République tchèque : histoire

Prague
Prague

Résumé

Après avoir refoulé les premières populations celtes, des tribus slaves dont celle des Tchèques (du nom de son chef Čech) s’installent en Bohême et en Moravie à partir du ve siècle après J.-C. Les deux régions constitutives de la nation tchèque connaissent une histoire en grande partie commune.

ixe siècle : la Grande Moravie

Inclue la Bohême et la Moravie ainsi que d’autres principautés et la Slovaquie occidentale. Elle maintient son indépendance entre Francs à l’ouest et Bulgares à l’est. C’est alors que les populations sont christianisées sous la double influence de missionnaires allemands puis byzantins (Cyrille et Méthode). Les invasions hongroises mettent fin à cet empire au xe siècle et les destinées des Slovaques et des Tchèques se séparent.

xe-xiiie siècles : le royaume de Bohême

Se forme et se consolide autour de la dynastie des Přemyslides.

xive-xve siècles : l’accession à l’Empire

Sous le règne de Charles IV de Luxembourg, margrave de Moravie et roi de Bohême, élu empereur en 1355, le royaume, avec Prague pour capitale et la langue tchèque comme langue officielle, atteint son apogée politique et culturel. Mais le mouvement de réforme lancé par Jean Hus conduit à une guerre civile (1419-1436) entre hussites soutenus notamment par la paysannerie, et la noblesse germanisée, appuyée par les croisés catholiques de l’empereur et du pape.

xvie-xviie siècles : le rattachement à l’Autriche

Alors qu’elles passent sous la souveraineté des Habsbourg, la Bohême et la Moravie adhèrent à la réforme luthérienne et calviniste et sont entraînées dans la guerre de Trente Ans (1619-1649). La contre-réforme catholique, vigoureuse et souvent brutale, va de pair avec la germanisation forcée des pays tchèques.

xviiie-xixe siècles : l’affirmation nationale

Les pays tchèques sont soumis à une centralisation accrue mais bénéficient des réformes éclairées de l’empereur Joseph  II (joséphisme) dans les années 1780-1790. La renaissance des revendications nationales autour de l’austroslavisme, culmine lors des révolutions de 1848. Déçues après le compromis austro-hongrois de 1867, elles sont portées par de nouvelles forces politiques à la fin du xixe siècle.

1. Les origines et les premières entités politiques

Après le refoulement des Celtes installés dès le milieu du Ier millénaire (Boïens qui donnent leur nom à la Bohême, Volques et Tectosages en Moravie) par des tribus germaniques (Quades et Marcomans) au ier siècle après J.-C., les Slaves s'établissent dans les régions de Bohême et de Moravie au ve siècle.

Résistant aux Avars et aux Francs mérovingiens aux viie-viiie siècles, les tribus slaves sont réunies d’abord par un premier roi (franc) Samo, épisode dont il ne reste aucun vestige, puis au sein de la Grande Moravie au ixe siècle sous le règne de Mojmír Ier et dont le foyer est la Moravie du Sud.

Sous la pression des Carolingiens, ont lieu les premiers contacts avec les missionnaires chrétiens germaniques avant que le prince de Grande Moravie, Rostislav, ne se tourne vers Byzance. Le christianisme est alors diffusé en langue slave par Cyrille et Méthode et conformément au culte byzantin, ce qui provoque la réaction du clergé franc et le retour, sous le règne de Svatopluk (v. 870-894) de l’église morave dans le giron latin et romain-germanique. Mais la Grande-Moravie disparaît à la suite de l’invasion hongroise (902-908).

2. Le royaume de Bohême (xiie-xvie siècles)

2.1. Les Přemyslides

La tribu des Tchèques, désignée par le nom de son chef, Čech, établie autour de Prague, unifie au xe siècle les diverses tribus slaves de Bohême sous l'autorité des princes přemyslides, vassaux du Saint Empire romain germanique.

