Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Conférence de presse à l'aéroport, confidences en classe affaires aux journalistes et protestations d'innocence. Avec comme thème un message répétitif qui tient du matraquage informatif : « Je suis et je reste un bouc émissaire. »

« Bouc émissaire » conduit à grands renforts de voitures de police à la prison de la Santé, où finalement il accepte de purger sa peine. Considérant peut-être, à la réflexion, qu'il s'en tire à bon compte, la menace des Assises étant réitérée par les hémophiles, qui ont toujours considéré que le tribunal correctionnel n'était pas à la mesure du crime, le conduisant à ne pas se pourvoir en appel. Ne serait-ce que pour se protéger pénalement à partir de cette sanction acceptée.

Mais le renoncement à la voie judiciaire n'implique nullement l'abandon d'une deuxième voie que le Dr Garretta a toujours privilégiée : entamer, comme le Pr Roux d'ailleurs, un autre procès, en utilisant les médias de manière à peser sur l'opinion publique. À cette contre-offensive le parquet répliquera en se pourvoyant à son tour en appel, à la grande indignation de Me Charvet, avocat de Garretta, qui considérera que son client, « en acceptant de revenir en France est tombé dans un piège ».

Mais ce dernier retournement pénal est déjà relégué au second plan par l'actualité. La politique, en effet, a pris le relais. Une bataille sur fond électoral est entamée. Dans ce procès du procès qui s'amorce, la Haute Cour se profile. À ce niveau, la recherche des responsabilités n'est plus une exigence de vérité, elle devient un enjeu. Faites entrer la politique dans le prétoire, avait dit un avocat célèbre, et la vérité n'a plus qu'à en sortir.

Pierre Bois
Rédacteur en chef au Figaro

Ils ont déclaré

Edmond Hervé : « J'ai eu la connaissance de manière précise de l'état des produits sanguins à la suite des travaux de la commission consultative de la transfusion sanguine de juin 1985. Ce rapport faisait état de la contamination mais signalait simultanément la position que le CNTS, après consultation des experts, avait prise à l'unanimité. Ce sont ces données et ces décisions qui m'ont été rapportées. Elles ne présentaient aucune alternative. Je suis convaincu que je n'ai pas abordé la question du chauffage du sang avec le Pr Roux. »

Georgina Dufoix : « Si on avait su que c'était vers la mort qu'allaient les gens consommant ce type de produits, il est évident qu'on aurait arrêté tout. Comment imaginer que des gens normaux puissent agir autrement ? Si on nous avait prévenus que ces produits étaient mortels ! »

Laurent Fabius : « Je veux être précis. Là où j'ai été informé, c'est-à-dire à propos du dépistage, j'ai pris entièrement mes responsabilités. Mais là où je n'ai pas été informé, c'est-à-dire à propos du chauffage, il n'y a pas eu de décisions possibles. Je voudrais dire brièvement le fond de ma pensée : c'est un drame national, d'une ampleur considérable. Personne, je dis bien personne, ne peut s'exonérer, même ceux qui ont agi comme il faut. »