Ce véritable raz-de-marée s'est déroulé dans un contexte de grande maturité politique, puisque la participation électorale a crû de 3,3 % en moyenne, et de 7,4 % plus particulièrement à l'Est.

La SPD l'emporte dans douze des quinze Länder, seules la Bavière, le Bade-Wurttemberg et la Saxe ont voté majoritairement pour les chrétiens-démocrates.

Au SPD, le Nord, l'Est et le Centre

Le parti de Gerhard Schröder a fait le grand chelem (tous les mandats directs) dans le Schleswig-Holstein, à Hambourg et à Brême, dans la Sarre, dans le Brandebourg, en Saxe-Anhalt. Il obtient la majorité absolue à Brème et dans la Sarre. En Basse-Saxe, dont Gerhard Schröder est le ministre-président, le SPD remporte 28 des 32 mandats directs, manquant la majorité absolue de 0,6 point. Dans l'autre poids lourd démographique de l'Allemagne, la région la plus industrielle du pays, la Rhénanie du Nord-Westphalie, le SPD remporte 52 circonscriptions sur 69 et gagne une dizaine de mandats directs. En ex-Allemagne de l'Est, les conquêtes sont nombreuses, en Thüringe (où la CDU ne conserve qu'une circonscription), à Berlin (tout rouge, sociaux-démocrates ou ex-communistes), seul l'extrême nord-est du pays (deux circonscriptions) reste aux mains des chrétiens-démocrates.

La CDU conserve l'Ouest et le Sud

Sans gagner un seul mandat, les chrétiens-démocrates conservent leurs forteresses de la Bavière, du Bade-Wurtemberg et la Saxe, tout en perdant plusieurs circonscriptions : quatre en Bavière dont deux à Munich, huit en Bade et sept en Saxe.

Le pari des Verts

Paradoxalement, le troisième parti, les Verts, la plus jeune des quatre grandes organisations, a subi un tassement en perdant deux sièges et 0,6 %. Pourtant, au début de l'année, les sondages plaçaient les écologistes bien au-delà des 7 %. Ce parti, dont la base électorale est principalement constituée de l'électorat féminin (plus particulièrement de femmes entre 35 et 44 ans ayant achevé avec succès leurs études secondaires) et des fonctionnaires n'a donc pas profité de l'effet Joschka Fischer, son chef charismatique. Expression politique des luttes sur l'environnement menées depuis les années 70 contre la société nucléaire, mais aussi des milieux de contre-culture alternatifs, les Verts ont mis plusieurs années à choisir entre une stratégie de rupture, celle mise en avant par le courant fondamentaliste, et une stratégie d'alliance, de préférence avec la sociale-démocratie, dont l'aile réaliste est la représentante. Et l'on a vu que la stratégie de J. Fischer n'était pas, durant la campagne, soutenue par tous les Verts. Malgré cette déconvenue, les Verts profitent du fait qu'ils ont assuré la majorité au SPD pour se retrouver au gouvernement.

Serge Cosseron

Portrait politique du vainqueur

Élu chancelier à l'âge de 54 ans, Gerhard Schröder est issu d'une famille modeste. Il a commencé une carrière politique très jeune puisque, après avoir participé au mouvement étudiant qui a marqué les années 1966-1970, il a dirigé l'organisation de jeunesse sociale-démocrate. Il devient ministre-président de son Landnatal, la Basse-Saxe. Après avoir assisté, après l'époque Brandt-Schmidt, à la longue et douloureuse bataille pour la direction du parti qui avait épuisé nombre de candidats à la chancellerie, parmi lesquels, Johannes Rau, Rudolph Scharping et Oskar Lafontaine, il réussit à s'opposer aux « éléphants » du parti et à imposer son image pragmatique de responsable politique attaché aux compromis et à l'efficience sur le terrain. Économiste de formation, il prend en compte la transformation sociologique de l'électorat allemand et cherche à gagner au centre. Paradoxalement, c'est le Parlement le plus connoté à gauche qui lui assure la direction du pays. Mais, malgré la présence d'une gauche volontaire, à l'image de Lafontaine et de Fischer le Vert, le nouveau chancelier de la République fédérale ne doit pas oublier qu'il doit son élection en grande partie au 1,7 million d'électeurs chrétiens-démocrates de 1994 qui se sont porté sur son nom.