Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Face à l'effondrement du niveau vie, le Zimbabwe a connu ensuite les plus vastes mouvements sociaux depuis l'indépendance. La contestation s'est durcie après l'envoi, en août 1998, de 6 000, puis de 11 000 soldats au Congo-Kinshasa pour soutenir le président Kabila. Outrés par le coût de cette intervention militaire, évalué à 1 million de dollars par jour, les syndicats ont renforcé leur mouvement et ont été confortés quelques mois plus tard par un FMI accusant les autorités de Harare d'avoir menti sur leurs dépenses militaires.

Cette vague de protestation a aussi permis l'émergence du premier véritable parti d'opposition au ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique) au pouvoir, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Créé en septembre 1999, et dirigé par le secrétaire général de la puissante Confédération des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) Morgan Tsvangirai, le nouveau parti a remporté un premier succès en obtenant la victoire du « non » lors d'un référendum constitutionnel organisé en février 2000. Une défaite cinglante pour Robert Mugabe qui, jusque-là, n'avait jamais été désavoué par les électeurs.

Poussée de l'opposition

Forte de ce résultat, l'opposition envisageait de remporter les élections législatives qui devaient suivre. Mais, résolue à l'en empêcher, la ZANU-PF a entamé une vaste campagne de répression et d'intimidation. Premiers visés : les militants du MDC, dont plusieurs ont trouvé la mort dans les semaines précédant le scrutin, mais aussi les fermiers blancs devenus une cible facile pour un pouvoir impopulaire, d'autant que certains avaient rallié l'opposition. Entre mars et juin 2000 plus d'un millier d'exploitations, sur environ 4 000, ont été occupées par des « anciens combattants », largement manipulés par le pouvoir, au prix de plusieurs morts. À mesure que l'élection, prévue en mai puis repoussée aux 24 et 25 juin, approchait, les violences contre les membres de l'opposition se sont multipliées. Au point que la plupart des observateurs internationaux dépêchés sur place estimaient que le vote ne pourrait en aucun cas être libre et honnête.

Finalement, les opérations se sont déroulées sans incidents notables. Et pour la première fois, l'opposition, qui ne disposait auparavant que de trois sièges au Parlement, a fait une entrée fracassante, en remportant 57 des 120 sièges à pourvoir, un autre ayant été remporté par le petit parti ZANU-Ndonga. Score historique pour l'opposition, mais insuffisant pour provoquer l'alternance. Car outre les 62 obtenus par le parti dirigeant, 30 sièges supplémentaires non soumis à élection devaient être désignés par le pouvoir. Ce qui a offert à la ZANU-PF une confortable majorité, bien qu'inférieure aux deux tiers nécessaires pour réformer la Constitution.

Malgré cette victoire, Robert Mugabe, contesté y compris au sein de son mouvement, est sorti affaibli de ces longs mois de tension. Dans les semaines qui ont suivi, il a d'ailleurs annoncé qu'il ne se représenterait pas à la présidentielle de 2002.

Christophe Champin

Robert Mugabe : nationaliste et autocrate

Né en 1924 à Kutama, dans le nord du pays, cet ancien enseignant a fréquenté l'université de Fort Hare, en Afrique du Sud, comme d'autres nationalistes de la région. Mais c'est au Ghana qu'il s'est imprégné des idées panafricanistes et marxistes. Rentré au début des années 1960, il milite au sein du National Democratic Party (NDP), puis de la ZAPU (Zimbabwe African People's Union), dirigée par Joshua Nkomo, qui lutte contre la domination blanche. Mais des divergences l'incitent, avec d'autres, à fonder son propre mouvement la ZANU (Zimbabwe African National Union). En 1964, il est arrêté et passera dix ans dans les geôles de Ian Smith, Premier ministre d'un régime raciste et initiateur en 1965 d'une déclaration unilatérale d'indépendance des colons rhodésiens vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Libéré en 1974, Mugabe rejoint la lutte armée, entamée deux ans plus tôt. La signature des accords de Lancaster House, fin 1979, met un terme à la guerre et permet la tenue d'élections libres facilement remportées par le parti de Mugabe, qui est nommé Premier ministre en 1980. Devenu président en 1987, après une réforme constitutionnelle, il tentera en vain d'imposer formellement un système de parti unique quelques années plus tard, alors que l'Afrique s'ouvre à la démocratie.