Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Si l'on évalue à 30 000 le nombre d'islamistes encore incarcérés, les estimations restent très imprécises pour ce qui est du nombre des militants encore actifs concernés par la législation d'amnistie, les chiffres variant entre plusieurs centaines et plusieurs milliers. Ils sont assez nombreux en tout cas pour affirmer que le pardon n'a pas eu les effets escomptés : en octobre, Alger annonçait qu'un peu plus de 500 islamistes avaient demandé à bénéficier de la loi depuis la mi-juillet. Et les vocations de repentis se déclarent assez lentement pour que le président Bouteflika suggère l'éventualité de repousser le délai de grâce du 13 janvier, au-delà duquel il avait pourtant menacé les réfractaires d'une « punition impitoyable ». Mais quelle que soit la réponse des islamistes à l'offre d'amnistie, le président algérien devra tenir ses engagements de « changer les choses de fond en comble » s'il veut capitaliser les effets politiques du référendum et ne pas décevoir les espoirs qu'il a suscités dans une société algérienne qui se prend à croire en l'ouverture. S'il tarde trop à mettre en œuvre les réformes politiques promises tout au long de la campagne du référendum, il continuera à prêter le flanc aux critiques lancinantes de l'opposition, islamiste mais aussi laïque, qui l'accuse de s'être prêté à un simulacre de consultation démocratique à seule fin d'asseoir sa légitimité, comme lui en faisait le reproche Abdelkader Hachani, le numéro trois de l'ex-Front islamique du salut (FIS), qui, de même que les autres partis d'opposition, se contentera toutefois de prôner l'abstention. Mais encore faut-il que M. Bouteflika, qui faisait peu après son grand retour sur la scène internationale à l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU, soit en mesure de mener à bien ces réformes. Il pourra difficilement éviter l'épreuve de force avec une armée arc-boutée sur les privilèges que lui octroie un système dont elle constitue la charpente, avec ces castes militaro-financières qui monopolisent les revenus du pétrole et des autres ressources d'un pays en proie à une misère grandissante. Sans compter que dans le camp islamiste, nombreux sont encore ceux qui sont tentés de torpiller cette tentative de réconciliation en relançant la spirale de la violence et de la répression qui avait marqué un répit.

Alain Polak

Les partis algériens et l'ouverture de Bouteflika

La classe politique algérienne a été prise de court par l'ouverture amorcée par M. Bouteflika. En témoignent les réactions discordantes des partis face à la loi sur la « concorde civile ». Dans le camp du « oui », on retrouve les 4 partis de la majorité actuelle, dont les islamistes modérés du MSP de Mahfouz Nahnah, à côté du RCD, un parti kabyle, et du RND, tous deux radicalement laïques. Dans le camp de l'abstention, les « éradicateurs », frange d'irréductibles hostiles à tout dialogue avec les islamistes, côtoient une majorité de « réconciliateurs », comme les socialistes du FFS d'Aït Ahmed, les trotskistes du PT, les partisans islamiques du docteur Taleb Ibrahimi ou encore des anciens du FIS, favorables à une solution politique avec les islamistes. Ces derniers ne se reconnaissent pas dans un référendum qu'ils dénoncent comme une manœuvre politicienne.