Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Autre conflit encore, même s'il a moins de répercussions, celui opposant les Chorégies d'Orange et IMG International. Organisateur d'une vaste tournée du Théâtre Marie de Saint-Pétersbourg – ex-Kirov –, menant au cours de l'année la célèbre compagnie lyrique et chorégraphique dans plusieurs villes de France, et notamment de novembre à la fin décembre au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, IMG obtient de la mairie d'Orange des dates obligeant les Chorégies à modifier les leurs en dernière minute, d'où changements de distribution et absence de date de repli en cas de mauvais temps pour les derniers spectacles. En outre, la programmation d'IMG, fort brillante au demeurant, avec plusieurs opéras et ballets, se présente comme directement rivale de celle des Chorégies et risque de semer le trouble dans l'esprit des spectateurs, lesquels ne savent plus très bien qui organise quoi. Les Chorégies en péril ? Sans doute pas vraiment, mais on assiste là à un véritable affrontement entre deux options artistiques, celle du traditionnel festival à l'européenne, personnalisé, avec ses risques certains, et celle des vastes tournées, brillantes, mais présentant dans le monde entier les mêmes productions. Il reviendra sûrement à la mairie d'Orange, partie prenante dans les deux camps, de faire son choix.

Ouverture de la Cité de la musique de la Villette

Même si sa première saison de concerts ne débutera qu'en janvier 1995, c'est au cours de l'année 1994 que la Cité de la musique, à la porte de la Villette, aura définitivement vu le jour, aboutissement de presque quinze années de projets et de travaux. Conservatoire national supérieur de musique et de danse, salles de concerts, musée, c'est désormais un ensemble exceptionnel dont dispose la vie musicale, dans des bâtiments d'un modernisme esthétique et fonctionnel signés Christian de Portzamparc, Franck Hammoutène ayant été en charge de la réalisation intérieure du musée. Accueillant toutes les musiques, la Cité se veut aussi largement ouverte sur son environnement immédiat, la ville, et devrait être désormais un vaste lieu de brassage culturel.

Les joies du monde lyrique

En dépit des crises et des difficultés structurelles diverses, le monde lyrique aura connu de belles heures au cours de l'année. Paris, tout d'abord, renoue avec Wagner, grâce au Théâtre du Châtelet, qui produit avec Radio France une Tétralogie ardemment désirée. Mise en scène de Pierre Strosser, Jeffrey Tate à la tête de l'Orchestre national de France, grande distribution internationale, considérable succès public. Belles heures également malgré tout à l'Opéra-Bastille, ne serait-ce qu'avec la Madame Butterfly mise en scène par Robert Wilson, les Brigands d'Offenbach revus par Jérôme Deschamps ou encore Adrienne Lecouvreur, chantée par Mirella Freni dans une mise en scène de Jean-Luc Boutté. À noter aussi la hardiesse de Montpellier, qui nous fait redécouvrir Sigurd de Reyer. En concert, le Théâtre des Champs-Élysées renouvelle le succès des Noces de Figaro avec sir Georg Solti, cette fois pour Cosi fan tutte.

Créations

Entendu en version de concert au festival de Montpellier Radio-France en juillet 1992, le Château des Carpates de Philippe Hersant est créé en version scénique à l'Opéra de Montpellier dans une production d'André Wilms.

À Rouen, c'est le dernier opéra de Charles Chaynes, Jocaste, œuvre austère et violente que Marc Adam a mise en scène pour une création mondiale. Troisième opéra de Pascal Dusapin, To be sung, créé à Nanterre en novembre et prévu pour un vaste périple international, est inspiré par un texte de Gertrud Stein.

Résurrection à Lille

En demi-sommeil depuis le départ de Humbert Camerlo en 1986, l'Opéra de Lille tente un retour en force sous la houlette de Ricardo Szcer, ancien directeur du Teatro Colón de Buenos Aires, chargé de la programmation lilloise depuis 1992. Après un Bal masqué assez controversé, au printemps, c'est vers une affiche enrichie notamment de collaborations avec l'Atelier lyrique de Tourcoing que s'oriente désormais le nouveau directeur.

Gérard Mannoni