Portugal : histoire

Henri le Navigateur
Henri le Navigateur

Résumé

Avant de former une nation à part entière aux xiie-xiiie siècles, le Portugal, peuplé en partie de Celtes, connaît la domination romaine (création de la province de Lusitanie par Auguste au ier siècle avant J.-C. et de Galice, autour de Braga, au iiie après J.-C.) puis les invasions barbares. Aux Suèves succèdent les Wisigoths qui annexent les territoires lusitaniens à leur royaume (→ histoire de l'Espagne) à la fin du vie siècle, avant le début de la conquête musulmane en 711.

ixe-xie siècle

Le nord du Portugal échappe à la domination musulmane à la suite de la reconquête entamée par le royaume des Asturies puis celui de Castille.

xiie-xiiie siècles

Séparé des territoires espagnols (Galice et Castille), le Portugal s’émancipe avec la dynastie de Bourgogne qui poursuit la reconquête sur les Arabes et se rend maître de l’ensemble du territoire jusqu’à l’Algarve, dans le Sud, en 1249.

xive siècle

L’indépendance portugaise à l’égard du royaume de Castille est maintenue avec l’accession au trône de la dynastie d’Aviz (1385). L’autorité monarchique est tempérée par le rôle des Cortes (États généraux) dans lesquelles la bourgeoisie prend une importance croissante.

xve-xvie siècles

Le Portugal s’impose sur les mers constituant grâce aux grandes explorations (Bartolomeu Dias, Diogo Cão, Vasco de Gama) un vaste empire colonial, en Afrique (après Madère, Maroc, Angola, Mozambique, Cap Vert, Guinée) en Asie (Inde avec Goa, Chine avec Macao) en Amérique (Brésil). Le traité de Tordesillas (1494) fixe les zones d’influence respectives du Portugal et de l’Espagne. À l’extinction de la dynastie d’Aviz, l’union personnelle avec l’Espagne est instituée en 1580 mais les libertés portugaises sont respectées sous le règne de Philippe Ier de Portugal (Philippe II d’Espagne).

xviie siècle

Avec la dynastie de Bragance – qui règnera de 1640 (Restauration) jusqu’à la proclamation de la république au xxe siècle – le Portugal retrouve sa pleine souveraineté, reconnue par l’Espagne en 1668.

xviiie siècle

Le pays se lie étroitement à l’Angleterre qui impose son emprise économique. À la tête du gouvernement, le marquis de Pombal (1756-1777) s’illustre par sa politique de despotisme éclairé.

xixe siècle

Après avoir chassé les troupes françaises en 1808 avec l’aide des Anglais, le Portugal connaît un premier déclin : alors que le Brésil accède à l’indépendance en 1825, la monarchie parlementaire, instituée par les Cortes en 1822, est paralysée par les luttes civiles entre conservateurs et libéraux.

xxe siècle

La très instable république, proclamée en 1911, ne résiste pas au soulèvement militaire de mai 1926. Pendant 48 ans, le Portugal vit dès lors sous le régime autoritaire et corporatiste mis en place par Salazar, jusqu’à la « révolution des œillets » de 1974, menée par de jeunes officiers des troupes coloniales. Dans le sillage de la décolonisation, une démocratie pluraliste est instaurée conduisant à l’intégration au sein de l’Union européenne en 1986.

1. Avant la nation portugaise

Le pays est d'abord occupé par des tribus apparentées pour certaines d'entre elles, dans le nord du pays (Galiciens) aux Celtes en rapport avec les Phéniciens, les Carthaginois et les Grecs. Il faut aux Romains de longues campagnes pour venir à bout de leur résistance. L'ouest de la Péninsule est conquis au iie siècle avant J.-C. La province de Lusitanie est créée par Auguste en 27 avant J.-C., suivie de Gallaecia (comprenant les territoires du nord du Douro) au iiie siècle après J.-C. par Dioclétien. Elle est envahie au ve siècle par les Alains et surtout les Suèves, dont le royaume galicien inclut tout le nord du Portugal et qui est finalement annexé par celui des Wisigoths en 585.

La domination musulmane, qui commence en 711, est ébranlée par les campagnes d'Alphonse III, roi des Asturies (866-910), qui conquiert la région de Porto, puis de Ferdinand Ier, roi de Castille, qui libère le pays entre les fleuves Douro et Mondego (prise de Coimbra en 1064).

2. La formation du royaume portugais : la dynastie de Bourgogne

Alphonse VI, roi de León, qui fait campagne plus au sud jusqu'au Tage, donne le comté de Portugal (région de Porto) à Henri de Bourgogne, mari de sa fille bâtarde Thérèse ; ce territoire est ainsi séparé artificiellement, mais définitivement, de la Galice, où l'on parle le même dialecte, et du reste de la Péninsule (1097). Henri émancipe le Portugal de la Castille, sur le plan religieux, en obtenant l'érection de Braga en archevêché (1104), mais ne peut empêcher les musulmans de reprendre Lisbonne et Santarém.

