Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Pékin célèbre 50 années de communisme

Le 1er octobre, Pékin célébrait le 50e anniversaire de la fondation de la Chine populaire. Entre glorification d'un PC insensible aux bouleversements du monde communiste et exaltation nationaliste de 5 000 ans d'histoire, le régime de Pékin s'est livré à une démonstration de force visant à masquer les multiples défis qui ébranlent le mythe de sa pérennité. Plus encore que les menaces à l'encontre de Taïwan, la violente répression contre la secte Fa Lun Gong en témoigne.

C'est dans une débauche d'armements sophistiqués et de feux d'artifice que Pékin a célébré, le 1er octobre, le 50e anniversaire de la fondation de la Chine communiste. Grand maître des cérémonies, le président Jiang Zemin, revêtu du costume immortalisé par le « grand timonier » Mao, a passé en revue les troupes puissamment armées, suivies du défilé, moins martial, de chars sur lesquels des figurants illustraient les différents aspects de la modernisation économique du pays, tandis que les avions de combat laissaient la place aux fusées multicolores dans le ciel pékinois.

Dix ans après avoir été le théâtre de la sanglante répression du printemps de Pékin, la place Tian'anmen reste ce centre incontesté du pouvoir chinois qui prétend réconcilier l'armée populaire avec une société engagée résolument sur la voie de la modernité et soudée par l'attachement indéfectible au socialisme et à la patrie. Alors que l'on s'apprête à célébrer ailleurs le 10e anniversaire de la chute du mur de Berlin, le régime chinois brandit sans en rougir l'étendard d'un socialisme victorieux, indifférent aux péripéties européennes d'un mouvement communiste dont on aurait prononcé trop hâtivement l'acte de décès et auxquelles il oppose la foi inébranlable de plus d'un milliard de Chinois dans la révolution de Mao.

Mais si le communisme chinois, en noyant le mouvement de protestation dans le sang en juin 1989 et en muselant depuis l'opposition, a évité au régime le sort de l'URSS et de ses pays satellites, il est mis à rude épreuve par une dissidence larvée qui le contraint à faire certains compromis, sans toutefois laisser espérer de progrès dans la sphère des droits de l'homme, principal objet de litige avec une communauté internationale généralement complaisante. En témoignent le défi lancé par la secte Fa Lun Gong et la riposte violente du pouvoir qui interdisait ce mouvement d'inspiration bouddhiste et taoïste en juillet, au terme de plusieurs rassemblements pacifiques aux abords du palais du Peuple sur la place Tian'anmen. Investissant le vide créé par les vicissitudes d'une dissidence traquée et persécutée, Fa Lun Gong est apparu comme une véritable menace pour le pouvoir, pris de court par l'ampleur d'un phénomène qui ne se réduit pas à sa dimension religieuse, mise en avant par une propagande prompte à dénoncer la main occulte de son gourou Li Hongzi qui, depuis les États-Unis, ferait fortune aux dépens de la crédulité de fidèles superstitieux.

Le poids de la société civile

Au-delà des menaces qu'il fait peser sur l'athéisme, le mouvement, qui a été frappé du qualificatif infamant et justiciable de « secte », trahit l'émergence d'une société civile en dehors du Parti communiste tout-puissant, d'autant plus inquiétante que Fa Lun Gong, qui revendique quelque 70 millions de fidèles contre 60 millions au PC, recrute parmi les paysans et les classes moyennes, respectivement pilier du régime et vecteur de sa modernisation, et aurait même séduit certains militants, voire responsables, communistes. Les médias chinois se sont déchaînés contre la secte, des centaines de ses membres ont été arrêtés, mais cela n'empêchait pas Fa Lun Gong de défier le régime par de nouveaux rassemblements sur la place Tian'anmen quelques jours après les cérémonies du cinquantenaire.

Le durcissement de l'arsenal juridique ne suffira sans doute pas à extirper les germes de la contre-révolution semés par cette secte comme par les multiples associations de qi gong (gymnastique du souffle) qui ont proliféré dans les années 80 et 90 à la faveur de la redécouverte des traditions populaires, à l'initiative souvent du régime. Pour raviver la foi vacillante des Chinois dans un dogme communiste ébranlé par l'ouverture de Deng Xiaoping mais aussi par l'effondrement du bloc soviétique, le régime de Pékin a conjugué sur le mode du nationalisme et du retour à la tradition une libéralisation économique qu'il ne veut surtout pas étendre au champ politique, pour ne pas tomber dans l'écueil soviétique. Mais il a libéré du même coup des forces qui risquent de saper ses fondements mêmes.