Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

BD

L'année 1996 s'ouvre sur une controverse. Fallait-il fêter le centenaire de la bande dessinée en prenant pour référence l'apparition des premières bulles dans The Yellow Kid, une série américaine imaginée par Richard Felton Outcault pour le New York Journal, ou bien devait-on considérer le Suisse Rodolphe Töppfer comme le véritable « inventeur » du genre. (Pour la petite histoire, 1996 marque également le cent cinquantenaire de la disparition de ce dernier.)

Plutôt que de se quereller sur des dates, il convient d'établir des filiations, de montrer que chaque événement artistique s'inscrit dans un ensemble. Écartée par certains, reconnue par beaucoup, la date anniversaire de 1996 n'en demeure pas moins un événement médiatique exceptionnel pour la promotion de la bande dessinée et de ses principaux acteurs. Plusieurs pays célèbrent avec faste l'événement. La France réunissait en octobre l'ensemble des professionnels pour une photographie souvenir à la Comédie-Française. L'année était également marquée par la disparition d'un grand de la BD : après avoir été honoré par le festival d'Angoulême, l'Américain Burne Hogarth, considéré comme le plus grand dessinateur de Tarzan, mourait à Paris, victime d'une crise cardiaque.

Au chapitre des périodiques, signalons la sortie en septembre de Strips, un nouvel hebdomadaire de bande dessinée imprimé sur un papier journal de bonne qualité et consacré, comme son nom l'indique, aux gags en trois ou quatre vignettes. Aux côtés d'illustres traductions (Krazy Kat, de George Herriman, Zippy, de Bill Griffith, Sam et Silo, de Jerry Dumas ou Andy Capp, de Reg Smythe), les lecteurs découvrent les signatures de Lewis Trondheim, Roland Topor, Placid, Jean-Michel Nicollet, Kamagurka, Charlie Schlingo, Kelek et Romain Slocombe.

Les éditions Bayard-Presse créent la surprise avec la toute nouvelle formule d'Astrapi. L'amateur de bande dessinée y trouve son compte avec, notamment, Fred le Facteur, de Martin et Yves Got, Touffu, de Berthommier, C'est la vie Lulu, une BD en deux pages scénarisée par Delphine Saulière et illustrée par Bernadette Després ou Yvan et Wanda de Marc Wasterlain. Rappelons que le bimensuel Astrapi s'adresse à près de 500 000 lecteurs... les mangas n'ont qu'à bien se tenir !

À propos des traductions orientales, précisons que, parallèlement aux mangas japonais, le marché français s'ouvre à d'autres produits en provenance de Corée, d'Indonésie et de Taïwan.

Le retour de Blake et Mortimer dans l'Affaire Francis Blake, programmé depuis déjà quelques années, constitue l'un des événements de la rentrée 96. Plutôt que de céder aux mirages du profit rapide, Dargaud s'est efforcé de renouer avec l'esprit de toute une époque. Si le scénario de Jean Van Hamme témoigne d'un très grand professionnalisme, la grande réussite de cet ouvrage résulte dans son traitement graphique, signé Ted Benoît. Sa volonté de vérisme transparaît dans chacune de ses vignettes et contribue évidemment à la qualité de l'ouvrage... sa lenteur même, son perfectionnisme rapprochant un peu plus Benoît de Jacobs !

Lancement réussi donc pour ce néoclassique appuyé par une forte campagne médiatique. Après une semaine de mise en vente, Dargaud informait que le tirage initial de 480 000 exemplaires ne suffisait pas et qu'il en rééditait 100 000 exemplaires supplémentaires.

Reste que le succès de cet ouvrage génère quelques jalousies, et la Fondation Jacobs – censée représenter les intérêts du malheureux créateur de Blake et Mortimer, qui n'en demandait pas tant – assigne en justice Dargaud sous le prétexte que le nom de Jacobs aurait été mentionné en trop gros caractères sur la couverture ! Fin 1996, l'Affaire Francis Blake était en théorie indisponible dans les librairies de Belgique.

Parallèlement à la sortie de la Galère d'Obélix, le dernier album en date d'Astérix, tiré à 2 800 000 exemplaires aux éditions Albert-René, le musée national des Arts et Traditions populaires organise une grande exposition consacrée au petit Gaulois et destinée en premier lieu aux enfants.

Patrick Gaumer
auteur des Années Pilote, Dargaud, 1996