Après la période de troubles qui suit sa mort (v. 1112), son fils Alphonse er Henriques (1128-1185) consacre l'indépendance du Portugal. Avec l'appui de la noblesse, il rompt tout lien avec la Castille ; le prestige que lui vaut sa victoire sur les Maures à Ourique (1139) le conduit à prendre le titre de roi, que la Castille reconnaîtra en 1143.

2.1. La Reconquête

Le Portugal poursuit son expansion vers le sud, au détriment de l'islam. Installant sa capitale à Coimbra, établissant les Templiers et les Hospitaliers entre le Mondego et le Tage, Alphonse Ier Henriques prend Santarém, Lisbonne dès 1147, Sintra, et occupe une partie de l'Alentejo. Ses successeurs poursuivent sa croisade conquérante, s'appuyant sur les ordres espagnols de Santiago et de Calatrava, qui se nationalisent très vite, et n'hésitant pas à détourner des croisades destinées à la Terre sainte pour mieux vaincre les musulmans du Sud. En fait, ce n'est qu'après la défaite almohade de Las Navas de Tolosa (1212), à laquelle participent les troupes portugaises d'Alphonse II (1211-1223), que la conquête s'accélère, pour s'achever dans l'Algarve (1249) sous le règne d'Alphonse III (1248-1279).

Les pays conquis, où des musulmans et des Juifs subsisteront jusqu'en 1497, sont aussitôt mis en valeur, non seulement par des colons venus du Nord, qui y diffusent le dialecte de Porto, mais aussi par des étrangers, qu'ils soient laïques ou ecclésiastiques, tels les cisterciens d'Alcobaça ou les chanoines réguliers de Saint-Augustin. Venus en grand nombre, surtout au temps de Sanche Ier o Povoador (1185-1211), les immigrants, groupés en des centres indépendants des seigneuries préexistantes, obtiennent du souverain des chartes de privilèges.

2.2. L'affirmation de l'autorité royale

L'achèvement territorial du Portugal au milieu du xiiie siècle coïncide, en partie, avec son achèvement institutionnel. La monarchie, qui est héréditaire dès le xie siècle, détient en fait tous les pouvoirs. Mais la pratique de l'acclamation populaire, qui rappelle les origines électives de la royauté au temps des Wisigoths, aboutira à la constitution des Cortes, dont les premières connues sont celles de Coimbra, où ne sont encore représentés que le clergé et la noblesse (1211), mais qui élaborent les premiers éléments d'une législation portugaise.

Jusqu'à cette date, l'autorité royale ne trouve quelque limite que dans les privilèges d'un très riche clergé et d'une noblesse qui s'est arrogé le droit d'exercer la justice ou de lever les redevances sur ses dépendants et qui s'est ainsi insérée dans les cadres d'une féodalité agissante. Mais les progrès de la féodalité et du clergé inquiètent Alphonse II, qui, aidé du chancelier de son père, Julião, leur porte un premier coup d'arrêt en faisant vérifier tous les titres de propriété (inquirições) et en interdisant par l'amortização au clergé régulier et séculier d'acquérir des biens immobiliers.

Le conflit continue sous Sanche II o Capelo (1223-1248), qui est même déposé par le pape et remplacé par son frère cadet Alphonse (1245) ; en échange, ce dernier doit promettre de respecter les droits de l'Église (pacte de Paris, 1245). Malgré le soutien de la Castille, Sanche, retranché dans le nord du pays, doit finalement se réfugier à Tolède (1248).

Alphonse III est alors reconnu roi de Portugal ; vainqueur, il se refuse à appliquer les termes de l'accord de Paris et, non content de restreindre davantage les droits du clergé, il admet pour la première fois aux Cortes de Leiria (1254) les représentants des villes, s'appuyant ainsi sur la bourgeoisie afin d'annuler les progrès réalisés par la féodalité au début du XIIIe siècle. Il permet à cette nouvelle classe sociale de s'introduire dans la « curie royale », dont les fonctions commencent à se spécialiser et dont les membres les plus instruits, les légistes, aident le souverain à rédiger et à faire appliquer les ordenaçoes dirigées contre les privilégiés.

Sous le règne de Denis er le Libéral (1279-1325), qui fonde en 1290 l'université de Lisbonne (transférée à Coimbra en 1308, elle fut transportée de nouveau à Lisbonne de 1338 à 1354 et de 1377 à 1537) et fait du dialecte de Porto la langue nationale, cette politique de renforcement de l'autorité royale se poursuit avec l'appui de la bourgeoisie urbaine, dont on favorise, en contrepartie, les activités économiques.

Dès le xiie siècle, la pratique de la pêche avait développé la vie maritime ; bientôt, les marchands portugais fréquentent Bruges et Londres, où ils vendent le poisson, le sel, le vin, l'huile, les cuirs, la graine d'écarlate de leur pays.

