Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Océanographie

Deux thèmes restent plus que jamais les grands fédérateurs de la recherche océanographique : d'une part, les systèmes hydrothermaux (géochimie, géologie, microbiologie) auxquels ont été consacrées de nombreuses campagnes allemandes (Sonne, Meteor), américaines et françaises (plongées des submersibles Alvin et Nautile, dorsale nord-atlantique et prisme d'accrétion antillais) ; et, d'autre part, les appareils volcaniques, dont quelques exemples parmi les plus démonstratifs ont été étudiés en plusieurs mers de l'hémisphère austral. Il apparaît à présent que la morphologie et la vie des grands fonds associées à ces phénomènes sont beaucoup plus diversifiées qu'on ne le soupçonnait jusqu'alors.

Par ailleurs, le détachement à la fin de l'été austral de deux icebergs géants dans les mers de Bellingshausen et de Weddell, de part et d'autre de la péninsule antarctique, ont ravivé les craintes relatives au recul des glaciers de la moitié occidentale de l'Antarctique et à l'élévation consécutive du niveau de l'océan. Enfin, la France s'est dotée de deux nouveaux navires océanographiques : la Thalassa, en cours d'équipement, et le Marion-Dufresne II, lancé en 1994, qui a accompli sa première campagne en octobre.

ODP 1995. Les forages profonds réalisés cette année dans les mers bordières de l'Atlantique nord avaient pour objectifs principaux d'étudier différents mécanismes : ceux du dépôt des sapropels, ces vases organiques participant à la formation des hydrocarbures (« dorsale » méditerranéenne et mer d'Alboran), et des hydrates de gaz (dans les accumulations sédimentaires au large du sud-est des États-Unis) ; ceux des poussées glaciaires et interglaciaires (à l'entrée de l'océan Arctique) ; et enfin ceux de l'ouverture des océans sous la forme de grandes fractures (golfe de Guinée) ou d'épais empilements de coulées de lave (mer du Groenland).

L'océan Indien a le vent en poupe : il a été choisi comme objectif pour de nombreuses campagnes pluridisciplinaires conduites par la France (Marion-Dufresne II dans les mers australes ; l'Atalante, bassins occidentaux et orientaux, dorsale du Sud-Ouest), l'Allemagne (dorsale centrale) et les États-Unis (Knorr, dorsale atlantico-indienne). Des colloques, des campagnes et des programmes sont en cours d'élaboration dans les domaines de l'halieutique (science de la pêche), de la biologie et des géosciences marines pour l'étude d'un océan qui reste en partie mystérieux. Un thème revient à l'ordre du jour : l'effet de la topographie sous-marine sur les régimes et les transferts océaniques, notamment pour ce qui concerne les ondes tidales et internes, la circulation et l'oscillation des interfaces profondes, singulièrement sous la forme des remontées d'eau froide et des reminéralisations fertilisantes des eaux superficielles au-dessus des grandes chaînes de monts sous-marins. Divers « ateliers » et colloques ont abordé ce thème remarquablement pluridisciplinaire, notamment aux Hawaii.

Trois controverses se sont développées autour des relations de causalité éventuelle entre les périodes de haute séismicité et le déclenchement d'« événements Nino » graves, autour de la prévision (localisation, intensité) des séismes causés par la mobilité des fonds océaniques – la catastrophe de Kobe (Japon, janvier) ayant inspiré quelques doutes sur la solidité des connaissances, des programmes et des modèles prédictifs – et, enfin, autour de la nocivité supposée de l'immersion d'une plate-forme pétrolière désaffectée (la Brent Spar, en mer de Norvège). Greenpeace, qui avait mené campagne à ce sujet contre la compagnie Shell, a dû finalement convenir que cette immersion ne posait pas de problème majeur.

Des incertitudes pèsent sur l'avenir des coopérations océanologiques franco-australienne et franco-néo-zélandaise établies au début de la présente décennie (conséquence de la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique) ; sur la relance de la « guerre du turbot », que le Canada mène contre les flottilles de pêche de l'Union européenne ; enfin, sur la poursuite du projet de construction d'un navire européen de forage et d'intervention sous-marine (programme « Néréis »), jugé trop onéreux par certains pays.

Jean-René Vanney
Professeur à l'université de Paris-IV