Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Le 4 juillet, à l'issue d'une rencontre avec Nawaz Sharif à Washington – le Premier ministre indien avait refusé l'invitation –, Bill Clinton a annoncé que le Pakistan avait accepté d'« user de son influence » pour convaincre les combattants séparatistes de se retirer du territoire indien. Bill Clinton aurait promis, de son côté, d'intervenir « personnellement » en vue de résoudre la question du Cachemire. Le 12, devant le Parlement, Nawaz Sharif, qui avait obtenu le retrait des infiltrés, a rendu hommage aux combattants islamistes, déclarant : « Le but des moudjahidine était d'attirer l'attention du monde sur la question du Cachemire et ils ont réussi. » De son côté, New Delhi a profité de son avantage pour rappeler que « la poursuite du terrorisme à travers la frontière dans l'État du Jammu-et-Cachemire est une claire violation de la ligne de contrôle et doit être abandonnée par le Pakistan. » Le 18, l'armée indienne a repris position sur les hauteurs abandonnées par les infiltrés. Le chiffre officiel des victimes des deux camps, certainement sous-estimé, s'élève à environ un millier de morts.

La quatrième guerre indo-pakistanaise est terminée. La question du Cachemire reste entière. Les derniers affrontements n'auront rendu que plus difficile la recherche d'un compromis à son sujet. La victoire électorale de la coalition au pouvoir à New Delhi, en octobre, et le coup d'État militaire contre le Premier ministre pakistanais, à la même date, compteront parmi les conséquences les plus visibles du conflit.

Gérard Sanier

Le Cachemire

Depuis la partition de l'ancien empire britannique en 1947, le Cachemire, qui est contrôlé aux deux tiers par New Delhi et pour le tiers nord restant par Islamabad, a été à l'origine de deux des trois guerres que se sont livrées les deux pays, en 1947 et en 1965. Depuis 1990 s'est développée au Cachemire indien une guérilla séparatiste musulmane soutenue par le Pakistan, dont les opérations ont causé en dix ans quelque 25 000 morts. Au Pakistan, le Cachemire – majoritairement peuplé de musulmans – est le catalyseur d'un sentiment national qui n'a su se développer que sur une base religieuse. L'islam tolérant du fondateur du pays, Ali Jinnah, a rapidement évolué vers un islam militant et combattant qui a assis la légitimité des régimes autoritaires successifs. Par ailleurs, l'agitation entretenue autour de la question du Cachemire justifie le rôle et la puissance d'une armée pakistanaise qui a dirigé le pays pendant plus d'un quart de siècle. Du côté indien, le Cachemire ne joue aucun rôle dans la définition de l'identité nationale. Il n'est que la vitrine de la confrontation entre New Delhi et Islamabad au sujet des valeurs comme la laïcité ou la démocratie. Mais l'Inde n'a rien fait non plus pour que les Cachemiris musulmans se sentent vraiment indiens. C'est pourquoi ceux-ci revendiquent leur indépendance en acceptant l'aide d'Islamabad, sans toutefois souhaiter le rattachement au Pakistan. Ils savent que les musulmans indiens réfugiés au Pakistan en 1947, les Mohajirs, y sont toujours victimes de discrimination.