Les successeurs de Denis, Alphonse IV (1325-1357) et Pierre Ier le Justicier (1357-1367), poursuivent son œuvre et orientent le pays vers l'expansion outre-mer. Mais le Portugal, dont la population a diminué de moitié lors de l'épidémie de peste noire de 1348, connaît au xive siècle une grave crise économique. Pour conjurer cette crise, Ferdinand Ier (1367-1383) encourage les armateurs nationaux, fortement concurrencés par les étrangers, et crée une sorte de compagnie d'assurance ; en outre, il oblige les propriétaires à cultiver leurs terres sous peine d'expropriation au profit de la monarchie (1375). Mais ces efforts s'avèrent insuffisants et la politique aventureuse du souverain en Castille ne fait qu'aggraver encore la situation.

3. La dynastie d'Aviz et la domination des mers

À sa mort, Ferdinand ne laisse qu'une fille, Béatrice, fiancée à Jean Ier de Castille, allié de la France, ouvrant ainsi une redoutable crise successorale, au cours de laquelle s'opposent nettement la noblesse, favorable à la candidature castillane, et la bourgeoisie, décidée à maintenir l'indépendance portugaise sous l'autorité d'un prince national (1383-1385). Avec l'appui anglais, le candidat national, Jean, grand maître de l'ordre d'Aviz (ou Avis), un bâtard de Pierre Ier et demi-frère de Ferdinand, est porté au pouvoir, et les Cortes de Coimbra ratifient cette candidature (1385).

Jean Ier le Grand (1385-1433) et son connétable Nuno Álvares Pereira, en battant les Castillans à Aljubarrota avec l'appui des mercenaires anglais (1385), consolident l'indépendance portugaise ; celle-ci est confirmée par la paix de 1411 avec la Castille et par l'alliance anglaise, renforcée dès 1387 par le mariage de Jean Ier avec Philippa de Lancastre. La crise permet au nouveau roi de réduire les prétentions de la noblesse en s'appuyant sur la bourgeoisie, qui commence à jouer un rôle prépondérant aux Cortes.

3.1. L'expansion maritime

L'expansion portugaise se développe au xve siècle. De hardis voyages sont rendus possibles grâce aux recherches scientifiques (tables astronomiques d'Alphonse X le Sage et des Juifs ibériques) et aux progrès de la construction navale (gouvernail d'étambot ; caravelle, qui est mise au point en 1439-1440). Ils s'expliquent par diverses raisons :
– le surpeuplement relatif du Portugal,
– l'impossibilité de pratiquer une politique d'expansion continentale aux dépens de la puissante Castille,
– la pénurie de blé,
– la demande accrue de poisson, de cuir, de tinctoriaux,
– la recherche de terres nouvelles convenant à la canne à sucre,
– la demande d'esclaves pour les moulins à sucre qui apparaissent alors dans l'Algarve,
– la pénurie d'or qui gêne les échanges en Occident.

L'Afrique

Les chevaliers, ruinés par la crise économique, conquièrent le port marocain de Ceuta (1415) ; les bourgeois organisent la colonisation des archipels de Madère (à partir de 1418) et desAçores (à partir de 1432), et l'exploration de la côte africaine pour atteindre le pays de l'or ; le cap Bojador est doublé (1434) et le Río de Oro atteint (1436).

Profitant de la faiblesse du roi Édouard (1433-1438), la noblesse impose la guerre au Maroc. L'échec devant Tanger (1437) et la minorité du roi Alphonse V l'Africain (1438-1481) poussent au premier rang l'infant Pierre, duc de Coimbra, auquel les Cortes confient la régence, au détriment de sa belle-sœur, la reine Éléonore d'Aragon (1440) ; les « ordonnances Alphonsines » s'efforcent de codifier et d'uniformiser le droit.

L'expansion pacifique, chère aux bourgeois, se développe ; des champs de blé, puis des plantations de canne couvrent Madère et les Açores ; les explorateurs dépassent la côte saharienne et atteignent le pays des Noirs, où ils nouent des relations commerciales plus commodes : la première monnaie d'or portugaise, le cruzado, est frappée en 1457. Mais le jeune roi, poussé par les grands seigneurs, provoque la révolte du régent, qui est tué à Alfarrobeira (1449) et dont les réalisations sont, dès lors, attribuées à son frère Henri, dit « le Navigateur », qui a eu la prudence de ne pas intervenir dans cette querelle.

La guerre reprend contre les Marocains, qui perdent Alcácer Ceguer (aujourd'hui Ksar es-Seghir) [1458], Tanger et Arzila (1471), Safi (1508), Mazagan (1514). Par contrecoup, la poussée castillane vers le Maghreb se trouve déviée vers l'est (région d'Oran et de Tlemcen). Mais le commerce en Guinée est si fructueux (or, esclaves, ivoire, malaguette, gomme) qu'il se maintient par la seule initiative privée. En 1469, ce trafic est affermé à Fernão Gomes contre le versement annuel de 200 000 reis et l'obligation d'explorer chaque année 100 lieues de côtes au-delà de la Sierra Leone ; en 1474, cette concession passe au prince Jean, héritier de la Couronne.

