Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

Archéologie

Juanita

C'est en juin 1996 qu'a été décrite la découverte exceptionnelle faite dans le sud du Pérou en septembre précédent : un numéro du National Geographic Magazine a présenté cette momie inca merveilleusement conservée, trouvée dans les glaces du Nevado Ampato, à 6 300 m d'altitude. Des cendres venues d'un volcan voisin s'étaient déposées sur la glace, qui avait fondu. La sépulture construite au sommet s'était effondrée, la momie avait roulé plus bas... où l'équipe conduite par l'anthropologue Johan Reinhard, du muséum de Chicago, la retrouva.

Avec elle se trouvaient divers objets : des poteries, une figurine féminine, deux sacs d'étoffe contenant grains et balles de maïs... Les bandelettes avaient commencé à se défaire dans la chute, et le visage apparaissait, desséché par le soleil. Le reste du corps était demeuré gelé, malheureusement frappé par la foudre. En haut, on voyait quelques-unes des pierres de la sépulture. La momie était celle d'une enfant de dix à quinze ans. Aussitôt baptisée Juanita, elle fut descendue aussi vite que possible, et non sans peine, vers Arequipa. Là, on la remit bien vite au froid au département d'archéologie de l'université catholique, dont le doyen, José Antonio Chavez, dirige avec Johan Reinhard le projet « Sanctuaires de haute altitude des Andes méridionales ». Il apparut que les tissus des vêtements de Juanita étaient de la meilleure qualité inca, de même que les poteries. Manifestement, le dépôt de cette momie en ce lieu avait eu la plus grande importance il y a cinq cents ans...

Car ils ont fait cela, les Incas... et pas seulement sur ce sommet. Des momies ont été trouvées en altitude jusque sur les pentes de l'Aconcagua et du Toro, loin dans le sud. Il est vrai que jusqu'alors c'était toujours des momies d'hommes... et qu'on a souvent baptisé momies des restes simplement congelés. Reinhard lui-même, qui a fait plus de cent ascensions dans les Andes, a découvert des restes humains au Pichu Pichu, dans le sud du Pérou – ceux d'une jeune femme d'environ dix-huit ans ensevelie dans une structure cérémonielle. Elle avait été tuée d'un coup sur la tête. Le garçon de l'Aconcagua, lui, avait été étranglé. Il existe des témoignages historiques sur ces sacrifices humains à la montagne. Le même archéologue a découvert au Copiapo une structure dans laquelle avaient été enfouis des objets, sans doute en offrande : cela allait de statuettes précieuses à de simples morceaux de bois ou à des noix. Les restes de la sépulture de Juanita, au sommet du Nevado Ampato, ne sont d'ailleurs pas les plus élevés qu'il ait repérés puisqu'il a fouillé près du sommet du Llullaillaco, à la frontière de l'Argentine et du Chili, une structure cérémonielle à 6 700 m d'altitude – sans doute le site archéologique le plus élevé du monde.

L'Ampato ne recelait pas seulement une momie et sa sépulture. À 6 200 m, un avant-sommet livra de la poterie et des tissus incas, des fragments de corde, des restes de piquets de bois... et des sandales. Des Incas avaient peut-être planté leur tente ici, dans leur long cheminement vers le sommet. On retrouva aussi des crottes de lama. Curieusement, l'endroit était couvert d'herbe. Plus bas, sur un plateau à 5 800 m, une autre station apparut avec des restes de piquets et une grande plateforme de pierre. Des piquets semblent avoir balisé une piste allant du plateau au sommet. Enfin, il apparut que les Incas avaient établi une sorte de camp de base à 4 960 m... On croirait voir tout l'itinéraire d'une véritable expédition andine vieille de cinq cents ans. Nos himalayistes n'ont peut-être rien inventé ! Mieux encore : lors d'une nouvelle mission organisée immédiatement et qui revint sur les lieux un mois plus tard, Chavez et Reinhard découvrirent, sur ce même plateau, les sépultures de deux enfants. D'après les objets enterrés avec eux, l'un des deux enfants pouvait être un garçon (mais il en restait peu de chose), l'autre, une fille ; et cette petite fille d'environ huit ans avait été enterrée avec une somptueuse coiffure de plumes. Selon un chroniqueur espagnol du xvie siècle, des couples d'enfants pouvaient être effectivement sacrifiés. Sacrifiés aux montagnes, bien sûr, divinités qui dispensaient de façon très concrète l'abondance comme le malheur.

Premiers Australiens

Il se passe toujours quelque chose du côté des origines... Une annonce venue d'Australie a fait grand bruit : le site de Jinmium, dans l'ouest du Territoire-du-Nord, contiendrait des roches gravées il y a 60 000 ans au moins, ainsi que des pierres taillées de peut-être 176 000 ans. L'histoire des origines de l'art et celle du peuplement de l'Australie pourraient s'en trouver assez changées.