Bretagne
Région de l'ouest de la France, formée des départements du Finistère, des Côtes-d'Armor, du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique.
1. Naissance de la Bretagne
Lors des invasions germaniques du ve siècle, l'Armorique est peu touchée par les Germains. En revanche, elle devient progressivement le refuge de nombreux Bretons d'outre-Manche fuyant Angles et Saxons. D'où son nom nouveau de Britannia Minor, Bretagne. L'expansion celte se poursuit du ve au ixe siècle, marquée par la plus grande extension des parlers celtiques. Nominalement incluse dans la Gaule mérovingienne, la Bretagne est, en fait, pratiquement indépendante. De cette époque date la toponymie celtique et religieuse en plou (paroisse), tré (section de paroisse) et lan (ermitage), témoins de l'évangélisation et du défrichement du pays.
2. Les premiers « souverains » bretons
Les Carolingiens ne parviennent guère à contrôler la Bretagne, malgré la constitution d'une « Marche de Bretagne », confiée un temps à Roland, le héros de la chanson de geste du xiie siècle ; de nombreuses révoltes doivent y être réprimées. Louis le Pieux s'appuie sur un chef local, Nominoë (mort en 851), qui profite des conflits entre les fils de Louis pour affermir son indépendance. « Duc » selon Louis le Pieux, il se conduit en fait en roi, et donne une première organisation laïque et ecclésiastique à la Bretagne.
Après lui, Erispoë (851-857), son fils, et Salomon (857-874), son neveu, poursuivent sa politique. Ce dernier se qualifie tantôt de dux, tantôt de princeps.
Au xe siècle, le pays est livré à l'anarchie, et les descendants (ou apparentés) de Nominoë se maintiennent avec difficulté. Seuls Alain Ier le Grand (mort en 907) et son petit-fils Alain II Barbe-Torte (937-952) tiennent tête aux envahisseurs normands. S'ils parviennent à conserver quelque unité à la Bretagne, ils ne le peuvent qu'en liaison avec les Francs.
3. La Bretagne féodale
3.1. Les comtes de Rennes et de Cornouaille
C'est seulement à la fin du xe siècle que le comte de Rennes, Conan Ier le Tort, replace l'ensemble du duché sous son autorité nominale. Mais, en fait, l'indépendance de la Bretagne n'existe plus ; celle-ci apparaît déjà comme l'un des grands fiefs français, au reste morcelé entre ses arrière-fiefs et disputé entre les Foulques d'Anjou et les ducs de Normandie, qui en revendiquent la tutelle. Si Conan et ses successeurs se proclament duces, le roi de France ne connaît qu'un « comte » de Bretagne. (C'est en 1297 que la province sera érigée en duché-pairie.) Au xie siècle, la maison de Cornouaille, issue par les femmes d'un bâtard d'Alain II Barbe-Torte, reçoit par mariage la succession d'Alain III (mort en 1040).
3.2. La Bretagne aux mains des Plantagenêts
À la fin du xiie siècle, Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre, devient le gardien de la Bretagne et marie son quatrième fils, Geoffroi, à Constance, héritière du « duché ». Le nouveau duc soutenant les barons bretons contre son père, Henri II profite de sa mort prématurée, en 1186, pour raffermir son autorité, mais il disparaît à son tour en 1189.
La Bretagne féodale, fort anarchique jusqu'à l'intervention de Henri II, est organisée par celui-ci. Dès lors, l'autorité ducale est solidement assise. Geoffroi, fils de Henri, promulgue l'« Assise du comte Geoffroi », première loi bretonne, affirmant le droit d'aînesse et le non-partage dans les fiefs bretons.
3.3. La Bretagne, fief royal
La lutte que mène Philippe Auguste contre Richard Cœur de Lion, puis contre Jean sans Terre, sauve la Bretagne de la tutelle anglaise. Philippe Auguste y installe la famille de Dreux, de souche royale, en la personne de Pierre Ier Mauclerc (1213-1237), et fait de la Bretagne, jusqu'alors arrière-fief, un fief royal.
Pendant plus d'un siècle (1213-1341), la Bretagne prospère sous ses ducs (enfin reconnus tels en 1297), fidèles à la couronne de France, quoique souvent insubordonnés. La dynastie de Dreux renforce l'organisation anglo-normande. Elle s'entoure de grands officiers, constitue un hôtel. Des embryons de chambre des comptes et de parlement apparaissent au xiiie siècle. Le pays est divisé en huit « baillies », régies par un sénéchal.
4. Les xive et xve siècles
4.1. La dynastie des Montfort (1365-1491)
La guerre de la Succession de Bretagne
La mort de Jean III (1341), qui ne laisse pas de postérité légitime, ouvre une crise violente, la guerre de la Succession de Bretagne, parallèle à celle qui désole la France pendant la première moitié de la guerre de Cent Ans : le duché est contesté entre Charles de Blois et Jean de Montfort. Le fils de ce dernier, Jean IV, jouant du particularisme breton, triomphe finalement ; surnommé « le Conquéreur », il finit en grand seigneur, l'égal de ses contemporains Berry, Anjou ou Bourgogne.
