Les pays les moins développés sont les plus atteints par l'évolution des matières premières. En revanche, deux régions du monde sont en passe de réaliser de bonnes performances en 1992 : l'Asie Pacifique, qui continue sa progression quoique à un rythme plus modéré pour les quatre « Dragons », mais nettement plus élevé pour leurs voisins et pour la Chine qui continue de bénéficier d'une croissance de 9 % en moyenne depuis 1978 ; l'Amérique latine, à deux exceptions importantes près – le Brésil et la Colombie –, qui semble démontrer que des expériences relativement libérales de développement menées par des pouvoirs démocratiques mais forts peuvent restaurer une croissance soutenue et réduire sensiblement l'inflation chronique dont ces pays restent les victimes. Le règlement de la dette extérieure latino-américaine s'en trouve quelque peu facilité.

Née dans l'espoir d'une reprise annoncée pour le second semestre, l'année 1992 s'achève dans la confusion et réchauffement des esprits. Le GATT connaît une crise sans précédent ; le cycle des négociations amorcé en Uruguay il y a six ans ne s'est toujours pas dénoué : il est devenu un théâtre d'affrontements. Le libre-échange international subit de multiples entorses (querelles sur la PAC, pressions des agriculteurs américains, procédure antidumping visant l'acier européen, etc.). Paradoxalement, alors que (malgré tout) la croissance reste positive en Europe, aux États-Unis et dans le reste du monde, les menaces de représailles s'accumulent et l'horizon de 1993 s'assombrit. Les hommes politiques endossent de lourdes responsabilités dans un état de choses qui risque de dégénérer si la relève des équipes dirigeantes aux États-Unis et en France n'y met pas bon ordre en 1993.

Alain Bienaymé
Professeur d'économie à l'Université Paris IX Dauphine, auteur du Capitalisme adulte, PUF, 1992.