Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Se parant des habits de l'Indien qui a réussi grâce à l'étude et à l'effort, épaulé durant la campagne par sa femme, une gringa, blanche et étrangère (un autre symbole de réussite, dans un pays pénétré par les préjugés raciaux), et modulant son vocabulaire et son comportement selon le public et les circonstances, le candidat du « Pérou possible », son parti, est parvenu à déjouer, en dépit des coups bas portés par la presse gouvernementale, le plan de réélection tranquille esquissé par le président Fujimori. Et pourtant, le programme électoral de M. Toledo n'était pas bien différent de celui du président lui-même. D'ailleurs, il a été accusé de faire du « fujimorisme sans Fujimori », un projet pour lequel il ne disposait pas cependant des moyens nécessaires.

Quoiqu'il en soit, el cholo est désormais au centre de l'opposition au régime. Au lendemain des élections, son capital de popularité ne semble pas avoir été entamé par une défaite somme toute honorable, après son désistement du second tour. Il a prédit que le président Fujimori ne pourra pas se maintenir au gouvernement pendant plus d'un an et qu'alors il assumera la présidence. Il a également annoncé le début d'une « résistance pacifique » et des manifestations citoyennes, jusqu'au débordement populaire.

Si les hommes du régime semblent minimiser ces avertissements et si le président lui-même dit qu'il en a déjà connu d'autres, on peut néanmoins affirmer que la partie s'annonce difficile. Surtout parce que la contestation populaire, à nouveau visible durant les élections, et les forces armées, qui sont également intervenues dans le processus, sont deux acteurs qui peuvent revenir sur le devant de la scène. Les États-Unis, de leur côté, en dépit de quelques mises en garde et malgré plusieurs condamnations parlementaires, semblent faire toujours confiance à un président qui paye ponctuellement le service annuel de sa dette externe et qui est encore un exemple de stabilité, quoique musclée, dans une région de plus en plus mouvementée.

Pablo Luna

Lorsque la « grande muette » se met à parler

Alors que le processus électoral s'est déroulé sous son contrôle, l'armée péruvienne est sortie de sa réserve à la veille du second tour pour appeler les citoyens à voter, et à soutenir dans les faits le président Fujimori, contre tous ceux qui ont voulu « empêcher l'expression démocratique du peuple ». Cette intervention a surpris les observateurs qui ont cru y voir la riposte à l'appel lancé par le candidat Toledo pour que les forces armées n'avalisent pas des élections frauduleuses. Mais il s'agit peut-être aussi d'un message à usage interne, au sein d'une institution où la loyauté au régime repose sur une légion d'officiers vieillissants que le président cherche à tout prix à maintenir en activité contre l'avis des promotions d'officiers plus jeunes. Le 20 mars, quelques semaines avant le premier tour des élections, une lettre clandestine, signée par huit colonels, cachés sous des pseudonymes et se déclarant « institutionnels », a fait part du malaise grandissant au sein des forces armées et policières.