Dans les territoires occupés, la plupart des Palestiniens soutiennent l'accord, à l'exception des partisans de Hamas qui promettent cependant de ne pas recourir à la violence contre d'autres Palestiniens. La dizaine d'organisations palestiniennes basées à Damas, notamment le FPLP de Georges Habache et le FDLP de Nayez Hawatmeh, dénoncent vigoureusement la « capitulation » d'Arafat et son « coup d'État » pour faire avaliser l'accord aux instances dirigeantes de l'OLP, dont démissionnent plusieurs figures historiques. L'opposition est vive au sein du propre mouvement d'Arafat, le Fatah. Le chef de la diplomatie palestinienne, Farouk Kaddoumi, compagnon de la première heure d'Arafat, ne cache pas son désaccord et refuse de prendre part au vote.

Les États arabes soutiennent la « déclaration de principes », mais cet appui dissimule mal, pour certains, la colère d'avoir été mis devant le fait accompli. Le roi Hussein, après sa mauvaise humeur initiale, tente de faire bonne figure et appuie en public le choix de l'OLP. En privé, cependant, il ne décolère pas, car la situation nouvelle réduit son influence. En Syrie, la presse offre ses colonnes aux mouvements palestiniens hostiles à Arafat. Le président Hafez el-Assad, pour sa part, ne cherche pas à dissimuler ses sentiments. Après avoir affirmé qu'il ne s'opposerait pas à cet accord, il en détaille les inconvénients dans plusieurs entretiens, et ne se prive pas de critiquer Yasser Arafat. Les Libanais expriment des critiques similaires.

Cependant, ni les Syriens ni les Libanais ne remettent en cause le processus de paix. Quant aux Jordaniens, ils se déclarent prêts à signer un « agenda » avec Israël aussitôt après la signature de la déclaration de principes israélo-palestinienne.

La consécration

Pour donner tout son sens à cette signature, le président Clinton invite Yasser Arafat et Yitzhak Rabin à y participer. Ainsi, le lundi 13 septembre 1993, tandis que Shimon Pères et Abou Mazen signent l'accord historique, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se serrent la main devant des centaines de millions de téléspectateurs. Le 23 septembre, la Knesset approuve de justesse le texte (61 pour, 50 contre et 8 abstentions). Quant à Yasser Arafat, il le fait approuver à l'arraché par les différentes instances de l'OLP. Les difficultés se multiplient rapidement (notamment avec les colons israéliens). L'évacuation des Territoires occupés, prévue pour le 13 décembre, est reportée. Cependant, les deux leaders réaffirment leur détermination à aboutir.

Mais, pour réaliser ce programme, il faut résoudre d'urgence les graves problèmes suscités par 45 ans de guerre : l'économie tout entière doit être reconstruite ; elle se trouve en fait au cœur de l'accord, et la communauté internationale l'a parfaitement compris. Ainsi, une conférence des pays donateurs réunie à Washington début octobre promet une aide de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans, qui sera allouée à l'autorité palestinienne. La Banque mondiale confirme à la mi-octobre la création d'un fonds d'aide doté de 85 millions de dollars, et la CEE propose d'apporter 500 millions d'écus d'ici 1999, indépendamment des sommes distribuées par ses États membres (la France a mis 20 millions de francs à la disposition des Palestiniens). La générosité des donateurs est d'autant plus importante que le « programme pour le développement de l'économie palestinienne de 1994 à 2000 » (texte publié par l'OLP) est d'essence libérale : les Palestiniens veulent construire « pragmatiquement une économie de marché ».

Liban : fermeté du nouveau gouvernement

Rafic Harrari, Premier ministre depuis le 22 octobre 1992, réintroduit la censure, n'hésitant pas à saisir des journaux (comme Al Safir) et à faire poursuivre des journalistes lorsque des informations ou des commentaires risquent de mettre en difficulté son gouvernement. Il s'attire ainsi les critiques de l'organisation américaine des droits de l'homme Middle East Watch. Il manifeste également sa fermeté face aux syndicats de fonctionnaires en refusant, malgré les grèves, de satisfaire leurs revendications salariales.

Liban

Le Hezbollah, la milice chi'ite d'obédience iranienne, qui est la seule à ne pas avoir été désarmée en raison de la présence dans le Sud de troupes israéliennes, redouble d'activisme à partir du printemps. Son intensification des opérations contre l'armée israélienne conduit, le 25 juillet, l'État hébreu à lancer une importante opération militaire contre les localités libanaises du Sud, et notamment les abords de Tyr et de Saïda. Officiellement baptisée « règlement de compte » (ou « justice rendue », selon les traductions), cette opération cherche, par de nombreux bombardements, à anéantir les bases du Hezbollah ; mais elle a pour principal effet de jeter sur les routes près d'un demi-million de Libanais qui se réfugient à Beyrouth. Après une semaine de bombardement, Israël et le Hezbollah proclament un cessez-le-feu. Mais à peine est-il entré en vigueur que le gouvernement de Rafic Harriri déploie l'armée libanaise dans le Sud afin de désarmer progressivement les miliciens.

Libye

En mai, devant les comités populaires de base, le colonel Kadhafi se prononce pour une stricte application de la chari'a, avec un retour aux peines corporelles pour les vols et adultères.

Jordanie

Le 17 août, à moins de trois mois des élections législatives, le gouvernement du roi Hussein modifie la loi électorale, remplaçant le scrutin de liste par un vote uninominal à un tour. Ce nouveau mode de scrutin vise clairement à faire prévaloir les allégeances tribales sur les appartenances politiques. Le roi craint que les premières élections multipartites depuis une quarantaine d'années ne se transforment en référendum pour ou contre le processus de paix, ce qui risquerait de mettre en difficulté le gouvernement face à l'opposition conjuguée des islamistes et des partis de gauche. L'annonce surprises de l'accord du 13 septembre rend encore plus délicate la situation du pouvoir : le roi Hussein laisse alors entendre qu'il reportera sine die les élections, afin que les Palestiniens de Jordanie ne votent pas deux fois, la première en Jordanie, la seconde, huit mois plus tard, en Cisjordanie. Finalement, il maintient le scrutin à la date prévue du 8 novembre. La nouvelle loi électoral produit les effets escomptés : sur les 80 sièges de la Chambre, les islamistes (Frères musulmans et indépendants) chutent de 32 à 18 sièges et la gauche de 8 à 3. Les trois quarts des sièges restants sont occupés par des proches du roi, et la nouvelle Chambre ne s'oppose pas au processus de paix.

Chrono. : 19/01, 1/02, 13/05, 8/08, 26/08, 5/09, 7/09, 13/09, 12/10, 25/10, 12/12.

Shimon Pères, Le Temps de la paix, Odile Jacob, 1993.

Olivier Da Lage
Journaliste a Radio France Internationale