Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Cet appel risque de trouver un large écho auprès du public français. Un sondage, effectué à la demande de la Caisse des monuments historiques et des sites et publié le 16 septembre par le Monde, notait le nouvel intérêt et le rajeunissement considérable de la population touchée par le patrimoine. La crise, des lendemains qui ne chantent plus guère, un avenir pour le moins brouillé, des préoccupations nouvelles – l'écologie, la protection de l'environnement – incitent les Français à regarder le passé, même récent, avec un œil plus indulgent, plus nostalgique aussi. Cet attachement réaffirmé fait rimer, parfois naïvement, culture et nature – souvent assimilées aux forêts ou aux sites naturels, les vieilles pierres auraient plus besoin de protection que de gestion ! Mais cet attachement est quantifiable : les Dixièmes Journées du Patrimoine ont eu un succès considérable. Plus de 6 millions de visiteurs (20 % de plus que l'année passée) se sont bousculés, les 18 et 19 septembre, devant les palais nationaux, les monuments, les demeures et les bâtiments, publics ou privés, fermés en temps ordinaire.

Emmanuel De Roux

Le Grand Louvre, vers l'achèvement

Le 18 novembre, François Mitterrand inaugure l'aile Richelieu.

Six mois après son arrivée au pouvoir, il avait donné le coup d'envoi d'un chantier qui durera seize ans. Très vite, le projet prend une ampleur exceptionnelle : il ne s'agit pas seulement de moderniser des bâtiments, incontestablement vétustés, dans le cadre de ce qui existe déjà. Il s'agit surtout, à travers le déménagement du ministère des Finances qui occupait depuis 120 années l'aile Richelieu, et la libération de ce fait de 35 hectares, de repenser entièrement le musée, afin de lui rendre sa mission première : redevenir l'un des plus grands musées du monde. Le coût total de l'opération est estimé à 5 ou 6 milliards de francs.

Les controverses, nombreuses à l'origine, notamment devant la construction de la Pyramide en verre de l'architecte sino-américain, Ieoh Ming Pei, sont rapidement désamorcées.

En 1997, lorsque l'opération sera totalement achevée, nul doute que le pari sera gagné : les surfaces d'exposition auront doublé, passant de 30 000 à 60 000 mètres carrés ; le nombre d'œuvres exposées sera passé de 12 000 à 30 000 ; les surfaces d'accueil seront multipliées par dix ; un laboratoire de 3 000 mètres carrés permettra d'abriter les scientifiques chargés d'étudier les chefs-d'œuvre du Louvre ; un parc de stationnement pourra abriter 80 cars de tourisme et plus de 600 voitures...

La modernisation est aussi interne : informatisation, réorganisation des services, et transformation du statut du musée, puisque le Louvre est depuis le 1er janvier 1993 un établissement public administratif – EPA –, ce qui lui donne une plus grande autonomie de décision et de gestion...

Cette transformation remporte un franc succès, à la fois auprès des visiteurs et des mécènes : le nombre de visiteurs a ainsi explosé, passant de 2,5 millions en 1982 à près de 5 millions aujourd'hui. Quant au soutien qu'apportent les sponsors, il ne cesse de se développer : ICI France, le Crédit lyonnais, Lafargue-Coppée, Elf-Aquitaine ou la Caisse d'épargne participent désormais activement à financer des restaurations, la déformation de guides et de conférenciers, des expositions en France ou à l'étranger...

Le chantier du Louvre, s'il est unique par son ampleur, ne doit cependant pas masquer la généralisation du phénomène : on ne compte plus les constructions, rénovations, restructurations ou extension. Dans la France entière, 400 chantiers de musées sont en cours ou ont été achevés depuis le début des années 1980 : le musée Calvet d'Avignon, l'Institut archéologique d'Arles, le musée Matisse de Nice, le Palais des beaux-arts de Lyon..., la liste des villes touchées par la fièvre ne cesse de s'allonger. L'évolution du budget construction et rénovation du ministère de la Culture reflète bien cette tendance : de 63 millions de francs en 1981, il est passé à 225 millions en 1991. Mais il reste aujourd'hui, dans un contexte économique devenu difficile, à gérer le coût de tels projets.