Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

L'automne était marqué par les problèmes économiques et par les contradictions de la politique du « franc (belge) fort ». La Belgique, très favorable à l'union européenne, supporte difficilement cette discipline monétaire qu'elle s'impose alors que le chômage dépasse les 12 % de la population active.

Albert II est né en 1934 au château royal de Laeken, à Bruxelles, avec le titre de prince de Liège. Après des études d'officier de marine, il épouse, en 1959, la princesse italienne Paola Ruffo Di Calabria. Le couple aura trois enfants : Philippe, Astrid et Laurent. Président de l'Office belge du commerce extérieur, le futur roi consacrera une grande part de son temps à la promotion des produits belges à l'étranger.

Pays-Bas

Rigueur. Tel est le mot qui caractérise l'année en Hollande. « Une bonne politique ne consiste pas seulement à faire plaisir, mais aussi à se montrer dur. » Ainsi s'exprimait le Premier ministre Ruud Lubbers en présentant en avril un plan draconien d'économies budgétaires. Le chef de la coalition de centre gauche (chrétiens-démocrates et travaillistes), à moins de deux ans de la fin de son mandat, n'a pas hésité à geler toutes les allocations sociales et à diminuer, voire à supprimer, les différentes aides et bourses aux jeunes. En septembre, un rapport parlementaire allait encore plus loin en préconisant une véritable remise en cause du modèle social néerlandais, parangon en Europe du système de l'État providence. Dans le même temps, les députés néerlandais adoptaient une loi restreignant nettement le droit d'asile.

Austérité

En septembre, à huit mois des élections législatives, le ministre des Finances, le travailliste Win Kok, n'hésite pas à présenter un budget d'austérité : réduction de 1,7 % des dépenses de l'État et baisse du pouvoir d'achat des Néerlandais de 1,5 à 2,5 %. Toutefois, le déficit budgétaire passerait de 3 à 3,6 % du PIB afin de « donner la priorité à l'emploi ».

Scandinavie

Les pays Scandinaves demeurent confrontés au même double problème : celui d'une récession économique qui remet durement en cause leurs systèmes très avancés d'État providence, et celui de leur intégration européenne, qu'elle soit liée à leur candidature à la CE (Finlande, Norvège, Suède), ou à la confirmation de leur appartenance au système de Maastricht (Danemark).

En Suède, le plan d'austérité lancé l'an dernier par le gouvernement conservateur de Cari Bildt, avec l'appui de l'opposition sociale-démocrate, n'a pas encore suffi à relancer la machine : après trois années de croissance négative, 1993 ne s'avère pas meilleure. Alors qu'approchent les élections de septembre 1994, l'équipe au pouvoir est obligée de constater que sa politique de rigueur, tout en déprimant la consommation, n'a pas encore produit d'effets significatifs.

La Finlande, doublement touchée par la crise générale de l'économie européenne et par la débâcle de son voisin et traditionnel client russe, persiste à voir dans la Communauté européenne la solution raisonnable de ses problèmes. Le jeune chef de la coalition de centre droit au pouvoir, Esko Aho, maintient fermement le cap, même si un bon tiers des électeurs de son propre parti (Parti du centre, ex-agrarien) est résolument hostile à l'adhésion à la CE.

En Norvège, le Premier ministre sortant, Mme Gro Harlem Brundtland, pouvait affronter les élections législatives du 13 septembre avec une relative sérénité : son bilan économique était relativement bon ; l'opposition conservatrice ne semblait pas en mesure de menacer le gouvernement travailliste (minoritaire) en reformant une coalition avec les centristes. Un seul problème risquait cependant de lui nuire : celui de la nouvelle adhésion de son pays à la CE. L'essentiel de la campagne s'est joué autour de cette question. Mme Brundtland a fini par emporter le scrutin, mais le parti centriste anti-CE a quasiment triplé son score.

Le Danemark a en quelque sorte amplifié les évolutions de tous les autres pays Scandinaves : après la chute du Premier ministre conservateur Poul Schlüter, son successeur, le social-démocrate Poul Nyrup Rasmussen parvient à constituer un gouvernement de coalition majoritaire de centre gauche ; il milite activement pour la seconde ratification du traité de Maastricht qui l'emporte au référendum de mai avec 56,8 % des voix (ce qui provoque de véritables émeutes de protestation à Copenhague) ; il n'hésite pas à présenter un budget lourdement déficitaire pour relancer la croissance et lutter contre le chômage qui touche 12 % de la population active.

Le retour de la social-démocratie ?