La royauté vise maintenant un double but : explorer les îles et les terres de l'Ouest, découvrir la route maritime de l'Inde par le sud de l'Afrique. À l'Occident, les îles du Cap-Vert, découvertes en 1460, et les Açores servent de base à des voyages qui mènent les Portugais aux abords de Terre-Neuve avant Colomb, qui a profité de ces expériences. En Afrique, le voyage de 1471 est marqué par la découverte de Saõ Tomé et d'Annobón, et le franchissement de l'équateur. Le roi Alphonse V, redoutant comme ses prédécesseurs la puissance grandissante de la Castille, termine son règne en tentant vainement de s'imposer dans ce royaume en s'alliant avec Jeanne, infante de Castille, héritière présomptive d'Henri IV.

Jean II (1481-1495), décidé à dompter la noblesse, fait exécuter les ducs de Bragance (1483) et de Viseu (1484). Il organise méthodiquement les voyages d'exploration et la mise en valeur des pays découverts. Diogo de Azambuja fonde en Guinée (aujourd'hui au Ghana) le fort de São Jorge da Mina (1482), qui sera le relais des expéditions ultérieures. À partir de 1482, Diogo Cão plante des padrões (colonnes indiquant la prise de possession) portugais dans l'actuelle République démocratique du Congo et au cap Santa Maria en Angola. Tandis que Pêro da Covilhã va reconnaître l'Inde et visite l'Éthiopie, Bartolomeu Dias franchit le cap des Tempêtes (aujourd'hui cap de Bonne-Espérance) et découvre l'océan Indien (1487).

Colomb, à qui le roi de Portugal a refusé des bateaux en 1484, rentre de son premier voyage au service de la Castille (1492-1493) en annonçant qu'il a atteint l'Inde par l'ouest. Jean II reste persuadé de la supériorité de la route orientale, mais, en 1493, le pape Alexandre VI borne la zone de navigation accordée au Portugal par la bulle de Calixte III à l'est d'un méridien situé à 100 lieues des îles du Cap-Vert ; la cour de Lisbonne, qui tient aux mystérieuses îles de l'Occident, fait reporter la limite à 370 lieues à l'ouest de l'archipel du Cap-Vert (→ traité de Tordesillas, 1494).

L'Asie

C'est sous Manuel Ier le Fortuné (1495-1521) que Vasco de Gama réalise le premier voyage maritime aux Indes, non sans avoir rencontré l'hostilité des marchands musulmans, qui ont eu jusque-là le monopole de l'expédition des produits de l'Extrême-Orient vers l'Europe par Alexandrie. Profitant de la supériorité de leurs navires et de leur artillerie, les Portugais châtient les sultanats locaux, ruinent le commerce musulman et s'assurent en quelques années la domination de l'océan Indien en occupant les forteresses des détroits.

Vasco de Gama bombarde Calicut (1502) ; Francisco de Almeida, nommé vice-roi de Cochin, Cannanore et Quiloa, construit des forts sur la côte africaine (1505), détruit la flotte égyptienne à Diu (1509) ; Albuquerque, entre 1507 et 1515, prend Socotora, Mascate, Goa, Malacca, Ormuz. Arrivés à Malacca dès 1509, les Portugais apprennent que les épices proviennent d'un archipel situé plus à l'est, les Moluques, où ils fondent un comptoir (Amboine) vers 1512. Malgré le passage de Magellan (1521), l'archipel est acquis au Portugal après le traité de Saragosse (1529). Les Portugais achèvent la découverte des marchés asiatiques en débarquant au Siam, au Cambodge, au Dai Viêt, en Chine (1514 ou 1517), dans la région de Canton, où ils obtiennent la concession de Macao (1557), et au Japon (1542).

Le souverain, qui porte maintenant le titre de « roi du Portugal et des Algarves, de ce côté et de l'autre de la mer ; en Afrique, seigneur de Guinée et de la conquête, navigation et commerce d'Éthiopie, d'Arabie et de Perse », et qui est représenté par un vice-roi à Goa, entend se réserver le bénéfice de ces découvertes ; il a confié le contrôle du commerce lointain à une régie, la Casa da Guiné, qui prend le nom de Casa da Guiné e Mina en 1482-1483 avant d'être englobée dans la Casa da Índia e da Guiné (1499).

Groupés en flottes, les bateaux quittent Lisbonne à Pâques et, grâce à la mousson, atteignent Calicut, Cochin ou Goa en septembre ; de ces ports, d'autres bateaux gagnent Malacca ou Ternate, marchés des épices que d'autres Portugais vont distribuer au Japon, en Chine et en Perse, en y ajoutant les dernières inventions de la technique européenne (montres, arquebuses, canons), produits de l'industrie métallurgique tout nouvellement fondée à Lisbonne. La flotte de retour assure au roi de Portugal la domination du marché européen des épices asiatiques, du sucre des îles et des esclaves noirs.

