Journal de l'année Édition 1995 1995Éd. 1995

Après plus de huit ans en orbite, la station Mir donne des signes manifestes de vieillissement. Les incidents à bord se multiplient et, fin août, l'amarrage automatique d'un vaisseau cargo Progress-M échoue à deux reprises. Ce n'est qu'après une semaine de suspense, au terme d'une délicate télécommande manuelle, que la station peut être enfin ravitaillée. La station devrait néanmoins rester opérationnelle jusqu'à la fin de 1997 et d'ici là être rejointe à sept reprises par la navette américaine pour des vols en tandem (avec amarrage des deux vaisseaux l'un à l'autre), en prélude à l'assemblage en orbite de la station spatiale internationale. L'exploitation de Mir pâtira cependant du nouveau retard apporté au lancement des modules Spectre et Priroda, chargés d'instruments scientifiques qui doivent compléter son équipement.

Les sondes spatiales

Conçue dans le cadre de l'Initiative de défense stratégique (familièrement appelée « Guerre des étoiles »), la petite sonde américaine Clementine a été fabriquée en moins de deux ans sous l'égide du département de la Défense des États-Unis, avec la collaboration de la NASA. Bel exemple de technologie duale, elle a pour rôle de tester des dispositifs électroniques destinés à des satellites qui seront chargés de détecter et de suivre des missiles, mais sa mission, purement civile, consiste à effectuer une cartographie multispectrale de la Lune, puis d'un astéroïde. Parmi ses équipements figurent quatre petites caméras, fonctionnant dans des domaines spectraux différents ; un lidar, pour des mesures d'altimétrie ; un système de compression d'images français, qui permet d'accroître la quantité d'informations numériques stockées à bord et transmises à la Terre en ne conservant que les données utiles. Lancée le 25 janvier et satellisée le 19 février autour de la Lune, elle reste 71 jours en orbite lunaire, transmettant alors, au rythme de quelque 25 000 clichés par jour, une impressionnante collection de plus d'un million de photographies de la Lune, qui constituent un atlas complet du satellite de la Terre. Pour la première fois sont obtenues des images détaillées des régions polaires (avec une résolution de 40 m seulement), tandis que les données du lidar permettent de dresser la première carte altimétrique de la surface lunaire, avec une précision de 100 m. Après ces brillants résultats, Clementine quitte son orbite le 3 mai et revient frôler la Terre pour prendre l'élan qui doit lui permettre de passer le 31 août à proximité d'un petit astéroïde de 2 km sur 4, Geographos. Malheureusement, le 7 mai, une erreur de son ordinateur de bord déclenche des manœuvres incongrues. La sonde gaspille ses réserves de carburant et n'est plus en mesure d'achever sa mission. Autre vedette de l'année, la sonde européenne Ulysse : près de quatre ans après son lancement, après avoir parcouru 2 milliards de kilomètres et s'être approchée de Jupiter, elle survole le Soleil presque à la verticale de son pôle Sud, le 13 septembre, à une distance de 350 millions de kilomètres. Un exploit jamais réalisé auparavant et qui apporte son lot de surprises. En particulier, la structure du champ magnétique solaire semble différente de celle prévue par les modèles. L'intensité du champ n'augmente pas au voisinage du pôle, comme si le Soleil était dépourvu de pôle magnétique Sud. Les spécialistes attendent maintenant avec curiosité le survol du pôle Nord durant l'été 1995, qui autorisera d'intéressantes comparaisons entre les deux hémisphères.

Philippe de La Cotardière