Bernard Mazières

Ségolène Royal

Ségolène Royal n'a pas seulement un nom qui aurait pu sortir tout droit de l'imagination fertile de Claire Brétecher, elle impose aussi un nouveau style ministériel que l'on pourrait résumer en deux mots : paysannerie parisienne ! Avec ses chemisiers fleuris, ses longues jupes amples, ses ballerines si joliment simples qu'elles ne peuvent qu'être hors de prix (et sans oublier son cabas rempli de fromages des Deux-Sèvres toujours à portée de main), la tenue vestimentaire de Ségolène conviendrait plus à une visite au presbytère qu'à une réunion à l'Élysée.

Un parcours sans faute

Cette agréable personne est aussi l'incarnation d'un combat MLF : c'est une « femme libérée » qui accouche tranquillement, entre deux réunions ministérielles, de son quatrième enfant, sans pour autant être mariée à son compagnon de toujours, le député François Hollande. Sa carrière est aussi impressionnante que son look est trompeur. Conseillère au Tribunal administratif de Paris, elle est nommée en 1982 « chargée de mission » à la présidence de la République. Élue en 1988 député des Deux-Sèvres, puis Conseillère générale du canton de la Mothe-Saint-Héray en 1992, elle se verra appelée cette même année par le nouveau gouvernement Bérégovoy au poste de ministre de l'Environnement. Diplômée de sciences-po, énarque, elle se veut aussi représentative de l'intelligence à visage humain. À travers ses deux livres (le Ras-le-bol des bébés zappeurs et le Printemps des grands-parents), Ségolène innove dans les écrits politiciens : elle ne veut épater personne mais se faire comprendre par tous en abordant les problèmes quotidiens avec un solide sens pratique et des mots de tous les jours.

La Madone des médias

Surnommée par ses détracteurs « la Madone des médias », elle a appris par cœur le premier commandement du publiciste Séguéla : Bien faire, c'est faire savoir... D'autre part, grâce au renforcement des pouvoirs donnés à son ministère (ce qui avait été refusé à son prédécesseur Brice Lalonde), l'Environnement peut enfin quitter son strapontin pour s'intégrer dans un projet global de société : Ségolène participe de plein droit aux décisions politiques concernant les transports, l'urbanisme et l'aménagement de l'espace rural... Reste à savoir si mademoiselle Royal a une main de fer dans ses gants de dentelle...

Patricia Scott-Dunwoodie

Philippe Séguin

Au RPR, ses coups de gueule sont légendaires, son mauvais caractère redouté et ses relations avec Jacques Chirac agitées. On le dit « inclassable », « imprévisible » et « incontrôlable » ; une chose est sûre : à 49 ans, Philippe Séguin, silhouette massive et œil ombrageux, est un homme de convictions. Le député des Vosges (élu en 1978) et maire d'Epinal (élu en 1983) affiche haut et fort ses credos. Et, quitte à se marginaliser, il n'est pas du genre à les renier. Le compromis n'est pas dans la nature de cet homme qui – il l'avoue parfois – souffre d'être incompris.

Maastricht

Mais le référendum sur la ratification du traité de Maastricht va enfin donner à l'ancien ministre des Affaires sociales du gouvernement de cohabitation l'occasion de montrer la mesure de son talent. Au nom d'une certaine idée de la France et d'une Europe moins technocratique et plus respectueuse des nations, Séguin, avec à son côté Charles Pasqua, va se lancer sans réserve dans la campagne du « non ». Soutenu par une majorité des militants et des cadres du RPR qui ne comprennent pas bien l'engagement européen de Jacques Chirac, l'élu des Vosges va rapidement s'imposer comme le leader incontestable des anti-Maastricht. Les résultats du référendum – une courte victoire du « oui » -donneront au maire d'Epinal une nouvelle stature politique. Désormais, Séguin joue dans la cour des « grands ». Chirac doit en tenir compte.

Poids lourd

D'autant plus que le maire d'Epinal, cet énarque qui n'aime pas les « techno », ce fils d'institutrice né à Tunis, qui refuse toute allégeance et ne veut rien devoir à personne, a des idées bien arrêtées sur la « modernisation » du RPR. Si, en 1989, Séguin s'est employé à faire échouer l'opération des « rénovateurs », il s'est allié avec Pasqua l'année suivante pour tenter une OPA (ratée) sur le parti. Le maire de Paris s'en souvient quand, en octobre – pour mieux le contrôler ? –, il le nomme au comité de pilotage du RPR, la plus haute instance du mouvement. Mais il en faut plus pour « bâillonner » l'imprévisible Séguin. À peine promu, il prend ses distances en proposant, avec son compère Charles Pasqua, un contre-programme. Plus social, moins imprégné par la touche d'Edouard Balladur, qu'il ne prise guère.

Le député des Vosges, c'est certain, fort du nouveau poids que lui a donné sa campagne anti-Maastricht, n'entend pas rester inerte.

Bernard Mazières