En dehors de ses forts, le Portugal ne possède pas de territoire étendu au-delà des mers. Mais l'activité des Portugais n'est pas uniquement mercantile ; les entreprises missionnaires des jésuites (→ saint François Xavier), les tentatives de conversion forcée vont essaimer de petites chrétientés dans tout l'Extrême-Orient, préparer l'évangélisation du Japon et de la Chine ; par les Portugais, la civilisation européenne pénètre dans des milieux aussi divers que le royaume du Congo et l'empire du Japon.

Le Brésil

La longueur des voyages, qui retarde la réalisation des profits, les frais et, surtout, l'impossibilité de maintenir le monopole sur le commerce des épices rendent bien mince le bénéfice du roi de Portugal. La cour de Lisbonne va ralentir son effort en Extrême-Orient, entamer la liquidation de son domaine marocain (sauf Tanger, Ceuta, Azemmour et Mazagan) et se retourner vers son domaine atlantique.

La canne à sucre, qui constitue un quasi-monopole portugais, ne trouve plus assez de place aux îles : Madère, Açores, Cap-Vert, São Tomé ; elle trouve un champ d'expansion presque illimité au pays du « bois brésil », proclamé possession portugaise par Pedro Álvares Cabral en 1500.

Sur l'ordre de Jean III, qui veut soustraire le Brésil aux corsaires français, Martim Afonso de Sousa en organise la colonisation à partir de São Vicente (1532). Les plantations brésiliennes valorisent les comptoirs de traite de la Guinée, puis de l'Angola dans la seconde moitié du XVIe siècle. Presque seuls à vendre des esclaves, les Portugais en fournissent leurs colonies et aussi l'Amérique espagnole, se procurant ainsi l'argent indispensable au commerce de l'Extrême-Orient.

3.2. De Jean III (1521) à l'union avec l'Espagne

La culture intellectuelle et artistique (art manuélin) connaît le même élan que l'économie et atteint son âge d'or sous Jean III (1521-1557), qui obtient du pape Paul III l'installation des jésuites au Portugal (1547), où ils établissent leur université à Évora, tandis que le roi transfère définitivement celle de Lisbonne à Coimbra (1537). Le Portugal devient un des foyers de la Réforme catholique. Quant à l'importante communauté juive, forcée de se convertir après le décret d'expulsion de 1496 (les « nouveaux chrétiens »), malgré l'hostilité dont elle est l'objet, elle joue un rôle fondamental tant sur le plan intellectuel que sur le plan économique. Mais ses membres, soupçonnés de crypto-judaïsme, commencent à être victimes de l’Inquisition, instituée en 1536.

4. L'union avec l'Espagne (1580-1640)

Les rois de Portugal, toujours alarmés de l'expansion castillane, avaient préparé par des mariages la fusion des deux dynasties à leur profit. Mais c'est la dynastie d'Aviz qui s'éteint la première : le roi Sébastien (1557-1578), hanté par une vision anachronique de croisade, disparaît, défait par les Marocains à Alcaçar-Quivir (→ Ksar el-Kébir, 1578). Le dernier représentant de la famille, son successeur, Henri le Cardinal, meurt en janvier 1580.

Malgré les prétentions de dom Antoine, prieur de Crato, le Portugal est occupé (1580) par l'armée de Philippe II, roi d'Espagne, fils et petit-fils de princesses portugaises, qui est proclamé roi à Santarém ; le prieur de Crato, vaincu à Alcantara par le duc d'Albe, réussit à se maintenir aux Açores jusqu'en 1583. En fait, il ne s'agit que d'une union personnelle des deux couronnes, et Philippe II promet de respecter les libertés portugaises. Mais le peuple du petit royaume ne perd pas son allant ; l'union ibérique lui permet de s'infiltrer dans les colonies espagnoles et de les exploiter à son profit.

Seulement, les circonstances deviennent moins favorables : la rénovation de la Perse sous Abbas Ier le Grand, la constitution de l'Empire moghol dans l'Inde, le triomphe du shogunat au Japon ne permettent plus aux Portugais d'y parler en maîtres. Lorsque Philippe II interdit le marché aux épices de Lisbonne aux Néerlandais révoltés, aux Anglais hostiles, les marins du Nord tentent à leur tour le voyage en Extrême-Orient et s'installent à côté des Portugais, dont ils ruinent le monopole, mais non le commerce. Peu à peu, les souverains asiatiques, les Anglais et surtout les Néerlandais rognent la longue ligne des comptoirs portugais.

5. De la Restauration au déclin

5.1. La restauration d'une dynastie nationale (1640)

Lorsque les Hollandais s'installent au Brésil (à partir de 1624), dans les comptoirs de la traite africaine (São Tomé, São Paulo de Luanda) [1641], les Portugais rendent la monarchie espagnole responsable de leur défaite. Profitant de la révolte de la Catalogne et du soutien indirect de Richelieu, ils se soulèvent le 1er décembre 1640, massacrent certains membres du gouvernement, dont Vasconcelos, et proclament roi le duc de Bragance, sous le nom de Jean IV (1640-1656), rétablissant ainsi une dynastie nationale, celle de Bragance, qui règnera jusqu'à l'instauration de la Répulique en 1910.

