Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Autre surprise, la proximité génétique de l'être humain avec d'autres espèces, aussi éloignées que la mouche du vinaigre, qui n'a que moitié moins de gènes, ou le ver de terre, dont 10 % de nos gènes nous rapprochent, tandis que nous partageons quasiment le même génome avec le chimpanzé. Autant dire que le décryptage du génome humain montre plus ce qui rapproche l'homme des autres espèces que ce qui l'en sépare, l'inscrivant au cœur du vivant, et flétrissant définitivement les présupposés génétiques du racisme pseudo-scientifique, quand on sait que le patrimoine génétique africain est plus varié que celui de tous les autres continents, qu'il a inondés de ses gènes, et que des variations génétiques individuelles peuvent intervenir avec plus d'amplitude entre des individus de même couleur. L'évolution des espèces reposerait dès lors sur quelques accidents génétiques, même si l'homme ne saurait se réduire à la somme de ses gènes.

On n'est donc pas aujourd'hui en mesure de lire en l'homme comme en un livre ouvert, et les séquences de ses lettres géniques n'écrivent que les toutes premières lignes du premier chapitre du livre des mystères de l'être humain. La séquence du génome humain permet de découvrir l'échafaudage génétique autour duquel chaque vie humaine est façonnée, mais n'est en rien cette carte d'identité qui le soumettrait à un déterminisme autorisant toutes les mutations et les imitations. La découverte n'a donc de sens que si on ne lui attribue pas les vertus démiurgiques que certains voudraient lui prêter : à l'humilité de l'homme replacé dans la chaîne du vivant doit répondre celle du scientifique.

Gari Ulubeyan

Un champ de possibles

S'il n'a pas simplifié la compréhension de l'être humain, le décryptage du génome ouvre toutefois un champ de possibles. L étude de la fonction des gènes, dont on sait qu'ils peuvent avoir plusieurs rôles, va se révéler plus complexe, et les conséquences économiques sont plus hasardeuses, alors qu'un travail coûteux attend les chercheurs et les investisseurs, déjà sur les rangs pour produire des médicaments dont ils espéraient qu'ils pourraient cibler plus facilement les gènes supposés à l'origine de maux graves et de maladies génétiques, dont 39 % sont concentrés dans 8 chromosomes seulement. Le génomique fonctionnelle, qui permet de comprendre le rôle exact des gènes, leur influence, leur interaction, leurs silences et leurs activations, n'en est qu'à ses balbutiements. Il faudra encore attendre, donc, pour que la médecine prédictive opère cette « révolution génétique » encore en gestation.