Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Ainsi, pour obtenir sa victoire définitive au second tour (53 % des votes, contre 47 % pour son adversaire), M. Toledo a dû batailler ferme, tout en rappelant son rôle pour faire tomber le régime précédent, et en agitant en même temps l'épouvantail du retour de son adversaire électoral. Mais, signe du désarroi des Péruviens, M. Toledo a également dû faire face au développement des tendances abstentionnistes dans l'électorat et à la campagne menée par quelques-uns de ses anciens partisans qui appelaient à voter blanc ou nul.

Malgré la trêve politique qu'il a demandée à l'opposition, le répit du nouveau président sera de courte durée, face aux réclamations syndicales, et devant un Parlement où il n'a pas de majorité stable et sûre. La tâche s'annonce lourde aussi parce que les besoins des couches défavorisées, c'est-à-dire la majorité du pays, sont énormes. Or, les mesures et propositions du nouveau gouvernement (création d'emplois précaires et temporaires financés par l'aide internationale, poursuite des privatisations – dont celle de l'eau, à Lima – et des concessions au capital étranger, réduction d'impôts, maintien de l'orthodoxie budgétaire et approfondissement du libéralisme commercial) produiront difficilement des résultats à la hauteur des attentes de la population.

Pablo F. Luna

Misère et exode

Ce sont deux traits majeurs de l'évolution péruvienne depuis les années 1990. Il y a aujourd'hui 16 millions de pauvres (60 % de la population totale) dont 6 millions qui survivent avec moins de 1 dollar par jour. Seulement 20 % de la population active dispose d'un emploi normal. Le remboursement annuel de la dette absorbe environ 25-30 % des devises venant des exportations. Le travail clandestin des enfants connaît un essor sans précédent : 70 % de la population scolaire a déserté l'école.

Près de 200 000 Péruviens auront quitté le pays au cours de l'année 2001 (150 000 en 2000). Le nombre total de ceux qui ont décidé de tenter leur chance à l'étranger atteint déjà 2,5 millions. La moitié de ceux qui partent ont entre 20 et 40 ans, avec une très forte composante féminine. Les lieux de destination sont principalement la côte est des États-Unis et les autres pays d'Amérique latine. Des centaines de millions de dollars, envoyés annuellement par des parents, soulagent la vie des familles (et les réserves de la Banque centrale).