Les Portugais réussissent à chasser les Néerlandais des comptoirs africains (1643, 1648), puis du Brésil (1654), qui s'est soulevé en faveur de la cour de Lisbonne, mais ils doivent se résigner à l'effondrement de leurs positions en Asie.

Après une longue et coûteuse guerre, et malgré l'appui d'une importante fraction de la noblesse portugaise, l'Espagne doit reconnaître l'indépendance du Portugal moyennant la cession de Ceuta (traité de Lisbonne, ratifié en 1668) C'est alors que le bilinguisme castillan-portugais disparaît ; la littérature, puis la « philosophie » françaises font sentir leur influence.

5.2. L'alliance avec l'Angleterre et l'exploitation du Brésil

Après une redoutable crise monarchique (relégation aux Açores, en 1667, d'Alphonse VI [1656-1683] ; régence [1667-1683] ; puis règne [1683-1706] de Pierre II) et une tentative de colbertisme, le Portugal lie sa destinée économique à celle de l'Angleterre : le traité de lord Methuen (1703) réserve le marché anglais aux vins de Madère et de Porto ; en échange, la Grande-Bretagne placera librement son blé et ses lainages au Portugal, voué désormais à la monoculture de la vigne, et participera au commerce du Brésil.

Abandonnant encore des comptoirs aux Indes, en Afrique orientale, Zanzibar, Mombasa (1698), des îles en Afrique occidentale (Annobón, Fernando Poo, 1778), quittant définitivement le Maroc (Mazagan, 1769), renonçant le plus souvent à régénérer l'économie nationale, la monarchie se consacre à l'exploitation de sa colonie américaine, qui s'étend vers l'ouest, aux dépens des territoires attribués à l'Espagne par le traité de Tordesillas. L'or, découvert au Minas Gerais (plus de 1 000 tonnes semble-t-il) en 1696, les diamants (Diamantina est fondée vers 1725) dépassent en importance le sucre, le tabac et le cacao, dont le monopole portugais a disparu avec l'essor des Antilles, mais qui nécessitent toujours des foules d'esclaves africains.

Le Brésil permet aussi le fructueux trafic interlope avec les colonies espagnoles, et l'on comprend l'acharnement du Portugal à garder la position de Sacramento sur le río de la Plata ; ce fort est finalement perdu en 1778.

5.3. Le marquis de Pombal et l'expérience du despotisme éclairé

Joseph (1750-1777), fils de Jean V (1707-1750), confie le gouvernement à Carvalho e Melo, qui sera fait marquis de Pombal en 1770. C'est, avec un régime policier fort dur, un essai de despotisme éclairé. Pombal diminue l'emprise de l'Église sur le Portugal, sévit contre les grands, contre les jésuites, qui sont expulsés (1759), contre les ordres monastiques, qui sont épurés. L'or du Brésil, qui a permis la reconstruction de Lisbonne après le séisme de 1755, subventionne les compagnies privilégiées chargées du trafic entre la métropole et le Brésil, la compagnie vinicole de l'Alto Douro, les industries textiles, etc. 

Mais Pombal ne parvient pas à rendre au Portugal son indépendance économique. Marie Ire (1777-1816), fille et héritière de Joseph, renvoie le ministre dès son avènement et change totalement de politique ; en 1792, la reine, atteinte de démence, laisse le pouvoir à son fils, le futur Jean VI.

5.4. L'expédition napoléonienne

Le Portugal, qui a participé à la guerre contre la France révolutionnaire aux côtés de l'Espagne, est attaqué par celle-ci, qui a changé de camp (« guerre des oranges », 1801), et perd définitivement Olivença. Refusant de rompre avec l'Angleterre et d'appliquer le blocus, le Portugal est envahi une première fois par les troupes de Junot en 1807 ; la famille royale, renonçant à toute résistance, s'embarque alors pour le Brésil.

Suivant l'exemple espagnol, les Portugais s'insurgent contre l'occupant français en mai-juin 1808. Wellesley, débarqué au Portugal, fait capituler Junot à Sintra (30 août 1808). Après les échecs des offensives de Soult (1809) et de Masséna (1810-1811), le Portugal est débarrassé des Français.

6. Le déclin portugais

6.1. L'instauration de la démocratie parlementaire

Jean VI (1816-1826), préférant rester au Brésil, dont il a fait un royaume, laisse le gouvernement du Portugal à la régence et au général Beresford, chef de l'armée. À l'exemple de l'Espagne, un soulèvement militaire à Porto renverse le régime absolutiste (août 1820). Les Cortes, réunies en janvier 1821, suppriment l'Inquisition et demandent le retour du roi. Jean VI, rentré à Lisbonne, accepte la Constitution libérale votée par les Cortes (1822). Profitant de l'attitude maladroite des Cortes, Pierre, fils de Jean VI, se proclame empereur du Brésil (1822), dont l'indépendance est reconnue par le Portugal en 1825.

