Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Corée du Nord et du Sud

Corée du Nord

Le plus grand flou subsiste sur la situation intérieure en Corée du Nord, le pays le plus fermé du monde. Début mai, les satellites de renseignements américains ont décelé d'importants mouvements de troupes autour de la capitale. Des rumeurs ont couru concernant le transfert des pouvoirs de Kim Il-sung à son fils Kim Jong Il, 51 ans, réputé psychopathe, rumeurs entretenues par l'absence d'apparition ou de déclaration de « l'étoile polaire de l'humanité » ces derniers mois.

La poursuite du bras de fer entre le régime de Pyongyang et les Occidentaux sur la question nucléaire reste l'autre grand sujet de préoccupation. Début janvier, la Corée du Nord a refusé la visite d'inspecteurs de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) dont elle avait pourtant admis le principe en adhérant au TNP (traité de non-prolifération) en avril 1992. L'inspection visait deux sites du centre de Yongbyon (à environ 100 km au nord de Pyongyang) qui ne figuraient pas sur la liste des installations nucléaires officielles. Les services de renseignement américains estimaient que du matériel irradié était entreposé dans ces bâtiments et que leur analyse permettrait d'en savoir davantage sur la nature et le degré d'avancement d'un éventuel programme nucléaire clandestin. La CIA affirme en effet depuis 1991 que la Corée du Nord est sur le point de maîtriser l'arme atomique. L'administration américaine est plus prudente et soupçonne la Corée du Nord d'utiliser la menace nucléaire pour tenter de sortir de son isolement en obtenant des engagements des Occidentaux, afin de résoudre ses problèmes économiques tout en préservant son régime. L'AIEA a durci le ton face au refus de Pyongyang d'ouvrir ses installations et, le 12 mars, la Corée du Nord annonçait son retrait du TNP, arguant de la reprise de manœuvres militaires américaines et sud-coréennes au sud de la péninsule. Face à ce raidissement, et sur le conseil de la Chine, les Occidentaux ont décidé d'éviter la confrontation pour résoudre le différend. Des négociations discrètes entre Nord-Coréens et Américains ont eu lieu à Pékin et, le 11 juin, la Corée du Nord suspendait in extremis son retrait du TNP. Les négociations entre Pyongyang et Washington se sont concrétisées par la signature d'un accord, le 19 juillet, Pyongyang acceptant le principe d'une inspection et la reprise des discussions avec la Corée du Sud, les États-Unis s'engageant à une coopération sur le plan nucléaire civil et promettant de ne pas utiliser l'arme nucléaire contre la Corée du Nord. Mais, le 28 juillet, la décision américaine de maintenir au sud ses 37 000 soldats, dotés d'une puissance de feu supplémentaire, a enrayé de nouveau le processus.

Corée du Sud

De son côté, la Corée du Sud s'est engagée, sous la coupe de son nouveau président, Kim Young-sam, élu le 18 décembre 1992 et investi le 25 février 1993, dans une reprise en main économique et sociale. Ancien dissident réputé pour son pragmatisme, Kim Young-sam a été successivement candidat du parti libéral, puis des conservateurs. Le nouveau président sud-coréen est devenu, depuis son accession au pouvoir, le champion de l'austérité et de la lutte contre la corruption. Kim Young-sam s'est même attaqué à l'appareil militaire, dont 70 % des officiers ont été renouvelés. Le président cherche une nouvelle voie de développement pour son pays, un saut qualitatif semblant aujourd'hui nécessaire pour que ce « petit dragon » maintienne sa forte croissance économique. C'est dans cet esprit qu'un important accord de coopération en technologie industrielle a été signé avec la France lors de la visite à Séoul du président Mitterrand, le 15 septembre. Les Sud-Coréens plébiscitent leur nouveau chef d'État, premier civil élu depuis 30 ans. Parvenu au pouvoir avec 42 % des voix, Kim Youngsam caracole désormais dans les sondages avec 70 à 80 % de taux de popularité.

Caroline Puel