Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Informatique et télécommunications

L'année d'Internet

Resté quasi confidentiel jusqu'à ces dernières années, le réseau informatique Internet s'est révélé aux entreprises et au grand public. Les premiers « cybercafés » équipés d'une batterie d'ordinateurs accueillent les futurs « branchés » qui, tout en sirotant leur gobelet de coke, apprennent à naviguer (« surfer ») sur le réseau. Le foisonnement de revues spécialisées, les dossiers et rubriques publiés dans les quotidiens, l'arrivée des premiers films hollywoodiens (Traque sur Internet, Johnny Mnemonic) témoignent de cet engouement médiatique.

Qu'est-ce que la nébuleuse Internet, qu'est-ce que le « Net » (« filet ») ou « Web » (« cobweb » : « toile d'araignée »), porte qui semble tissée d'embûches pour donner accès au « cybermonde » ? Plus qu'un simple réseau, c'est un ensemble de réseaux informatiques privés et publics, tous interconnectés ; actuellement, près de 50 000 réseaux, dont la moitié aux États-Unis. Un projet né au début des années 70 à l'initiative du Pentagone, qui souhaitait alors constituer une structure décentralisée de télécommunications capable de survivre à une attaque nucléaire visant les centres stratégiques américains. Sous le nom d'« Arpanet », le projet s'est concrétisé grâce au protocole de communication par « paquets » (TCP/IP : Transport Control Protocol/Internet-works Protocol) qui a fait dialoguer entre eux des réseaux locaux d'ordinateurs hétérogènes. À partir de 1988, Internet – alors administré par la National Science Foundation – est « découvert » par les chercheurs et les universitaires, qui l'étendent de manière informelle pour échanger des idées, des thèses, des données... En toute liberté, puisque l'accès n'est pas contrôlé. Internet fonctionne comme une sorte de coopérative à but non lucratif, sans propriétaire, gérée par des bénévoles avec les modestes redevances versées par les membres pour la connexion des ordinateurs-hôtes aux nœuds principaux (les « hubs ») du réseau. En 1989, le World Wide Web (le « Web »), un outil hypermédia, est créé par le CERN à Genève pour faciliter l'échange des connaissances entre chercheurs, accéder à toutes sortes d'informations, confronter des points de vue... Il devient la partie commerciale d'Internet qui prend son essor et voit doubler chaque année le nombre de ses abonnés.

Il faut attendre 1994 pour qu'Internet décolle auprès du grand public et des entreprises, avec le développement de nouveaux programmes de consultation de données, textes et images, diffusés par des serveurs. Ces logiciels sont développés par des entreprises qui tentent de revivre l'aventure technologique d'Apple ou de Microsoft sur un marché annonciateur d'énormes profits. C'est le cas de Netscape, créée par Marc Andreesen, un étudiant génial de 24 ans de l'université de l'Illinois qui met au point Navigator, un logiciel de consultation des données sur le réseau déjà adopté par 70 % des utilisateurs d'Internet. Autre exemple, Sun Microsystèmes et son logiciel Java pour récupérer des données sur le réseau. Deux logiciels devenus des normes de fait et appelés à être implantés sur les ordinateurs multimédias.

On estime qu'Internet relie actuellement 5 millions d'ordinateurs connectés en permanence, mais de nombreux portables y accèdent par intermittence. Soit quelque 30 millions d'utilisateurs, essentiellement aux États-Unis et au Canada avec 24 millions, 1 million en Grande-Bretagne, 600 000 en Allemagne et 200 000 en France. Des sociétés spécialisées donnent accès au réseau par souscription d'abonnements peu coûteux. France Telecom devrait annoncer une connexion pour l'année 1996 via Transpac.

Pour communiquer sur le réseau, l'utilisateur – le « branché » – dispose d'une boîte aux lettres, ou « e-mail », avec une adresse personnelle codée (qui commence à orner les cartes de visite à côté du numéro de fax). Ce courrier électronique reste le principal usage d'Internet, mais la consultation de serveurs spécialisés se développe rapidement dans tous les domaines. De leur côté, les fabricants de micro-ordinateurs intègrent à leur système d'exploitation un logiciel d'accès direct au réseau, ce qui explique aussi l'effervescence autour de Windows 95 de Microsoft.