Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

À vrai dire, personne ne sait combien de laboratoires américains la manipulent ni combien de scientifiques y ont eu accès. La raison est peut-être à rechercher dans la politique ambiguë que les États-Unis continuent de mener dans le domaine des armes biologiques. Bien que son pays ait ratifié la Convention internationale de 1972 qui interdit « le développement, la production et le stockage » d'agents biologiques à des fins militaires, l'administration Bush a fait capoter à Genève, en juillet 2001, les négociations visant à lui adjoindre un protocole de contrôle exigeant la déclaration de toute activité liée à la guerre biologique (y compris les recherches sur les vaccins ou les thérapies). Les États-Unis refusent la mise en place d'un système d'inspection international de leurs laboratoires et arsenaux au motif qu'il menacerait leur sécurité nationale.

Juste après les attaques bioterroristes, qui ont pourtant démontré que la sécurité du peuple américain – et du monde – réclamait un tel contrôle sur les entreprises publiques ou privées manipulant des germes mortels, l'administration Bush a réaffirmé, fin novembre, son opposition au protocole. La terrible leçon de l'automne n'a visiblement pas porté ses fruits.

Emmanuel Chicon

Les brevets vus des États-Unis

Le gouvernement américain s'est toujours montré prompt à défendre les brevets des firmes pharmaceutiques contre certains pays du Sud invoquant l'urgence sanitaire nationale pour accéder à des traitements antisida à moindre coût. Avec la crise l'anthrax, « l'intérêt supérieur de la nation américaine » a soudain autorisé le ministre de la Santé Thomas Thompson à menacer Bayer de lever le brevet qu'elle détient sur la ciprofloxacine et de recourir à sa version générique si la firme allemande ne baissait pas son prix. Bayer a fini par s'incliner, sauvant ainsi son brevet et la somme rondelette (estimée à 190 millions d'euros) que la lutte contre le bioterrorisme lui permettra d'engranger.