Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Dans le cas japonais, la déréglementation a été également limitée par le fait que le géant nippon NTT a fort bien résisté, dès 1984, à l'entrée de trois nouveaux opérateurs privés. Ces derniers n'ont réussi à gagner que 10,1 % d'un marché de 5 milliards de yens et NTT, qui a gardé son monopole sur les télécommunications locales, revendique 70 % de parts de marché des communications à longues distances.

À la différence des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Japon, les pays continentaux de l'Union européenne se sont engagés dans le processus de libéralisation progressivement, et beaucoup plus tardivement. Ce retard provient du fait que la libéralisation implique un changement de statut (passage à l'entreprise privée) et, surtout, une grande capacité d'adaptation aux évolutions extérieures des deux principaux opérateurs publics, à savoir Deutsche Telekom et France Telecom.

Les bienfaits de la concurrence

Avec l'ouverture des marchés des télécommunications, les acteurs nationaux se trouvent confrontés à la loi du marché et ce, de plus en plus, dans les services rendus aux clients. En pratique, la concurrence a surtout remis en cause la hiérarchie des tarifs, jusque-là fondés sur la distance (comme dans les transports), ce qui ne correspond pas à la vérité des prix. Ainsi, les grands consommateurs de communications internationales, donc à longue distance, ont réclamé que d'autres opérateurs entrent dans le marché afin d'obtenir une réduction sur les tarifs. Même si l'international ne pèse aujourd'hui guère plus de 10 % du chiffre d'affaires des grands opérateurs, il s'agit cependant d'un des segments les plus profitables, avec une croissance très soutenue. En contrepartie, les communications locales ont connu une hausse relative des prix, assez bien acceptée d'ailleurs par le consommateur, dans la mesure où l'évolution technologique, avec son offre croissante de services, a, en quelque sorte, fait oublier la hausse des tarifs.

Cette évolution technologique – numérisation des centraux, nouveaux moyens de transmission utilisant l'informatisation, la compression des données et la miniaturisation des terminaux – a, en effet, ouvert la voie à une multitude de services nouveaux. En outre, au réseau téléphonique classique s'ajoutent maintenant les réseaux hertziens de télédiffusion, les installations de câblo-opérateurs, les infrastructures de téléphone cellulaire mobile (ou radio-messagerie) et dans un proche avenir, les réseaux mobiles, par satellite, à l'échelle mondiale. L'ensemble de ces réseaux peut dorénavant transmettre de la voix, mais aussi des images, animées ou non, etc. De telles innovations donnent toute satisfaction aux grandes entreprises en voie de mondialisation et facilitent la diversification des activités au moindre coût.

La course aux alliances mondiales

Les opérateurs, les plus grands surtout, sont de plus en plus contraints à nouer des alliances hors de leurs frontières pour compenser leurs pertes prévisibles de parts de marché. Comme il s'agit de satisfaire les grands clients mondiaux, ces alliances sont mondiales. Ainsi, les Américains essaient de prendre pied en Europe – ATT avec Unisource aux Pays-Bas, MCI avec BT, en Grande-Bretagne –, tandis que France Telecom et Deutsche Telekom associés à Sprint, tentent de pénétrer le marché américain. Par ailleurs, en Europe, beaucoup de barrières nationales ont sauté suite à la privatisation des opérateurs tchèques, grecs et italiens.

Les grandes manœuvres des télécommunications sont loin d'être achevées.

Gilbert Rullière