La nouvelle puissance bretonne
C'est le règne de Jean V (1399-1442), fils du précédent, qui affirme avec le plus d'éclat la nouvelle puissance bretonne. Second des grands fiefs après la Bourgogne des Valois, la Bretagne ignore les malheurs de la France. Jean V ne prête d'autre hommage à Charles VI que celui de « sauver les libertés, prérogatives et dignités du duché de Bretagne ».
Cette Bretagne, pratiquement indépendante, se maintient jusqu'à la fin du siècle. François II (1458-1488) cherche à assurer son indépendance par des alliances avec les Anglais et Charles le Téméraire, puis, après la mort de celui-ci, avec l'empereur Maximilien et les grands de la Guerre folle.
4.2. Vers le rattachement de la Bretagne à la France
Claude de France
À sa mort, sa fille Anne est unie à Maximilien par procuration en 1490. Mais elle doit rompre ce mariage et épouse d'abord Charles VIII (1491). Ce dernier mort, Louis XII fait dissoudre son propre mariage pour épouser à son tour la duchesse (1499). Leur fille, Claude de France, hérite de la Bretagne, à la mort de la duchesse Anne, en 1514. Elle épouse François Ier et lègue, en 1524, le duché au dauphin François. Mais François Ier unit indissolublement la Bretagne à la France en 1532, bien que son fils en reste duc et prince propriétaire. À la mort du dauphin François, son frère Henri reçoit encore, avec le titre de dauphin, celui de duc de Bretagne. Mais ce dernier disparaît lorsque Henri II monte sur le trône en 1547. (Au xviiie siècle, le titre de duc de Bretagne sera encore porté par les deux frères aînés de Louis XV.)
Des institutions propres
Les institutions du duché ont pris au xve siècle un relief nouveau. Le duc, véritable souverain, est assisté de son chancelier et de son conseil. Un procureur général seconde le chancelier. Le trait le plus original de ces institutions est le lien qui demeure entre ce qu'ailleurs on appelle états et parlement. Le « parlement général » est l'équivalent des « états » des autres grands fiefs. (Il est parfois appelé ainsi à partir de 1408.) Les causes judiciaires en sont confiées à une commission de magistrats non permanente, et qui ne parvient pas, à la fin du siècle, à obtenir son autonomie. Les revenus ducaux sont gérés par le trésorier et receveur général. Une chambre des comptes, à Nantes, contrôle la gestion du trésorier.
Un duché prospère
La Bretagne du xve siècle est prospère : progrès de l'élevage, développement de la draperie (Rennes, Fougères, Dinan, Guingamp), essor de la vie maritime (pêche lointaine, trafic des vins du Sud-Ouest et des sels de l'Ouest), installation très précoce de l'imprimerie (Bréhant-Loudéac, Tréguier, Rennes). C'est enfin dans cette période que s'épanouit l'art flamboyant, si caractéristique de la Bretagne.
5. La Bretagne, province française
5.1. Les particularismes bretons
La monarchie française respecte les particularismes bretons : les états siègent chaque année à Vannes ou à Rennes, et « consentent » l'impôt. Dès 1554, tandis que subsiste l'ancienne cour du parlement liée aux états, un véritable parlement est installé, qui siège d'abord partie à Nantes, partie à Rennes, puis à Rennes seulement. Nantes conserve sa chambre des comptes. Un gouverneur représente le roi dans la province, qui est l'une de celles, d'ailleurs, où cette institution conservera du poids jusqu'à la Révolution : cela par l'entremise, au xviiie siècle, de « commandants en chef », résidant sur place. Les conflits soutenus par Montesquiou, puis par d'Aiguillon, contre les états et le parlement en font foi. Mais, au xviie siècle, s'installe à Rennes l'intendant de Bretagne. En missions temporaires depuis Richelieu, à demeure à partir de 1689, les intendants, aidés par un réseau serré de subdélégués, joueront un rôle capital dans la transformation du pays au xviiie siècle.
5.2. Une province agitée…
Si la Réforme ne l'atteint pas, la Bretagne est ébranlée par les troubles de la Ligue, où l'entraînent, de 1589 à 1598, les ambitions de son gouverneur, le duc de Mercœur. Vaincu par Henri IV, il doit finalement se soumettre au souverain converti.
Restaurée et enrichie par Richelieu, qui en est gouverneur, la Bretagne n'est pratiquement pas touchée par la Fronde. Mais, en 1675, une révolte y éclate, celle du papier timbré ou des Bonnets rouges, dirigée contre les abus des impôts indirects : elle est rigoureusement réprimée.