À la mort de Jean VI en 1826, Pierre Ier du Brésil (Pierre IV du Portugal) nomme reine sa fille, Marie II, âgée de sept ans, et la fiance à son oncle Michel ; puis, par la Charte de 1826, il accorde un régime bicamériste au Portugal. La jeune reine, placée sous la protection de Canning, est, en 1828, évincée par Michel, qui se proclame roi et tente de rétablir l'absolutisme ; mais la révolution française de 1830 lui retire des protecteurs influents.

Pierre Ier quitte le Brésil (1831), gagne les Açores, qui se sont soulevées contre Michel, puis débarque à Porto (1832). Rentré à Lisbonne (1833), il défait avec l'aide des Anglais les troupes de Michel, qui capitule et renonce à tous ses droits à Évora Monte (1834). À la mort du souverain la même année, Marie II retrouve le trône jusqu’en 1853 tandis que le pays connaît une nouvelle période de luttes civiles.

6.2. Luttes civiles et « rotativisme »

La Charte de 1826 rétablie, les ordres religieux abolis, la vie politique s'organise autour de la rivalité de deux factions : les chartistes, modérés, et les septembristes, libéraux, favorables à la Constitution de 1822 et à l'origine du soulèvement de 1836. L'Acte additionnel de 1852 instaure le suffrage direct et abaisse le cens ce qui permet à 25 % des Portugais de devenir électeurs. Issus respectivement des mouvements chartiste et septembriste, conservateurs du parti « régénérateur » et libéraux du parti « historique » (puis « progressiste »), alterneront dès lors au pouvoir, selon le principe du rotativisme. Le régime parlementaire reste cependant une façade : les élections sont préparées par le gouvernement, qui s'appuie sur la Couronne et doit satisfaire les classes dirigeantes. La mauvaise gestion des finances publiques ralentit le progrès économique. Sous les rois Pierre V (1853-1861) et Louis (1861-1889), quelques réformes sont réalisées : mise en vente des biens du clergé, abolition de l'esclavage dans les colonies, publication du Code civil (1867).

Des officiers remarquables, comme Serpa Pinto, explorent les régions entre Angola et Mozambique à partir de 1877. Mais le Portugal se heurte aux entreprises du roi des Belges Léopold II sur le Congo, et le congrès de Berlin (1885) ne lui attribue que deux bourgades sur la rive droite. Puis la volonté de Cecil Rhodes de joindre le Cap au Caire par une bande continue de territoires britanniques et l'ultimatum anglais à l'occasion d'une révolte au Nyassa (1890), empêchent le Portugal de relier entre les océans atlantique et indien ses deux grandes colonies africaines (1891).

SousCharles Ier (1889-1908), la monarchie devient de plus en plus impopulaire par son gaspillage, qui accroît les difficultés budgétaires et facilite la propagande républicaine. Le roi, qui a laissé João Franco instaurer une dictature (1907-1908), est assassiné en pleine rue, ainsi que son fils aîné. Son second fils, Manuel II (1908-1910), renonce au régime autoritaire et est chassé par un coup de force militaire. La république est proclamée le 5 octobre 1910.

7. La République (1910-1926)

Le petit groupe intellectuel des républicains, sans grande prise sur l'opinion publique, pressé entre les syndicats aux tendances révolutionnaires et les monarchistes majoritaires, prend des mesures fondamentales. Une Constituante dissout les congrégations, rompt les liens entre l'Église et l'État, annonce la conscription, l'enseignement laïque et obligatoire, accorde le droit de grève. La Constitution de 1911, franchement démocratique, ne fonctionne pas bien : les insurrections royalistes, les coups de force militaires, s'ajoutant à l'instabilité gouvernementale, expliquent la vingtaine de révolutions, la quarantaine de gouvernements qui se succèdent entre 1911 et 1926. Au cours de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne, qui a attaqué les colonies portugaises dès septembre 1914, déclare la guerre au Portugal le 9 mars 1916. La participation portugaise à la guerre en France, aux côtés des Alliés, ne vaut que le district de Quionga (Mozambique) à la jeune République.

8. La dictature, Salazar et l'« État nouveau » (1926-1974)

En mai 1926, le général Gomes da Costa soulève la garnison de Braga et renverse le régime parlementaire ; il est bientôt évincé par le général Oscar Carmona, qui, élu président en avril 1928, sera réélu tous les sept ans jusqu'à sa mort, en 1951. En 1928, Carmona confie le portefeuille des Finances au professeur António de Oliveira Salazar, qui devient président du Conseil en 1932.

