L'héritage est catastrophique : 100 % d'inflation, une forte récession, 40 % de la population active au chômage ou sous-employée, des caisses vides et une dette extérieure supérieure à 80 milliards de dollars.

Depuis l'instauration, le 5 août, d'une double parité du peso, le monde a pris conscience, semaine après semaine, de l'ampleur de la crise. Dès le 17 août commencent les pourparlers pour le rééchelonnement de la dette ; le 20, un premier moratoire est accordé par les créanciers ; le 1er septembre, José Lopez Portillo annonce la nationalisation du secteur bancaire privé national et la transformation de la Banque centrale en un organisme public. Deux semaines plus tard est institué un contrôle des changes très complexe.

Enfin, le 10 novembre, un accord est signé avec le FMI pour un premier prêt de 3,840 milliards de dollars. En contrepartie, le Mexique s'engage à adopter un sévère programme d'austérité.

C'est dire que le nouveau président n'a pas vraiment le choix. Cet expert financier, ancien ministre du Plan et du Budget et diplômé de Harvard, aura bien besoin de tout son savoir-faire. Ses premières déclarations, annonçant une « rénovation morale », témoignent de la volonté d'aller au-delà d'un simple redressement financier par la réduction des dépenses de l'État, la vérité des prix et la diminution des investissements. Mais, à supposer qu'elle soit menée, la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale ne changera rien, dans l'immédiat, aux déséquilibres régionaux persistants (Mexico, Guadalajara et Monterrey apparaissent comme des enclaves modernes dans un pays sous-développé) ni aux problèmes de l'emploi (un million d'arrivées sur le marché chaque année).

Et, même si la balance commerciale se solde cette année par un excédent (grâce à une diminution de près du tiers des importations), le Mexique est plus que jamais dépendant des États-Unis, qui, premiers acheteurs de son pétrole, animent le sauvetage financier.

Sur le plan intérieur, le nouveau président doit compter, en dépit de l'omniprésence du PRI, sur un jeu politique plus ouvert : pour la première fois cette année, 6 candidats ont pu se présenter face au PRI et, au côté du Parti d'action nationale (PAN, droite), la gauche s'est fait une toute petite place au soleil.

Dossier : le drame de l'Amérique centrale

Ponctué d'offres de négociations et d'initiatives diplomatiques variées (dont une visite de R. Reagan), le second semestre de 1982 est néanmoins marqué par une dangereuse évolution vers l'embrasement général.

Les actions armées opposant forces de gauche (appuyées par Cuba) et conservatrices (aidées par les États-Unis) apparaissent comme les batailles d'une même guerre. De faits multiples et contradictoires, on retient quatre points principaux : offensives de la guérilla au Salvador, de l'armée au Guatemala ; rôle central du Honduras comme base de harcèlement des révolutionnaires salvadoriens et du Nicaragua sandiniste ; dans ce dernier pays, rupture du front intérieur et drame des Indiens Miskitos pris entre deux feux.

Le passage du cyclone Olivia, en septembre, prend, dans un tel contexte, l'allure d'un fait divers banal, malgré le millier de morts recensés au Salvador et au Guatemala.

La logique de cet affrontement conduit à une bipolarisation accrue. Quand, le 12 juillet, François Mitterrand insiste auprès de son hôte, le leader sandiniste Daniel Ortega, sur la « nécessité d'un non-alignement authentique du Nicaragua », la junte au pouvoir à Managua est de plus en plus dépendante de Cuba. Le conflit s'aggrave, à l'intérieur, avec les milieux libéraux et l'Église, qui redoutent une « normalisation castriste ». La société se militarise pour faire face aux commandos d'anciens somozistes venus de Honduras.

D'août à octobre, les sandinistes ne cessent de dénoncer les violations de leurs frontières. Après les révélations de Newsweek, faisant état d'un « plan américain de déstabilisation » du Nicaragua, Washington reconnaît, le 4 novembre, fournir une aide militaire aux combattants antisandinistes.