Ces rencontres restent cependant isolées parmi un ensemble d'expositions largement consacrées à la peinture. À noter la rétrospective « Whistler, 1834-1903 » au musée d'Orsay, regroupant, en 66 peintures et plus d'une centaines d'œuvres graphiques, un ensemble imposant de portraits – notamment celui très victorien de sa mère – et paysages dont les quasi abstraites Nocturnes. À retenir aussi l'exposition de Zoran Music au Grand Palais (112 peintures et 150 œuvres sur papier retraçant le parcours d'une vie consacrée à penser la peinture et le portrait après l'expérience traumatique de Dachau ou Auschwitz). Nous clôturerons ce parcours avec trois peintres du corps désarticulé. Le premier est Arnold Schönberg, qui révolutionna la musique à Vienne, et dont le musée d'Art moderne de la Ville de Paris présente des portraits et autoportraits réalisés entre 1909 et 1911, où le peintre musicien associe le désarroi expressionniste à la dissolution du sujet dans l'abstraction d'une peinture pure, colorée et musicale. Les deux autres, plus contemporains, sont anglais. Il s'agit de deux amis proches, Lucian Freud et Francis Bacon, dont la Fondation Maeght de Saint-Paul-de-Vence confronte les œuvres durant l'été. On y retrouve les figures contorsionnées de Bacon – mort récemment – qui dialoguent avec les corps plus empâtés de Freud – petit-fils de Sigmund –, qui traque dans la matière de la peinture les aspérités d'une chair presque monstrueuse. Ces deux artistes et leur problématique corporelle se retrouvent au cœur de l'exposition polémique proposée par Jean Clair pour le centenaire de la Biennale de Venise (« Identité et Altérité »), où le commissaire français, connu pour ses engagements en faveur de la figuration, tente une relecture iconoclaste du xxe siècle en consacrant la valeur emblématique du portrait aux dépens des courants dérivés de l'abstraction dans lesquels il dénonce depuis quelques années le nouvel académisme. L'exposition « Féminin-masculin, le sexe de l'art », présentée au Centre Pompidou, n'est, malgré elle, pas étrangère à ce questionnement qui anime abondamment cette fin de siècle et ses velléités posthistoriques.

Pascal Rousseau