Alors que l'empereur Frédéric Barberousse fait de la Moravie un margraviat en 1182, la Bohême devient un royaume héréditaire en 1212 sous le règne d’Otakar Ier Přemysl (1197-1230). Son successeur, Otakar II Přemysl (1253-1278), devient l'un des plus puissants souverains de son temps, conquiert la Styrie et la Carniole et étend les frontières du royaume jusqu'à l'Adriatique. Il prétend à l'Empire, mais Rodolphe Ier de Habsbourg (1273-1291) est élu et rassemble contre lui une coalition qui le bat à Dürnkrut, dans le Marchfeld (1278). Tué dans le combat, Otakar II Přemysl laisse la couronne à son fils Venceslas II (1278-1305), qui se réconcilie avec les Habsbourg et se fait couronner roi de Pologne (1300), réunissant symboliquement les trois royaumes de Bohême, de Pologne et de Hongrie. Avec la mort de Venceslas III en 1306, disparaît la dynastie des Přemyslides.

2.2. La dynastie des Luxembourg et le mouvement hussite

La couronne de Bohême passe alors à la dynastie des Luxembourg (1310-1437). Jean Ier de Luxembourg (1310-1346) réside peu dans son royaume et laisse gouverner la noblesse. C’est Charles IV de Luxembourg, élu empereur en 1355, qui parachève le rattachement à la Bohême de la Moravie dont il est margrave depuis 1333, de la Silésie et de la Lusace.

Le pays, alors à son apogée, connaît une grande prospérité liée à l'exploitation des mines d'argent et un grand rayonnement culturel. La Bulle d’or de 1356 donne la première place, parmi les Électeurs laïques de l'Empire, à la couronne de Bohême. Prague, transformée et dotée d'une université en 1348, est élevée au rang de capitale impériale par Charles IV. Employé comme langue littéraire dès la fin du xiiie siècle, le tchèque devient la langue officielle des institutions politiques et judiciaires de la noblesse dans la seconde moitié du xive siècle.

Une réaction nationale éclate sous le règne de Venceslas IV (1378-1419). Elle est d'abord religieuse et liturgique (communion sous les deux espèces) avec le mouvement de réforme inspiré de Wycliffe, et dirigé par Jan Hus et Jérôme de Prague contre la richesse du clergé. Après la condamnation pour hérésie et la mort sur le bûcher de Jan Hus (1415), le soulèvement de la Bohême tourne à une guerre civile opposant les hussites – eux-mêmes divisés entre modérés et radicaux « taborites » – auxquels se rallie la paysannerie, au patriciat et à la noblesse germanisés, soutenus par les croisés de l'empereur et roi de Bohême Sigismond de Luxembourg (1419-1437) allié dans l’entreprise au pape. La crise se termine, en 1436, par la conclusion des Compactata de Jihlava, qui permettent la formation d’une Église utraquiste (selon le principe de la liturgie hussite) sans rompre avec le catholicisme. À la mort de Sigismond en 1437, la dynastie de Luxembourg s’éteint.

Après une période d’anarchie marquée par le conflit toujours vif entre partis catholique-romain et hussite, Georges de Poděbrady (1458-1471) s’impose comme intendant du royaume en 1453 avant d’être élu roi en 1458. Tchèque et utraquiste, il rétablit l’autorité monarchique mais doit affronter le roi de Hongrie Mathias Corvin, soutenu par une partie des nobles catholiques, qui s’attribue la couronne et parvient à prendre le contrôle de la Moravie, de la Lusace et de la Silésie. Des possessions que le successeur désigné du roi Georges, Vladislav II Jagellon, fils du roi de Pologne (1471-1516) doit accepter avant de réunir lui-même les couronnes de Bohême et de Hongrie lorsqu’il succède à M. Corvin (1490). À la mort de son fils, Louis II (1516-1526), la diète élit roi Ferdinand Ier de Habsbourg (1526-1564) et se prononce ainsi pour l'union avec l'Autriche.

3. La domination des Habsbourg (xvie siècle)

Trouvant un terrain favorable en raison de l’influence des hussites et des « frères moraves », la Réforme protestante – d’abord dans sa forme luthérienne puis, dans la seconde moitié du xvie siècle, calviniste – fait de nombreux adeptes en Bohême et en Moravie ; si bien que Rodolphe II (1575-1611) doit accorder aux ordres un édit de tolérance (lettre de majesté, 1609).

Cependant, l'insurrection de la noblesse protestante, provoquée par l'intolérance de Mathias (1611-1619) et ouverte par la défenestration de Prague (23 mai 1618), marque le début de la guerre de Trente Ans.