Le xviiie siècle s'ouvre sur la lutte de Montesquiou contre les états, qui évolue en une véritable conspiration, celle de Pontcallec (1718-1720). Si l'intendance renforce son autorité de 1715 à 1735, les états n'en parviennent pas moins, à travers le siècle, à sauvegarder et à promouvoir les prérogatives bretonnes.
À la fin de l'Ancien Régime, l'opposition parlementaire à la monarchie est incarnée par la lutte de La Chalotais, procureur général, contre le duc d'Aiguillon (1753-1768) qui utilise les services de l'intendance pour son propre compte. D'Aiguillon doit se retirer en 1768, ainsi que le subdélégué général, et le parlement rentre en vainqueur dès 1771. De 1771 à 1774, l'intendance de Bretagne retrouve son autorité grâce aux réformes du Triumvirat, mais l'avènement de Louis XVI (1774) en provoque l'abandon, ce qui fait renaître l'opposition des états aux impôts, dont on ne peut obtenir le consentement qu'en promettant d'exécuter un vaste programme de réformes économiques et sociales. La nomination par Calonne de Bertrand de Molleville à l'intendance, la reconstitution, au profit de Petiet, de la subdélégation générale ne peuvent empêcher l'effritement du pouvoir royal dans la province, comme le prouve l'agitation suscitée par la réforme de Lamoignon (1788), agitation qui contraint l'intendant à s'enfuir.
5.3. … et dynamique
La Bretagne, du xvie siècle au xviiie siècle, est le pays de la mer par excellence, célèbre par les voyages lointains de ses nombreux navigateurs. Dès le xvie siècle, les Malouins pêchent en Islande et à Terre-Neuve, ceux de Saint-Pol atteignent le Brésil, Jacques Cartier reconnaît le Saint-Laurent.
Au xviie siècle, les Nantais fréquentent la « Guinée » et les Antilles, les Malouins le Pérou et la Chine.
Le plus grand d'entre eux, Duguay-Trouin, s'empare même de Rio de Janeiro au début du xviiie siècle. Puis Mahé de La Bourdonnais parcourt l'océan Indien, tandis que la marine française est commandée par Guichen, Du Chaffault, Du Couëdic, La Motte-Picquet. Surcouf, sous la Révolution et l'Empire, prolonge cette pléiade de marins.
Cinq ports prennent progressivement les premières places. Nantes, dès le xvie siècle, est en rapport avec Bilbao, et devient, aux xviie et xviiie siècles, la métropole du commerce triangulaire, ses navires transportant les Noirs d'Afrique aux Antilles, d'où ils rapportent du sucre, du rhum, du tabac, etc (→ traite négrière). Saint-Malo et Morlaix arment pour la pêche lointaine... et pour les fructueuses campagnes des corsaires.
L'essor de Brest débute sous Richelieu, qui dote ce port de son arsenal. Lorient, fondé par Colbert en 1666, devient très vite le grand port des Indes orientales. L'essor des ports est complété par celui des cités administratives de Vannes, de Nantes et, plus encore, de Rennes, où afflue une nombreuse bourgeoisie d'affaires et de robe. Les villes se transforment, se couvrent de monuments Renaissance ou classiques (spécialement Rennes, incendiée en 1720 et reconstruite ensuite).
Les campagnes demeurent plus arriérées, et la vie ne s'y modifie guère ; mais elles sont le théâtre d'un renouveau religieux dès le xvie siècle, illustré au xviie par l'œuvre d'apostolat de Le Nobletz, puis de Maunoir, et qui a laissé les calvaires, les ossuaires, les « enclos paroissiaux » et les pèlerinages innombrables qui symbolisent la Bretagne.
5.4. Depuis la Révolution
La Bretagne, divisée en 1790 en cinq départements (Loire-Inférieure, Ille-et-Vilaine, Côtes-du-Nord, Morbihan, Finistère), aussi enthousiaste que les autres provinces devant le mouvement révolutionnaire, est ébranlée par la Constitution civile du clergé. Fidèle aux réfractaires, elle devient le foyer de la chouannerie, née dès 1793 dans le Léon et qui ne disparaîtra guère qu'avec le Concordat.
Sous le second Empire, la Bretagne connaît de nouveau une certaine prospérité, tout en restant une région essentiellement rurale, saignée par l'émigration. Sur le plan politique, elle reste presque totalement dans la ligne conservatrice.
Les Bretons paient un tribut important aux deux guerres mondiales (240 000 morts entre 1914 et 1918). Après avoir été l'éphémère « réduit breton », occupé avant même d'être organisé, elle fut le théâtre du coup de main de Saint-Nazaire, du parachutage des « bataillons du ciel » de juin 1944, et des derniers combats autour des « poches » de Lorient et de Saint-Nazaire. Lorient, Brest, Saint-Malo devaient compter parmi les villes de France les plus éprouvées.
Tant de sacrifices et un sous-développement chronique donnaient l'espérance aux Bretons de voir reconnus par la France leurs particularismes. Devant les refus ou les réticences du pouvoir central, certains mouvements demandent l'autonomie de la province.