Pour l'ancien Premier ministre danois Anker Joergensen « l'élection norvégienne [de septembre] est un signe. Le temps des jeunes loups, fanatiques de privatisations, de monétarisme et de marché à tout va est révolu. » Un diplomate interrogé par Libération nuance ces propos en remarquant que « la forme des sociaux-démocrates est proportionnelle à la montée du chômage et au déclin du PNB. Toutefois, la crise ruine aussi les chances pour les sociaux-démocrates de faire mieux. Leur si fameux modèle reposait sur une croissance d'au moins 2 ou 3 % par an et un chômage inférieur à 5 %. Ils ont bien compris que cette économie-casino est révolue. »

Le « oui » danois au référendum sur le traité de Maastricht peut s'expliquer par trois raisons : en juin 1992, le Danemark a obtenu des dérogations en matière de monnaie unique, de défense commune, de citoyenneté européenne et de coopération policière ; l'arrivée des sociaux-démocrates au pouvoir a fait changer d'opinion une partie des électeurs de gauche qui, en votant contre Maastricht en juin 1992, votaient en réalité contre le gouvernement conservateur ; l'aggravation de la crise économique dans le pays, enfin, a convaincu bien des électeurs réticents qu'il n'y avait pas de solution en dehors de l'intégration européenne.

Suisse

L'année a été largement marquée par les conséquences du refus référendaire de l'an passé, quand les électeurs suisses ont rejeté l'adhésion de leur pays à la CE comme à l'Espace économique européen (EEE). S'agit-il alors simplement de lui proposer une « cure de remise en forme », selon l'expression d'Adolf Ogi, président de la Confédération ? Ou bien la Suisse est-elle devenue une « étrangère à l'Europe », avec toutes les conséquences, notamment économiques, qui s'ensuivent ?

Autriche

Au début de l'année, les électeurs ont finalement rejeté la pétition populaire lancée contre l'immigration par le leader d'extrême droite Jörg Haider. La question demeure cependant ouverte depuis l'adoption en juillet d'une loi très restrictive sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers, et qui a soulevé l'opposition aussi bien des Verts et de l'Église que du patronat. Par ailleurs, la récession très nette de l'économie n'a pas facilité la tâche du chancelier social-démocrate Franz Vranitsky, chef d'un gouvernement de coalition (sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates) : celui-ci s'est, en effet, engagé à organiser un référendum sur l'adhésion de l'Autriche à la CE, au plus tard au début de 1995.

Un « anschluss économique » ?

Si seulement 5 % des Autrichiens se déclarent « allemands », 37 % des investissements étrangers dans le pays sont d'origine allemande, 40 % des exportations et 42,6 % des importations se font avec l'Allemagne, tandis que la moitié des 20 millions de touristes qui visitent chaque année le pays viennent de chez le voisin germanique. Le Kronenzeitung titrait : « L'Autriche doit rester indépendante ». 50 % du capital de ce grand quotidien sont détenus par les Allemands.

Grèce

Les mêmes (vieux) acteurs ont dominé cette année encore la vie politique du pays, marquée par un fort regain de nationalisme et une remontée de l'influence de l'Église orthodoxe. Andhréas Papandhréou (75 ans), le leader du PASOK (parti socialiste), n'a jamais pardonné à son vieux rival conservateur, Constantin Mitsotakis (74 ans), leader de la Nouvelle Démocratie, de l'avoir chassé du pouvoir aux élections de 1989. Malgré les scandales qui ont marqué la vie de son parti, malgré ses ennuis de santé et son remariage avec une femme de 35 ans plus jeune que lui, le dirigeant socialiste n'a jamais cessé de critiquer le gouvernement, en vue non seulement de revenir au pouvoir, mais de remplacer à la présidence de la République Constantin Caramanlis (86 ans). Depuis l'an passé, le pays s'est embrasé pour la cause macédonienne : à droite comme à gauche, personne (ou presque) ne semble vouloir accepter de compromis avec la république voisine ex-yougoslave de Skopje, qui ose vouloir se faire admettre à l'ONU sous le nom, hellène, de République macédonienne. L'Église orthodoxe s'est engagée dans l'affaire, reprochant aux Européens catholiques de combattre les Serbes orthodoxes et de faire payer la note aux Grecs avec la Macédoine. Le Premier ministre Mitsotakis était alors contraint d'avancer les élections générales au 10 octobre. Andhréas Papandhréou et le PASOK sortaient vainqueurs de l'épreuve, remportant 168 sièges, contre 115 à leurs rivaux de la Nouvelle Démocratie.

Grèce/Albanie : le ton monte

Protestant, en juin, contre le statut, jugé discriminatoire, des Grecs du sud de l'Albanie, le gouvernement d'Athènes expulse de Grèce plusieurs milliers d'Albanais. Le ton est brusquement monté après l'expulsion par Tirana d'un religieux orthodoxe, Christomos Maidonis, soupçonné de faire de l'agitation au sein de la communauté grecque d'Albanie.

Antonis Samaras n'a que 42 ans. Ancien ministre des Affaires étrangères de Constantin Mitsotakis. Jusqu'en 1992, il quitte le gouvernement qu'il juge trop « mou » sur la question macédonienne. Il fonde alors son parti, le Printemps politique (POLA) dont les mots d'ordre sont nationalisme et « moralisation » de la vie politique. En septembre 1993, il parvient à faire tomber le gouvernement. Aux élections d'octobre, le POLA obtient 4,9 % des voix.

Paul Roberts