Les révoltés sont écrasés par Ferdinand II (1617-1637) à la bataille de la Montagne Blanche (1620), qui décide pour longtemps du sort de la Bohême. Plusieurs représentants de la révolte anti-habsbourgeoise sont exécutés à Prague, tous les prêtres non catholiques sont expulsés des pays tchèques, les jésuites reprennent en main l’université Charles de Prague, centre de la culture hussite.

La Constitution de 1627 donne à titre héréditaire la couronne de Bohême à la maison d'Autriche tandis que la Diète qui n’a pas été consultée, est réduite à un rôle purement consultatif. La germanisation forcée est déclenchée et de nombreux nobles émigrent ou passent dans le camp des Suédois qui, la paix venue (1648), les abandonnent ; la Bohême et la Moravie restent sous la domination des Habsbourg qui accentuent leur emprise et la germanisation au siècle suivant.

En outre, le renforcement du domaine seigneurial depuis le xvie siècle aboutit à un « second servage », qui, après des révoltes paysannes en 1774-1775, n’est aboli qu'en 1781 par Joseph II (1780-1790) dont la volonté de réforme conduit également au décret de tolérance (1781) rétablissant la liberté de culte.

Parallèlement, avec le développement de la métallurgie, de la verrerie (cristal de Bohême), de l’industrie textile, la Bohême et la Moravie deviennent, au cours du xviiie siècle, le cœur industriel de la monarchie autrichienne. Une bourgeoisie industrielle, à prédominance allemande, se forme.

4. La renaissance nationale

Dans le sillage des réformes économiques, sociales et scolaires de Joseph I, la langue tchèque retrouve sa place à l’université et dans la vie culturelle. Encouragé par l’intelligentsia (Josef Dobrovsky, l'historien František Palacký), ce mouvement de renaissance s’exprime dans diverses associations, cercles littéraires, revues, clubs politiques. Ainsi, en mars 1848 des démocrates radicaux et des libéraux se réunissent à Prague et fondent le Comité Saint Venceslas qui deviendra par la suite le Comité national. Ses revendications (égalité des droits pour les Allemands et les Tchèques, réunion des pays tchèques en un seul ensemble, libertés politiques, Constitution) semblent, dans un premier temps, être acceptées par l’empereur Ferdinand Ier (1830-1848).

En juin 1848, le congrès slave est réuni à Prague afin d’élaborer une action commune de l’ensemble des peuples slaves de l’Empire (austroslavisme) et d’obtenir l’égalité des droits mais ses travaux sont interrompus par l’insurrection populaire qui éclate au même moment (→ révolutions européennes de 1848). La révolte est très vite réprimée et après l’abdication de Ferdinand auquel succède François-Joseph (décembre) l’absolutisme est rétabli en 1851 ; les réformes sont relancées après les défaites autrichiennes de 1859 en Italie (Constitution de 1861).

Malgré quelques mesures d’ordre linguistique et social, les espoirs de F. Palacký et des austroslavistes sont de nouveau ruinés par la signature du compromis austro-hongrois de 1867. Le gouvernement autrichien accorde toutefois à partir de 1879 de nouvelles concessions aux Tchèques, contre lesquelles s'élèvent les Allemands de Bohême (plus de 37 % de la population en 1910).

Aux « Vieux Tchèques », exprimant les intérêts de la noblesse et acceptant de transiger avec le gouvernement impérial s’opposent bientôt les « Jeunes Tchèques » issus de la bourgeoisie libérale et de nouveaux mouvements politiques voient le jour. La séparation entre Tchèques et Allemands ayant été encouragée par Vienne et le pangermanisme l’emportant parmi ces derniers, le mouvement national tchèque tend à se radicaliser à partir de 1898 avec la création du parti national tchèque. Les « réalistes », quant à eux, se regroupent au sein du parti populaire tchèque (issu des « Jeunes tchèques »), d’où émergera la figure de Tomáš Garrigue Masaryk.

Naissent en outre le parti social-démocrate (1878), le parti chrétien social (1894) et le parti agraire (1898). Après le déclenchement de la Première guerre mondiale, les partis politiques restent officiellement loyaux à l’empire austro-hongrois mais se préparent à sa dislocation. Les Slovaques ayant rejoint les Tchèques depuis mai 1918, une Tchécoslovaquie indépendante est proclamée le 28 octobre.

Pour en savoir plus, voir l'article Tchécoslovaquie.