8.1. Un régime autoritaire et corporatiste

Salazar, sans jamais postuler aux fonctions – secondaires – de chef de l'État, est le personnage clé d'un régime fortement centralisé et hiérarchisé autour du président du Conseil. La Constitution de l'« État nouveau », promulguée en avril 1933 après un référendum-plébiscite, établit une véritable dictature du chef du gouvernement et pose les bases d'un État corporatif. Le Statut national du travail (1933) oblige les ouvriers à s'inscrire à des syndicats nationaux ; des grémios (corporations) groupent les patrons ; la grève est interdite en 1934. Les partis politiques sont supprimés en 1932 à l’exception de l’Union nationale républicaine (UNR) créée l’année suivante et dirigée par Salazar. Ce dernier s'évertue à maintenir l'équilibre du budget, qu'il a rétabli dès 1929.

Invoquée avec insistance dans les premières années du régime, l'idée d'une « révolution nationale », à base d'ordre moral, tire ses racines de la tradition contre-révolutionnaire et procède d'une vision passéiste et rurale de la société. Salazar souhaite avant tout restaurer un ordre fort et immuable, respectueux des traditions et guidé par la « Providence ». Réactionnaire, le salazarisme relève ainsi moins du fascisme que d'une forme « d'autoritarisme bureaucratique », qui derrière une façade parlementaire – une assemblée élue tous les quatre ans au suffrage universel avec des restrictions censitaires et capacitaires mais sans véritable pouvoir – s'appuie sur une police politique toute puissante (PVDE devenue PIDE en 1945).

Un régime qui renforce son contrôle de la société civile à la fin des années 1930, avec le coup de « badigeon à la romaine » donné alors, sur le modèle mussolinien, à certaines de ses nouvelles institutions comme la Légion et la Jeunesse (Mocidade) portugaises, créées en 1936.

L'« État nouveau », qui a réconcilié le Portugal et le Vatican, notamment grâce à la signature d'un concordat en mai 1940, pratique une politique extérieure prudente. Visiblement favorable au général Franco durant la guerre d'Espagne, il maintient sa neutralité au début de la Seconde Guerre mondiale, puis permet à la Grande-Bretagne (1943) et aux États-Unis (1944) d'utiliser l'archipel des Açores pour la surveillance de l'Atlantique.

8.2. L'évolution et l'affaiblissement du régime

En 1951, le général Francisco Higino Craveiro Lopes remplace Carmona, décédé ; en 1958, le candidat officiel, l'amiral Américo Tomás, est élu, mais le candidat d'opposition, le général Humberto Delgado, enlève 25 % des voix. Ce dernier se réfugie à l'ambassade du Brésil en janvier 1959, puis part pour l'étranger. L'évêque de Porto, Monseigneur A. Ferreira Gomes, se voit interdire le retour au Portugal (février 1960). L'arraisonnement de la Santa Maria par le capitaine Galvão, alors en liaison avec Delgado, attire l'attention mondiale sur le régime portugais (janvier 1961). Le 1er janvier 1962, un soulèvement est vite écrasé à Beja ; et, en mai 1962, de nouvelles émeutes éclatent.

Le Portugal connaît aussi de sérieuses difficultés dans ses possessions coloniales. En 1953, il a refusé de négocier avec la République indienne le statut des enclaves de Goa, Damão et Diu ; le 17 décembre 1961, les troupes indiennes s'en emparent. Dès le mois de février 1961, des troubles avaient éclaté en Angola ; deux ans plus tard, la guérilla s'étend à la Guinée et, en 1964, au Mozambique.

La réélection à la présidence de la République de l'amiral Américo Tomás, le 25 juillet 1965, survient dans un climat politique très tendu après l'assassinat, en février, de H. Delgado par la police politique. Cependant, le 16 septembre 1968, Salazar, malade, doit renoncer au pouvoir ; Marcelo Caetano lui succède et s'engage à gouverner selon la même méthode tout en donnant un vernis démocratique à son action.

Mais la situation ne cesse de se dégrader dans les colonies d'outre-mer. En Guinée-Bissau, les nationalistes établissent peu à peu leur propre pouvoir et mènent une guérilla efficace contre les troupes portugaises. En Angola, l'armée tient les villes, mais les rebelles sont maîtres des campagnes, et, au Mozambique, le FRELIMO contrôle tout le nord du pays. Déjà condamnée antérieurement, puis de nouveau en novembre 1972 par l'Assemblée des Nations unies, Lisbonne voit croître son isolement diplomatique du fait de sa politique africaine.

Quant à l'Église catholique, elle prend ses distances avec le gouvernement. Le nombre des insoumis et déserteurs augmente. Muselée et réprimée, l'opposition ne présente pas de candidats aux élections législatives du 28 octobre 1973, où le parti de Marcelo Caetano, l'Action nationale populaire, qui remplace l'UNR en 1970, remporte tous les sièges. Aux grèves et à l'agitation estudiantine succèdent des remous au sein de l'armée. La publication, en février 1974, d'un ouvrage du général de Spínola préconisant une solution politique et non plus seulement militaire aux problèmes coloniaux entraîne sa mise à l'écart.

Pour en savoir plus, voir l'article Portugal : vie politique depuis 1974.