Rock

British sound

L'espoir s'est levé en Angleterre. Grâce à la confirmation d'Oasis, dont le premier album, paru en 1994, laissait percer de vraies promesses. Promesses tenues avec la parution de (What's The Story) Morning Glory ? (Création. Distr. Sony). Le groupe de Manchester injecte une dose bienvenue de morgue dans une pop anglaise qui, au fil des années, s'était diluée en sous-produits lénifiants. Un déluge de guitares, une voix crâneuse et, surtout, une apparente facilité du guitariste Noel Gallagher à écrire des morceaux immédiatement mémorisables. Cette capacité, combinée à leur attitude provocatrice, évoque immanquablement les Kinks, même si les textes des chansons ne possèdent pas la puissance narquoise de leurs aînés.

À Oasis, les Anglais se sont plu à opposer Blur, dans un remake Stones contre Beatles. Les « gentils » Blur possèdent, eux, un vrai talent pour trousser des chansons caustiques sur ce pays englué dans la crise et la nostalgie. L'album The Great Escape (EMI) offre une galerie de portraits pour le moins réussis, snobs insipides, couples banlieusards échangistes, prolos violents et alcooliques. La subtilité de Blur réside dans ces textes qui possèdent peu de chances de franchir la Manche. Leur musique, gentiment pop, ne manque pas de qualités, malgré un chanteur au registre parfois limité.

Voilà longtemps que le rock n'avait pas produit de groupes aussi excitants (derrière ces deux formations sont également apparus Elastica, Supergrass, Pulp, Echobelly ou Menswear) pour faire la nique à quelques dinosaures, dont l'actualité s'est, une fois encore, repue.

Toujours et encore

Car l'événement grand publie (160 000 personnes en deux jours à l'hippodrome de Longchamp) fut, bien sûr, le passage des Rolling Stones. Dans un décor futuriste de jungle urbaine, le groupe mythique a déroulé un show impeccable, composé de tubes inoxydables et de rappels nostalgiques. Seul bémol, un formidable orage qui doucha la deuxième soirée. Mais les Stones ont également profité de leur passage parisien pour donner à l'Olympia un concert destiné à l'enregistrement d'un album public (Stripped, paru en novembre). Là, presque en famille, ils ont ressorti de leurs cartons de très vieux titres des années 70, dans des versions renversantes de hargne.

De retour également, Jimmy Page et Robert Plant, les deux piliers de Led Zeppelin, qui se sont offert un lifting pour le moins surprenant entre acoustique et musique arabisante. Les anciens tubes, revus et corrigés, ne manquent pas d'allure, mais après ? Reste un album (No Quarter), où il faut piocher. Quant à David Bowie, il a lui aussi effectué sa rentrée, mais avec un album glacial, lettré et légèrement prétentieux (Outside), qui réjouira les amateurs d'art moderne.

En novembre, la sortie d'un premier CD (d'une série de trois) des Beatles laisse perplexe. Il contient, outre des « raretés » (disponibles ailleurs) un inédit de John Lennon – « Free As a Bird » – remixé près de 20 ans plus tard avec les voix et les instruments des trois survivants. L'opération sent un peu trop l'argent et la nostalgie fabriquée.

Album country de l'année : A Moment Of Forever (Justice Records) de Kris Kristofferson. Musique dépouillée, voix chaude et rocailleuse, textes travaillés, arrangements aériens. Rien à jeter.

Album blues de l'année : Chill Out (Pointblank. Distr. Virgin) de John Lee Hooker. À plus de soixante-quinze ans, le patriarche poursuit sa deuxième carrière avec brio.

Les cinq albums rock de l'année : de Red Hot Chili Peppers One Hot Minute : un modèle de fusion metal blanc et funk noir. A Secret Life de Marianne Faithfull : voix de velours et musique sépulcrale. De Green Day Insomniac : entre punk et hard rock. De Chris Isaak Forever Blue : sanglots de nostalgie bleutée. Magique. De Therapy ? Infernal Love : tragédie noire, tension maximale.

Rap

Après avoir trusté les honneurs, le rap français a été mis en accusation au travers de Ministère Amer, groupe accusé d'incitation au meurtre de policiers. Les musiciens s'en défendent en disant exprimer l'état d'esprit des jeunes de banlieue.

Le réveil américain

Si la pop anglaise a connu un vrai regain d'intérêt, l'Amérique contre-attaque avec un rock plutôt dur, parfois qualifié de punk, dont les héros se nomment Green Day, Smashing Pumpkins ou Off Spring.

Michel Embareck