Cette politique d'intervention exclusivement humanitaire que François Mitterrand avait définie deux ans plus tôt et qui avait été adoptée par la communauté internationale a pourtant connu un net infléchissement, au début de l'année 1994, sous la pression du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé. Tirant profit de la vague d'indignation qui parcourt le monde après le bombardement du marché de Sarajevo, le ministre français obtient le feu vert des différentes instances de l'État et le concours de son homologue américain Warren Christopher pour inciter l'OTAN à lancer un ultimatum aux forces serbes, leur enjoignant, sous peine de frappes aériennes, de retirer leurs armes lourdes dans un rayon de 20 km, avant le 21 février. Les Serbes finissent par obtempérer, et la capitale bosniaque, échappant aux bombardements, va retrouver, après deux ans de guerre, un calme relatif. Cette fermeté occidentale sera cependant sans lendemain.

La France a été, au cours de cette année, la plus active sur le plan diplomatique, à l'origine de toutes les tentatives de règlement du conflit. En février, après l'ultimatum sur Sarajevo, c'est elle qui fait rentrer dans le jeu diplomatique la Russie et les États-Unis. Un « groupe de contact sur l'ex-Yougoslavie » est constitué (États-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Allemagne), dont l'objectif est de tenir un seul et même langage à tous les belligérants. Il met au point, sous l'impulsion française, un plan de paix qui prévoit notamment l'attribution de 51 % du territoire bosniaque à l'entité croato-musulmane et 49 % à l'entité serbe. Mais si Croates et Musulmans acceptent ce plan en juillet, les Serbes le rejettent et, en dépit des efforts faits par les grandes puissances, pour les priver de l'appui du président de Serbie, Slobodan Milosevic, ils persistent dans leur refus. Les perspectives d'un règlement n'étaient toujours pas discernables en fin d'année, alors que la France, comme les autres grands pays qui contribuent à la FORPRONU, estime qu'elle ne pourra plus maintenir très longtemps ses soldats en Bosnie.

Claire Tréan