Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La gauche fait entendre un tout autre son de cloche, sonnant le tocsin contre les tentations libérales d'une réforme qui profiterait finalement autant sinon plus aux riches, comme en attesterait la suppression de la vignette automobile, qui cristallise la colère des Verts. Surtout, alors que la grogne contre la hausse des carburants s'étend à de nombreux secteurs, menaçant de paralyser le pays, la « bonne nouvelle » de L. Fabius passera presque inaperçue dans l'opinion, son principal destinataire. Nécessairement populaire, la baisse annoncée des impôts avait aussi vocation à faire mieux passer la pilule de la démission la veille de Jean-Pierre Chevènement pour cause de désaccord sur le statut de la Corse que le gouvernement peine à expliquer aux Français. Elle ratera pourtant son effet. L'« effet Fabius », sur lequel tablaient le gouvernement et sa majorité parlementaire pour accompagner une rentrée politique délicate, se mesurera ainsi davantage en termes de rivalités au sein de la gauche qu'en points dans les sondages, qui trahissent une baisse de popularité de L. Jospin.

Rallumant les querelles au sein du gouvernement où L. Fabius est montré du doigt par certains socialistes pour avoir encouragé la révolte des routiers en ouvrant la boîte de Pandore des baisses d'impôts, le conflit des carburants prend l'allure d'une mise en garde contre la panne qui guette le moteur de la majorité plurielle. Jacques Chirac assènera le coup de grâce quand L. Fabius présentera son budget le 20 septembre. Reprochant au gouvernement son manque d'ambition dans la réduction de la pression fiscale, le chef de l'État se posera en défenseur d'une redistribution plus équitable de la manne budgétaire et du pouvoir d'achat des Français, que la croissance permettrait de soutenir davantage. À l'approche des débats sur le budget 2001 à l'Assemblée, le 17 octobre, l'Élysée compliquait ainsi la tâche de Matignon en se faisant l'écho des préoccupations d'une partie de la gauche.

Georges Chevron

Octane et budget

Le budget présenté en Conseil des ministres par L. Fabius intègre le conflit des carburants, à l'origine de réajustements dans la réforme fiscale annoncée trois semaines avant. L'État ne devant pas s'enrichir sur la hausse des carburants, le nouveau dispositif vise à effacer les surplus de recettes de la TVA par une baisse de la TIPP, ce qui doit entraîner une baisse de 20 centimes du litre, le gouvernement Rengageant par ailleurs à relancer la concertation internationale sur le prix du pétrole. Alors que le PC, qui salue la demi-victoire, appelle le gouvernement à faire mieux, les Verts, déçus par la fiscalité écologique même s'ils sont rassurés par la baisse limitée et réversible de la TIPP, voient dans le budget une « occasion manquée ». Quant à la droite, si elle reproche à L. Jospin de ne pas avoir su anticiper la crise liée à l'envolée des cours du brut, elle s'inquiète surtout de ce que l'État, au lieu de redistribuer plus, augmente les dépenses publiques, notamment en décidant l'embauche de 11 337 fonctionnaires en vertu d'un budget privilégiant l'éducation, l'environnement, la justice et la sécurité, priorités conformes « aux grandes missions de l'État » dira M. Jospin.