des diplômes. Mais elles se heurtent partout aux traditions nationales et aux différences de développement. La fin du xxe s. a en outre connu une prodigieuse accélération des sciences et des techniques. La pédagogie et l'organisation de l'enseignement se ressentent de cette évolution et ne peuvent ignorer l'impact des technologies nouvelles (développement de l'informatique et d’Internet).
Enfin, tandis que les pays industrialisés devaient faire face à la rapide scolarisation de la population, l’alphabétisation dans les pays en voie de développement continue d’être un enjeu de premier plan. Affirmé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le droit à l’éducation est réaffirmé dans la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 (accès à un enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous). Enjeu de solidarité internationale, l’éducation primaire pour tous figure parmi les Huit Objectifs du millénaire fixés en 2000 par l’ONU d’ici à 2015.
Enseignement assisté par ordinateur
En tenant compte des acquis de la recherche pédagogique, on peut désormais enregistrer, dans des mémoires de gros ordinateurs, de vastes quantités d'informations et de nombreux programmes d'enseignement (didacticiels et logiciels de gestion pédagogique) ; à domicile, sur le lieu de travail, dans les locaux d'enseignement, on peut disposer de terminaux dotés d'une certaine « intelligence locale » aptes à exécuter des didacticiels de façon interactive (tenant compte des réponses de l'utilisateur) et à se connecter par un réseau informatique aux puissants ordinateurs centraux. On peut également disposer de terminaux reliés à Internet permettant d'accéder à des bases de connaissances mondiales exploitées dans un cadre pédagogique.
L'enseignement de la musique en France
L'enseignement général
En France, l'enseignement musical est officiellement donné dans tous les établissements scolaires, de la maternelle au secondaire. Il existe des classes préparant les élèves au baccalauréat général, option lettres et arts (A3), et, dans certains lycées, des classes à horaires aménagés préparant au baccalauréat technologique musical (F11).
Dans l'enseignement supérieur universitaire, il existe plus de 10 unités de formation et de recherche (U.F.R.), dont les plus importantes (universités de Paris, Strasbourg, Poitiers et Lyon) préparent à la licence et à la maîtrise d'enseignement, au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (C.A.P.E.S.), depuis 1973, et à l'agrégation, depuis 1975.
L'enseignement spécialisé
Les conservatoires de musique
Ils divulguent un enseignement spécialisé aux amateurs et aux futurs professionnels. Il existe trois sortes d'établissements subventionnés par l'État : 1° les conservatoires nationaux, conservatoires nationaux supérieurs de musique de Paris, et de Lyon (depuis 1979), et conservatoires nationaux de Région ; 2° les écoles nationales ; 3° les écoles municipales agréées, publiques ou privées.
L'enseignement privé
Il est le fait de certaines écoles spécialisées (Schola cantorum, école César-Franck, École normale de musique).
Sports et enseignement
L'apparition de l'éducation physique dans les programmes scolaires remonte à la Révolution. La gymnastique devient obligatoire dans les écoles d'instituteurs, les lycées et les collèges en 1869 et, en 1880-1882, dans les écoles primaires. Les professeurs d'éducation physique sont formés à l'université (U.F.R. d'E.P.S. [éducation physique et sportive]) durant 4 ou 5 années après le baccalauréat, et recrutés à l'échelon national par concours (certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive et, depuis 1983, agrégation). Les professeurs adjoints qui, jusqu'en 1986, étaient formés dans les C.R.E.P.S. (centre régional d'éducation physique et sportive) et recrutés à l'échelon national par concours, sont aujourd'hui recrutés (par intégration) parmi les maîtres auxiliaires. Depuis la promulgation de la loi sur le développement de l'éducation physique et du sport (1975), l'éducation physique fait partie intégrante de l'éducation et se trouve sanctionnée dans tous les examens.