Asie du Sud-Est

Viêt Nam

En raison de la victoire communiste en 1975, mal digérée par les États-Unis, puis de l'occupation du Cambodge de 1979 à 1989, le Viêt Nam était resté jusque-là coupé des circuits financiers et commerciaux, Washington imposant un embargo contre le régime de Hanoi.

En février, le président Mitterrand, en visite officielle au Viêt Nam, devient le premier chef d'État occidental à se rendre dans ce pays. Dans son discours officiel, il lance un appel aux États-Unis pour « mettre fin à l'ostracisme qui pénalise le développement économique du Viêt Nam ». La France annonce aussi le doublement de l'aide bilatérale qui se porte désormais à 360 millions de francs par an. Le 27 juin, le Premier ministre Vo Van Kiet effectue la visite retour en ouvrant sa tournée européenne par un séjour à Paris. Plusieurs grands contrats ont été signés au printemps avec des entreprises françaises, notamment Total (exploitation pétrolière) et Cégélec (installation de lignes électriques).

Le 2 juillet, les États-Unis annoncent qu'ils mettent fin à l'opposition américaine concernant les transactions financières entre les organismes internationaux et le Viêt Nam. Dès le 16 juillet, le FMI (Fonds monétaire international) rétablit des relations « normales » avec le Viêt Nam, qui étaient interrompues depuis 1975. Un « groupe d'amis du Viêt Nam » entraîné par la France a permis d'épurer l'arriéré de 140 millions de dollars de dettes que le Viêt Nam conservait au FMI. Les premiers prêts sont attribués en septembre. La Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) ouvrent à leur tour des lignes de crédit.

Les réticences américaines

Le grand espoir des autorités de Hanoi d'assister en 1993 à la levée totale de l'embargo de Washington reste pourtant déçu. Le 14 septembre, le président Clinton se contente d'assouplir la réglementation, ce qui permet à plusieurs entreprises américaines de préparer leur entrée sur ce marché vierge de 70 millions d'habitants. Le puissant lobby des anciens combattants du Viêt Nam est en effet parvenu à faire différer le rétablissement de relations normales entre les deux pays. Les anciens combattants réclament la restitution des dépouilles des 2 200 MIA (Missing in Action : soldats disparus pendant la guerre du Viêt Nam) avant la reprise de tout lien entre Washington et Hanoi. Les autorités vietnamiennes ont mobilisé des forces qui ont déjà permis l'identification de quelques dizaines de cadavres, mais, près de 20 ans après les faits, ces recherches s'avèrent difficiles.

Succès économiques et problèmes sociaux

Stimulée par l'ouverture internationale, l'économie vietnamienne continue à prospérer. Le taux de croissance a atteint 8,3 % en 1992, les investissements étrangers dépassent 6 milliards de dollars à la fin juin, les exportations augmentent de 20 % par an. Le Viêt Nam est devenu le troisième exportateur mondial de riz, mais le niveau de vie reste encore peu élevé : de 220 à 350 dollars par an et par habitant. La politique sociale est un échec ; drogue, prostitution, analphabétisme et chômage frappent toutes les grandes cités. Le 14 juillet, les autorités de Hanoi ont pris des mesures visant à stimuler les 57 millions de paysans. Si l'Assemblée nationale ne rétablit pas encore le droit à la propriété, des baux de 20 ans pour les cultures annuelles et de 50 ans pour les cultures de longue durée sont attribués aux paysans. Ces droits sont cessibles et peuvent également être transmis par héritage. Les impôts sont allégés.

Blocage politique

Sur le plan politique, en revanche, l'évolution est longue à venir. Certes, les grands camps de rééducation ont été dégonflés à la fin des années 80, mais les arrestations arbitraires pour toute prise de position en faveur de l'ouverture politique continuent d'envoyer en prison des dizaines d'intellectuels, les peines variant de 12 à 20 ans de rétention. Cette année, la répression contre les bouddhistes s'est accentuée, les milieux religieux devenant le principal vecteur d'expression de la société civile. Les tensions entre l'Église officielle, créée en 1981, et l'Église bouddhiste unifiée, qui revendique environ 20 000 bonzes de toutes tendances, se sont accentuées depuis mai 1992, après la mort de l'ancien patriarche Thich Don Han. Ce dernier, qui avait combattu aux côtés des communistes pendant la guerre, conservait ses entrées à Hanoi. Son successeur, Thich Huyen Quang (76 ans), en revanche, a adopté une ligne beaucoup plus intransigeante, en réclamant, dès son arrivée, la libération de tous les prisonniers politiques et la restitution des biens de l'Église. Il est placé depuis lors en résidence surveillée. En juin, des manifestations de protestation éclatent à Hué. Les arrestations se sont poursuivies jusqu'au mois de septembre, une demi-douzaine de bonzes marquant leur opposition en s'immolant par le feu.

Birmanie

L'année écoulée n'aura vu aucune évolution sensible de la situation en Birmanie. En dépit des appels des anciens prix Nobel, réunis en Thaïlande en février, et du président américain Bill Clinton, la junte au pouvoir à Rangoon a reconduit pour une année supplémentaire, en juillet, l'assignation à résidence d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991, retenue depuis juillet 1989. La Ligue nationale pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi avait remporté très largement les élections de mai 1990, mais le Conseil pour la restauration de la loi et de l'ordre (Slorc), qui réunit les militaires au pouvoir, a confisqué la victoire.