À l'extérieur comme à l'intérieur, la Chine est confrontée aux limites d'un « système » dont la schizophrénie constitue le principal obstacle à sa montée en puissance, qui dépend désormais de sa capacité à le réformer et à solder les comptes d'un passé maoïste douloureux, auquel des millions de victimes chinoises et tibétaines ont payé un lourd tribut entre 1950 et 1976, et qui survit encore aujourd'hui dans l'archipel du laogai, le goulag chinois. Le régime ne peut éternellement faire l'économie d'une ouverture politique que les profondes mutations sociales rendent inévitable. Il lui faut accepter les règles du jeu démocratique et mettre en place les institutions permettant le dialogue politique et social, sans oublier la couverture sociale qu'il doit à des millions de déshérités que le socialisme de marché – ou plutôt – le capitalisme « aux caractéristiques chinoises » a laissés sur le bas-côté de la route. Les ambitions de puissance planétaire de la Chine l'appellent par ailleurs à confirmer ses bonnes intentions affichées, en pesant de tout son poids pour désamorcer les risques nucléaires dans la péninsule coréenne, en cessant ses menaces d'intervention armée contre Taïwan, en laissant sa liberté à Hongkong, mais aussi en acceptant les normes internationales en matière de lutte contre la prolifération nucléaire, contre les financements douteux et autres pratiques frauduleuses, comme la contrefaçon, au centre du sommet Chine-UE de novembre.

Le régime de Pékin peut certes aussi, sous l'impulsion d'une vieille garde toujours vigilante, se lancer dans une fuite en avant dans le nationalisme, seul véritable ciment désormais d'une société chinoise débarrassée de ses oripeaux idéologiques, qui exalte ses champions sur les stades comme dans l'espace. Mais une telle option risquerait de ruiner les acquis de la Chine, dotée désormais de bien des atouts d'une grande puissance. Reste à savoir si ses ambitions ne feront pas perdre le sens de la mesure à l'empire du – juste – Milieu, qui se situe à la croisée des chemins, en ce début de xxie siècle.

Hongkong s'accroche à sa spécificité

Attachés à la spécificité de leur « région administrative spéciale », garante de leurs libertés politiques et économiques depuis 1997, les habitants de Hongkong étaient 500 000 à manifester le 1er juillet, au 6e anniversaire de la rétrocession de l'ex-colonie britannique, contre un projet de loi inspiré par Pékin visant à intégrer à la législation locale un article contre la subversion, la sécession et la trahison. Devant l'ampleur de la contestation, Pékin demandera à Tung-Chee-hwa, le chef du gouvernement local à sa dévotion, de retirer l'article de l'ordre du jour législatif. Dans le même temps, Pékin resserrait ses liens économiques avec Hongkong par un accord de libre-échange. Mais les habitants de l'ancienne colonie, qui manifestaient à nouveau le 9 juillet, semblent décidés à maintenir la pression sur le gouvernement local affaibli par la crise, dont ils réclament des élections au suffrage universel.